Faut-il s’inquiéter du solde négatif de notre balance commerciale ? (1)

Notre économie serait-elle, petit à petit, devenue apathique ? Et pourquoi ? Nous allons voir ce que révèle un solde indéfiniment déficitaire de la balance commerciale d’un pays.

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Faut-il s’inquiéter du solde négatif de notre balance commerciale ? (1)

Publié le 2 mars 2020
- A +

Par Claude Sicard.
Un article d’Entrepreneurs pour la France

Le solde de notre balance commerciale depuis un demi-siècle est négatif. Il s’agit, nous allons le voir, d’un problème particulièrement préoccupant, mais personne ne parait vraiment s’en inquiéter.

Notre économie serait-elle, petit à petit, devenue apathique ? Et pourquoi ? Nous allons voir ce que révèle, si l’on y réfléchit bien, un solde indéfiniment déficitaire de la balance commerciale d’un pays.

Il s’agit en effet de comprendre les raisons véritables pour lesquelles le solde de la balance commerciale d’un pays stagne, ce qui est le cas de la France, ou bien parvient à se réduire, ou, au contraire, va en s’aggravant. On fera évidemment abstraction des simples oscillations à caractère purement conjoncturel qui se produisent inévitablement d’une année sur l’autre.

Nous prendrons l’exemple de plusieurs pays européens qui ont pu redresser durablement leur balance commerciale, face à un pays comme la France dont le solde de la balance commerciale reste négatif.

Et l’on pourrait ajouter à ces exemples celui de la Suède qui est parvenue à redresser, elle aussi, la balance de son commerce extérieur, passant d’un déficit de 0,98 % du PIB en 1980 à un excédent devenu structurel : 3,69 % en 2017, et 3,15 % en 2018.

Ce tableau ne manque pas d’étonner, puisque notre pays n’a pas connu la même dynamique. Dans ces pays qui sont parvenus à redresser leur commerce extérieur, il s’est produit des évolutions structurelles qui méritent d’être analysées, alors que rien de tel n’est advenu dans le cas français : si notre pays avait été dynamique, cela se serait vu dans les résultats de sa balance commerciale.

Lorsque, en effet, les exportations d’un pays se développent et que l’on voit sa balance commerciale se redresser, ce ne sont pas toutes les branches d’activité qui soudain se sont réveillées, mais une ou deux, voire, s’il s’agit d’un grand pays, trois, ou tout au plus quatre, qui ont crû et se sont renforcées : ce sont, soit des secteurs anciens qui se sont restructurés, soit des secteurs nouveaux, des secteurs qui, dans un cas comme dans l’autre ont su trouver une bonne stratégie pour croître et être compétitifs sur les marchés extérieurs.

On nous dit trop souvent que si notre balance commerciale est négative c’est parce que nous n’avons pas de pétrole : certes, mais l’Allemagne, le Danemark et la Suisse n’en ont pas davantage que nous. Ce qui est préoccupant, c’est que dans notre cas, ce manque de pétrole n’est compensé par rien. Certes, nous pourrons nous consoler en constatant que notre déficit du commerce extérieur ne va pas en s’aggravant.

Nous allons donc examiner ici, très succinctement, quels sont les secteurs d’activité qui dans les cas que nous étudions ont permis à ces pays de redresser la barre de leur commerce extérieur, des secteurs dynamiques que le gouvernement, aux Pays-Bas, dans ses programmes d’intervention dans l’économie, a nommé top sectors. Mais, des analyses bien plus poussées seraient nécessaires.

