Bertrand Périer est à la parole et aux mots ce que Jean-François Zygel est à la musique : un homme passionné, passionnant et engagé. Et on a plaisir à l’écouter, partager son enthousiasme, sa vivacité.
Cependant, je n’ai pas été enthousiasmé, pour cette fois, par ce livre. Non pas que l’idée ne soit pas sympathique ou le livre mal écrit. Mais simplement, je m’attendais à autre chose.
Anecdotes de vie
Découvert lors d’une émission de « La Grande librairie », sur France 5, j’ai hésité dans le choix d’un des livres parmi ceux des auteurs présents, tous passionnants. Celui-ci, avec son sous-titre Le plaisir du mot juste, après beaucoup d’hésitation, pouvait emporter mon adhésion. Surtout de la part d’un auteur qui présente les mots comme ses « plus chers compagnons », encourage des jeunes à participer à des concours d’éloquence, et enseigne l’art oratoire.
Mais au lieu d’un livre passant en revue un certain nombre de mots pour en montrer les nuances et s’attacher à définir leur emploi approprié à des situations, ou nous faire découvrir des mots inconnus ou bien dont on connaît mal le sens, j’ai plutôt eu le sentiment de lire une sorte d’autobiographie de l’auteur, certes pas dénuée d’intérêt, mais mettant davantage en jeu des souvenirs, des ressentis personnels, des anecdotes de vie (dans lesquelles on se retrouve parfois).
Se référant à son activité d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, Bertrand Périer commence ainsi par nous livrer un certain nombre d’anecdotes sur des mots ou des situations qui illustrent l’univers du monde judiciaire. Révélant quelques-uns de ses codes, ou de ses pratiques. Toujours sur un ton badin et enjoué, mais ne mettant pas particulièrement en jeu les mots eux-mêmes.
Avant d’évoquer dans un deuxième chapitre les mots relatifs au monde culinaire. À cela près que, comme je le soulignais précédemment, il évoque plutôt un certain nombre d’anecdotes (croustillantes), de codes ou de références et de savoir-être qui ressemblent plus à des traits de peinture qu’à une véritable découverte de mots.
Le troisième chapitre est consacré à l’univers religieux, mais ressemble plus là encore aux bons et mauvais souvenirs de l’auteur remontant à son enfance et à son éducation catholique librement choisie – puis rejetée – par quelqu’un issu de parents agnostiques. Une sorte de confession d’un repenti qui ne regrette toutefois pas l’expérience et les enseignements qu’il en a tirés.
Puis les chapitres suivants abordent :
– la jeunesse des mots et les mots ou concepts d’aujourd’hui, auxquels il faut savoir resté attaché si l’on entend être « connecté »,
– les mots politiques ou des politiques, dont les maux ne nous auront généralement pas échappé,
– les mots du sport, qui là encore se présentent plutôt comme un panorama de l’air du temps,
– les mots liés à la musique, sous la partition de quelques ressentis propres à l’auteur, mais dont on peut tout à fait partager l’enthousiasme (Jean-François Zygel peut y trouver toute sa place),
– et enfin les mots d’amour, reflet de notre condition et de nos plus profondes aspirations.
Bertrand Périé, auteur engagé au service de la parole et de l’éloquence
Pour clore chaque chapitre, Bertrand Périer, avec l’enthousiasme qui le caractérise, nous propose des séries de petits jeux mettant en œuvre le maniement du langage. Une idée étonnante, mais en harmonie avec son engagement au service du langage et du maniement de la parole.
En conclusion, j’aurais sans doute dû lire plutôt son ouvrage précédent, La parole est un sport de combat, mais on peut dire que ce livre demeure malgré tout agréable, plein d’humour, de joie de vivre et d’enthousiasme. Je ne puis qu’encourager l’auteur à poursuivre toutes ses belles entreprises avec la même fougue le plus longtemps possible, même si pour cette fois cette lecture ne m’a pas apporté grand-chose sur un plan personnel.
- Bertrand Périer, Sur le bout de la langue, JC Lattès, octobre 2019, 220 pages.
” Les mots sont magiques en ce sens qu’ils influent sur les cerveaux de ceux qui les utilisent. ”
Aldous Huxley