Du rire en finance 

Quel rapport entre le rire et la finance ? A vous de le découvrir.

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Du rire en finance 

Publié le 30 janvier 2020
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Par Karl Eychenne.

Il existe deux manières de traiter du rire en finance. La première, classique, ironise sur les croyances des marchés. La deuxième, originale, s’interroge sur le sens de l’humour de l’investisseur.

« La finance est un sujet sérieux : on ne plaisante pas avec l’argent des autres ». (Trader confirmé).

La recherche académique nous apprend que les mouvements de marché ne sont pas risibles, mais justifiés, fondés, soit par ce qui a pu se produire par le passé (faits stylisés), soit par ce qui est censé se produire (la théorie). Autrement dit, lorsque la bourse monte, c’est soit parce qu’elle a monté hier, soit parce que sa valeur intrinsèque est plus élevée. Aucune place pour l’humour là-dedans.

Imaginons quand même un scénario où la bourse monte alors qu’elle ne devrait pas. Là non plus, on y verra aucune preuve d’autodérision, mais une anomalie comportementale qui sera corrigée dès que l’investisseur sera revenu à la raison. Le débat rationnel vs irrationnel ayant été épuisé par les spécialistes, exploitons une piste plus légère : celle du rire en finance.

Ce qui peut prêter à rire

Commençons par les blagues éculées :

  • la plus grande blague de la finance selon certains : les marchés sont prévisibles. Ceux qui en rient évoquent le fantasme de la planche Ouija, ou questionnent la valeur ajoutée de la gestion active relativement à la gestion passive. Ceux qui n’en rient pas évoquent les publications foisonnantes de nouvelles stratégies gagnantes, et la théorie qui ne voit pas d’incompatibilité entre une prévisibilité partielle des marchés et la rationalité de l’investisseur.
  • les blagues qui fonctionnent à chaque fois : la chute ! lorsque les marchés continuent de monter alors qu’il n’y a plus rien dessous pour les retenir… On pense à la bulle des valeurs technologiques (années 1990) entretenue par des profits imaginaires ; à la bulle des subprimes (années 2000) entretenue par des notes imaginaires. Plus c’est gros, plus ça passe : Irving Fisher 15 jours avant le krach 1929 : « le cours des actions a atteint un plateau permanent ».
  • les blagues qui ne produisent pas l’effet voulu. Le marché est parfois susceptible, peu réceptif au second degré. Ainsi, lorsque Donald Trump qualifie Kim Jong Un de Rocket-Man en 2017, les marchés n’apprécient pas l’humour du président américain. Lorsque Ben Bernanke, alors président de la Fed en 2014, annonce la fin probable du quantitative easing, le marché obligataire réagit violemment par des tensions sur les taux d’intérêt de long terme.

Les sourires en coin :