Le cas de l’Allemagne

L’Allemagne a quatre grands secteurs d’activité industrielle, des secteurs très vigoureux, quatre top sectors qui ont particulièrement animé son économie ces vingt dernières années :

— L’industrie automobile allemande est extrêmement puissante : 6 millions de véhicules produits par an, avec 828 000 personnes employées dans ce secteur. Plus de 60 % de la production de voitures est exportée. Cette industrie représentant 4,5 % du PIB du pays est très innovante, avec des équipementiers d’envergure mondiale : l’Audi A8, par exemple, a une capacité de conduite autonome de niveau 3. L’Allemagne représente 40 % de la production automobile européenne. Avec la révolution qui attend ce secteur du fait du passage à l’électrique, des bouleversements considérables vont se produire. L’économie du pays commence d’ailleurs à en être affectée, et déjà en 2019 la production allemande d’automobiles a commencé à baisser : le marché européen est maintenant dans sa phase de maturité, et la Chine est devenue un très gros producteur de voitures.

— Autre secteur très puissant aussi : la machine-outil. L’Allemagne était jusqu’ici le premier fabricant mondial de machines-outils, un secteur d’activité ayant un taux d’exportation de 87 %, et qui a beaucoup exporté sur la Chine qui, en plein développement, avait besoin de s’équiper, ce qu’elle a fait en recourant beaucoup aux Allemands.

— Autre secteur encore : la chimie qui est un secteur d’activité traditionnellement très puissant en Allemagne, où 480 000 personnes encore aujourd’hui sont employées. Les exportations allemandes de produits chimiques sont passées de 96 milliards d’euros en 2004 à 160 milliards en 2016.

Quant à l’industrie agroalimentaire, il s’agit d’un secteur d’activité qui a fait dans ce pays une croissance extrêmement rapide ces vingt dernières années, parvenant à se hisser maintenant au niveau de la France, mais en étant à la fois plus compétitif et plus innovant. L’industrie agroalimentaire allemande emploie 560 000 personnes, et elle continue à croître, en sorte que dans ce secteur les exportations allemandes sont supérieures à celles la France. L’Allemagne est ainsi devenue, au plan mondial, le troisième exportateur après les États-Unis et les Pays-Bas : ses exportations sont près du double de celles de la France, avec 72 milliards d’euros dans un cas et 44 milliards dans l’autre.

Le cas de la Suisse

Dans le cas de la Suisse, c’est l’industrie pharmaceutique qui joue un rôle essentiel dans la dynamique de croissance du pays et de ses exportations : elle est le moteur de l’économie, avec des firmes comme Novartis, Roche, Merck et Janssen-Cilag… Ce secteur d’activité représente 38% des exportations, alors que le secteur de l’horlogerie n’intervient que pour 9 % seulement. Sa part dans le PIB est passée de 1 % en 1980 à 4,5 % alors qu’en France il s’agit à peine de 0,8 %. En 2017, les 24 sociétés pharmaceutiques suisses ont investi en Suisse 7 milliards de francs suisses dans la R&D, et au plan mondial la somme de 96 milliards de francs suisses.

Le cas du Danemark

Au Danemark, deux branches d’activité qui sont des top sectors : l’industrie pharmaceutique, avec Novo’Nordisk, Lundbeck et Leo-Pharma, et l’agriculture où deux secteurs ont fait une percée foudroyante : l’agriculture biologique et la production porcine.

— L’industrie pharmaceutique s’est développée énormément dans ce pays : la production a été multipliée par quatre entre 1999 et 2015, et les acteurs du secteur indiquaient qu’elle doublerait d‘ici à 2020. Ce secteur d’activité représente maintenant 4 % du PIB, et c’est le premier poste d’exportation du pays (médicaments emballés). Il s’agit de 13 % des exportations danoises.

— Dans le domaine de l’agriculture, le pays s’est spécialisé dans l’agriculture biologique et dans la production de porcs. En agriculture biologique les surfaces ont doublé depuis 2007 et le pays s’est donné pour objectif de convertir toute son agriculture à ce type de production, tant pour les cultures que les activités d’élevage (viandes, lait, œufs…) Ses principaux débouchés sont l’Allemagne et la Suède.

Pour ce qui est de la production porcine, le Danemark s’est fait une réputation de producteur de très grande qualité, ayant joué sur la génétique et procédé à une restructuration complète de ses élevages.

La réputation de ce pays dans le domaine de la génétique en matière de production porcine est mondiale et l’on voit à présent le spécialiste de génétique porcine Dan Bred venir s’installer en Bretagne, dans les Côtes du Nord, pour apporter ses techniques aux éleveurs bretons.

Le nombre de fermes d’élevage est passé de 30 000 en 1990 à 5800 en 2008. Les porcs danois sont réputés pour la qualité de leur viande, leurs performances (vitesse de croissance, productivité des truies, et résistance aux maladies). Aussi, 90 % de la production porcine est-elle exportée chaque année. Phénomène étonnant pour un pays de cette dimension : le Danemark est l’un des plus importants exportateurs de porcs du monde, avec 140 pays clients.

Le cas des Pays-Bas

Le top sector aux Pays-Bas est manifestement l’agro-alimentaire. La Hollande est devenue, après les États-Unis, le second exportateur mondial de produits agricoles ou issus des industries agro-alimentaires, la France se trouvant reléguée en quatrième position, derrière l’Allemagne d’ailleurs.

Ce secteur assure 13 % des exportations du pays et il constitue 7 % à 8 % du PIB. Et ses effectifs seraient de 662 000 personnes actuellement. Le NWO et les pouvoirs publics cofinancent avec les firmes privées (Friesland Compania, DSM, Danone…) des projets de recherche pour renforcer le leadership hollandais dans ce domaine.

Quant au secteur de l’horticulture, on sait que la Hollande est le carrefour mondial du négoce des fleurs : elle représente à elle seule 60 % des échanges mondiaux, et le géant néerlandais de l’horticulture, la coopérative Royal Flora Holland a un chiffre d’affaires de 4,7 milliards d’euros. Un tel chiffre d’affaires pour une coopérative agricole fonctionnant dans un pays de la taille de la Hollande est une performance extraordinaire : c’est le chiffre d’affaires de la coopérative française Sodial Union, avec ses marques bien connues Yoplait et Candia.

Conclusion

On voit, avec ces différents exemples, que la balance commerciale des pays que nous venons d’examiner s’est redressée avec l’expansion de un ou deux, voire, quand il s’agit d’un très grand pays, trois ou quatre secteurs d’activité, des secteurs où des progrès très importants sont intervenus pour accroître leur compétitivité, avec des stratégies qui ont chaque fois été des stratégies de différenciation.

Les exemples les plus frappants sont ceux de la Suisse avec son industrie pharmaceutique, du Danemark avec ses activités pharmaceutiques et sa production porcine, et de l’Allemagne et de la Hollande avec leur secteur agro-alimentaire en plein développement. Pour que des secteurs puissent apporter une contribution importante au commerce extérieur d’un pays, il faut qu’ils représentent 1,5 % à 2 % du PIB : s’ils sont marginaux, l’impact sur la balance du commerce extérieur est infime.

Nous verrons, dans la seconde partie, ce qu’il en est dans le cas de la France : la stagnation de son commerce international traduit-elle le fait qu’elle manque de top sectors ?

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  • A part pour l’état qui récupère un peu moins de taxes et impôts, c’est un problème particulièrement préoccupant pour qui ?

  • Bah, on a bcp de mal à exporter nos chômeurs et nos fonctionnaires pourtant les meilleurs du monde.

  • Le déficit de la balance commerciale est évidemment un gros problème. En effet, la valeur de ce déficit vient en déduction de la croissance annuelle de l’économie du pays.
    PIB = sommes des valeurs ajoutées + TVA + droits et taxes sur les importations – subventions sur les produits +/-variation de la balance commerciale.
    Donc en 2018, si au lieu d’un solde de cette balance de -0,77% nous avions +1,5%, la croissance serait supérieure de +2,27% !!!
    CQFD
    M. Sarkozy disait vouloir chercher la croissance avec les dents, il faut la chercher à l’export.