  • Saint Antoine l’Égyptien : l’acteur de la finance est bien conscient qu’il n’est pas aussi rationnel qu’il en a l’air, mais il y aspire. Aussi est-il tenté de s’isoler à l’aide d’un formalisme toujours plus aride, afin d’éloigner les interprétations des mouvements de marché qu’il juge trop légères. Il peut alors se prendre pour Saint Antoine l’Égyptien, s’éloignant toujours plus loin dans le désert, afin de ne pas subir les tentations liées à sa faible condition d’humain.
  • Le nez électronique : l’homme de la finance typé quant est aussi bien conscient qu’il ne dispose pas de sens suffisants pour capter tout ce que le réel lui renvoie. Aussi, il sera tenté d’utiliser tous les outils à sa disposition (économétrie, machine learning) pour interpréter ce qu’il ne peut pas sentir. Armé de son nez électronique, il cherchera à détecter les drogues (bulles) ou les explosifs (retournements de marché) cachés dans les prix des actifs financiers.
  • la chanteuse d’opéra qui chantait faux : les oracles sont nombreux en finance, et le public n’est pas toujours fidèle au plus savant. Il arrive même parfois, pour une raison mystérieuse, qu’un orateur particulier attire les foules plus que le bon sens le justifierait. Il en va de la finance comme de l’opéra : Florence Foster Jenkins durant les années se produira au Carnegie Hall, à la demande d’un public, alors que manifestement elle chantait faux.
  • Don quichotte et la paréidolie : l’homme de la finance cherche à donner un sens à ce qu’il voit. Puisque la bonne foi se présume, on ne l’accusera pas d’inventer des histoires, mais de croire vraiment à ce qu’il raconte. Ainsi, Don Quichotte croit-il vraiment se battre contre des géants lorsqu’il fait face à des moulins à vent. Lui aussi est donc victime de paréidolie, cette tendance à donner plus de sens aux choses qu’elles en ont vraiment.
  • « Un Fossoyeur se douta du dépôt » : à force d’épier les marchés, l’investisseur finit par y découvrir quelque anomalie. Aussitôt découverte, elle n’est déjà plus : elle est arbitrée ; La Fontaine parlerait plutôt d’investisseur fossoyeur. Mais tel pourrait être pris celui qui croyait prendre… Il existe de fausses anomalies qui sont en fait de véritables facteurs de risque : l’argent que vous gagnez vient rémunérer un risque que vous prenez sans le savoir.

De l’humour de l’investisseur

Il n’existe pas de lecture traitant frontalement de l’humour de l’investisseur. Néanmoins, en croisant les études, il est possible de spéculer un peu. L’idée est que l’investisseur présenterait certains traits de personnalité plus ou moins favorables à la pratique d’un certain humour.

Il faut d’abord s’interroger sur les principaux traits de la personnalité qui nous caractérisent tous. Ils seraient au nombre de cinq (modèles Big Five), pour tous les hommes et femmes d’où qu’ils viennent :

  • extraversion : recherche la stimulation et la compagnie des autres
  • agréabilité : compatissant, coopératif, peu soupçonneux ou antagonique
  • conscienciosité : autodiscipline, organisation, respect, vertus, morale
  • neuroticisme : émotions désagréables, colère, inquiétude, vulnérabilité, dépression
  • ouverture : curiosité, imagination, art, aventure, idées nouvelles

Parmi ces cinq traits, la Conscienciosité aurait une influence particulière sur les performances scolaires puis professionnelles, au même titre que le fameux QI. Une nuance : cette influence ne concernerait que les postes de faible complexité. En fait, pour les postes plus spécifiques ou techniques, tels que avocats ou traders, voire à forte responsabilité (PDG), la lecture serait presque inverse : surtout peu de conscienciosité et d’agréabilité. Seraient même convoqués trois  sous-traits bien spécifiques :

L’investisseur est-il un pince sans rire ?

D’autres études font un rapprochement entre les cinq traits de la personnalité et le type d’humour pratiqué. Il existerait quatre types d’humour : agressif envers l’autre, agréable envers l’autre, agressif envers soi-même (autodestructeur), agréable envers soi-même (auto-valorisant).

  • parmi nos cinq traits de personnalité, un n’aurait aucune relation particulière avec les quatre types d’humour : la conscienciosité. Autrement dit, que vous soyez beaucoup ou peu marqué en conscienciosité n’aurait pas d’influence sur le type d’humour que vous pratiquez.
  • mais rappelons que notre investisseur est aussi très peu pourvu en agréabilité ce qui aurait tendance à lui faire préférer un humour agressif envers l’autre. Pures spéculations en attendant des publications traitant directement le sujet.

Conclusion : le fou rire ou le rire du fou

Il y a bien deux pistes que nous n’avons pas exploré : le fou rire ou le rire du fou ; « la différence entre les deux c’est la camisole », comme disait l’autre. A priori, ces deux pistes extrêmes ne semblent pas devoir être retenues pour expliquer les mouvements de marché, ou alors de manière épisodique.

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