    • Votre équation est fausse parce que les variations de la balance commerciale sont déjà intégrées au calcul de la valeur ajoutée dans la définition du PIB par analyse de la production :
      PIB = valeur ajoutée + taxes nettes.
      Si on voulait isoler les échanges extérieur, il faudrait calculer une sorte de « VA nationale » (VA-X+M) et une « VA internationale » (+X-M), ce qui serait un exercice passablement artificiel. Mais pourquoi pas ?

      De même, l’analyse des revenus ne permet pas d’isoler les échanges extérieurs :
      PIB = revenus des salariés + revenus des entreprises + revenus de l’Etat.

      Si vous voulez isoler les exportations et les importations, il faut recourir à la définition du PIB analysé selon les ressources et les emplois (forcément égaux) :
      Ressources = PIB + importations
      Emplois = consommation + investissements + variations de stock + exportations.

      La définition du PIB la plus intéressante est bien sûr la somme des valeurs ajoutées du secteur marchand. On note toutefois le mensonge statistique consistant à augmenter le PIB de la VA du secteur non marchand et des taxes nettes, faisant comme si les dépenses publiques et la TVA étaient une création de richesse alors qu’il s’agit au mieux d’une opération neutre (déplacement de richesses déjà créées par ailleurs), et plus souvent d’une destruction de richesses.

      On note également que le PIB analysé sous l’angle des emplois et des ressources permet à certains idéologues (faux économistes) d’affirmer que la consommation serait un moteur de l’économie, ce qui est le comble de l’absurde en économie puisque la consommation consiste à détruire les richesses, pas à les créer. Pourtant, on ne consomme jamais que ce qu’on a d’abord produit. Pas de production, pas de consommation. Tout est simple.

      • la différenciation entre production destinée à la France et exportations est bien évidemment réalisée avec précision sur les bases des chiffres émis par chaque entreprise exportatrice, sinon comment saurions-nous la valeur de la balance commerciale du pays…Je maintien ma formule, renseignez-vous et lisez un livre de macro économie.

  • Il faut remarquer aussi qu’en 2000 notre balance commerciale était redevenue positive… juste avant l’adoption de l’euro.

    • Corrélation n’est pas causalité! Sont en cause l’incompétence et l’ingérence de nos politiciens, ainsi qu’on le constate en ce moment même dans l’énergie et l’agriculture! L’Allemagne ayant dépassé la France dans ce secteur, qui était pourtant un des top sectors de la France avec le luxe!

    • Oui et la croissance etait plus grande apres 1945…

    • Non, pas juste avant l’euro mais juste avant les 35h qui ont fini d’achever le malade franchouillard. Depuis les 35h, la France est en voie de sous-développement. L’euro au contraire a été une bénédiction pour l’économie française durant une décennie, lui apportant les bienfaits innombrables d’une monnaie forte et stable, jusqu’à ce que SuperMariole le transforme en vulgaire outil politique de destruction massive avec sa planche à billets.

      La fin des années 90, c’était une période faste et foisonnante où les jeunes entreprises pouvaient prendre des libertés avec le code du travail et la fiscalité, les vieux ponctionnaires dépassés ne comprenant même pas ce qu’elles faisaient. C’est ce qui explique la balance commerciale positive. Mais en même temps, ça s’est mal terminé avec la bulle des dot.com.

  • Aucune raison de déprimer.

    Arrêtez donc de regarder ce que font les autres, et concentrez vous sur les discours de Bruno la Science, vous y verrez un avenir radieux !

    Aie confiansssssse, croie moi….

  • IL serait aussi intressant que l auteur parle des USA. deficit commercial enorme bien qu ils ont des « top sector » (informatique, aeronautique, internet)

  • Si on cherchait du côté du poids formidable des prélèvements obligatoires, ainsi que des réglementations, interdictions, obligations, contrôles à n’en plus finir dont notre pays s’est fait le spécialiste ; bref, du caractère de plus en plus socialiste (au sens URSS) de notre économie ?

    Quel meilleur moyen de détruire nos « top sectors » ?

  • Les commentaires sont fermés.

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