Ukraine : l’émancipation des femmes passe par l’éducation

Découvrez Rudnystka, l’organisation qui veut des femmes libres pour l’Ukraine d’aujourd’hui et de demain.

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Olena Yehorova (Source: tout droit réservé, photo personnelle)

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Ukraine : l’émancipation des femmes passe par l’éducation

Publié le 28 novembre 2019
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Par Justine Colinet.

Manifestations, conférences, colloques, projections de films… La question des droits et des libertés de la femme fait aujourd’hui partie de notre quotidien. Ce n’est malheureusement pas le cas partout.

Et ce n’est pas le cas en Ukraine, où les droits des femmes et l’autonomisation de celles-ci restent un sujet tabou.

La fondation Rudnystka, un projet éducationnel pour l’Ukraine

Lors du Liberty Forum de l’Atlas Network à New York, j’ai eu l’occasion de rencontrer Olena Yehorova, une jeune fille d’une vingtaine d’années, tout droit venue d’Ukraine, avec des envies et un projet à porter. En tant que fondatrice, elle a décidé d’appeler son organisation Rudnystka.

Milena Rudnystka était une éducatrice, militante, femme politique et écrivaine ukrainienne. Choisir son nom pour représenter cette cause n’était pas un hasard : elle a été l’une des voix les plus influentes dans l’entre-deux-guerres du mouvement des femmes galiciennes.

Ce n’est donc pas au hasard qu’Olena a décidé d’utiliser cette figure emblématique ukrainienne pour représenter un projet aussi ambitieux que primordial pour son pays.

Le « rôle » des femmes ukrainiennes

Pourquoi vouloir créer cette organisation ? En Ukraine, personne ne parle des conditions des femmes. L’idée principale est donc d’établir un comité axé principalement sur les droits des femmes ainsi que leurs libertés individuelles et économiques.

Dans de nombreux pays, les femmes se battent pour plus de liberté, d’autonomie économique et individuelle, plus de pouvoir, plus d’opportunités, plus d’égalité.

Mais en Ukraine, pays traditionaliste et conservateur, il a été établi au fil des ans que les femmes devaient entretenir leur rôle de mère au foyer, qui nourrit sa famille, qui s’occupe de son mari. Il s’agit bien là-bas de l’opinion publique, que très peu de femmes pensent ou osent contester.

Rudnystka a pour but de faire prendre conscience aux femmes en Ukraine, qu’en promouvant leurs libertés économiques et individuelles, en diffusant par exemple des success stories de femmes dans le monde entier, elles pourraient s’ouvrir au monde et décrocher de réelles opportunités.

Les Ukrainiennes doivent comprendre que le rôle de la femme ne peut pas se limiter uniquement à mettre des enfants au monde ou à s’occuper d’un foyer en restant complètement dépendantes de leur mari.

Sortir du carcan traditionaliste

Aucune loi ukrainienne n’interdit aux femmes de sortir de ce carcan traditionnel, mais ces dernières semblent tout simplement ignorer que c’est une possibilité, ou pire, sont conscientes que cette situation pourrait changer mais n’osent pas brusquer ce système de société au risque d’être jugées par leurs compatriotes.

L’organisation souhaite également protéger les rares femmes qui sortent de ce modèle traditionnel et conservateur : il est donc question de pousser les autorités à légaliser la prostitution, qui reste un milieu très sombre et dangereux pour les femmes en Ukraine, où le trafic sexuel est bien présent.

Il en va de même pour la lutte pour les droits de la communauté LGBTQ et les mariages homosexuels.

Le défi principal pour l’organisation est d’arriver à changer les mentalités et l’opinion publique en Ukraine. Tous ces sujets étant tabous, peu de citoyens ukrainiens se disent favorables à ces changements.

Pour Olena Yerohova, les Ukrainiens doivent apprendre à développer leur esprit critique et leur liberté de choisir. Pouvoir choisir de faire de leur vie ce qu’ils ont réellement envie d’en faire, choisir d’accomplir des choses, choisir de changer ce traditionalisme.

L’éducation comme outil pour l’évolution

L’outil par excellence qui permettra de faire avancer cette lutte, c’est l’éducation. Le comité de Rudnystka l’a bien compris, et concentre la majorité de ses forces sur les campus universitaires pour promouvoir ses idées.

Il s’agit d’un travail de communication axé principalement sur la jeunesse ukrainienne, celle qui peut encore s’intéresser aux libertés économiques et individuelles, celle qui n’a  pas été engloutie par des années de conservatisme et de traditionalisme.

La nouvelle génération est la plus demandeuse en termes d’indépendance : ces jeunes n’ont pas été élevés dans la mentalité des années 1970 en Ukraine, qui a bercé et porté ces idées traditionnelles jusqu’aujourd’hui.

Rudnystka invite des artistes, des écrivains, des journalistes sur ces campus, pour montrer aux femmes qu’il est possible d’accomplir de grandes choses, peu importe le sexe qui leur a été donné à la naissance, qu’une femme peut choisir de s’accomplir personnellement en prenant la voie pour laquelle elle a opté et non celle qui lui aurait été imposée, de faire prendre conscience à ces jeunes femmes que tout est une question de liberté de choisir.

Si tu es lesbienne, tu ne devrais pas avoir peur d’aimer une femme. Si tu veux travailler, tu ne devrais pas avoir peur de te lancer. Tu dois te battre pour tes droits, tu dois être libre de choisir !

Afin de pouvoir promouvoir ce message plus largement dans le pays, l’organisation est actuellement à la recherche de collaborateurs pour multiplier ces actions sur tous les campus ukrainiens, pour organiser davantage de conférences, des soirées avec projection de films, des cours, des invitées qui raconteraient leur histoire et qui montreraient aux jeunes que personne ne devrait pouvoir empêcher qui que ce soit de réaliser ses projets. Dans un futur proche, l’organisation souhaite élargir son action dans les collèges et ainsi pouvoir toucher les jeunes de 15 à 18 ans.

Rudnitska et ses intervenants ont très bien compris que le manque d’éducation était l’obstacle principal à l’épanouissement de la femme en Ukraine, et à l’évolution de ses libertés et droits. C’est en misant tout sur cette éducation que l’organisation veut arriver à changer les mentalités et révolutionner les conditions de vie des femmes du pays.

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  • L’emacipation des femmes ,super , les hommes vont pouvoir s’abstenir de subvenir a leurs besoins….pourtant dans les pays de l’est la femme au foyer doit etre assez minoritaire ,non ?

  • « Le défi principal pour l’organisation est d’arriver à changer les mentalités et l’opinion publique en Ukraine. »
    Très significatif. La liberté comme prétexte pour asservir les femmes à la pensée conforme des élites. Lesquelles élites ont depuis longtemps réfléchi au fait que, si on veut changer une société, il faut commencer par les femmes.

  • Quand les mentalités majoritaires gênent ou ne plaisent pas à certain(e)s, il faut évidemment les changer…
    En France, l’Etat fait tout pour ne pas rendre la population autonome, avec un certain succès. Une majorité d’hommes et de femmes ne souhaitent pas être indépendants mais préfèrent que l’Etat s’occupent d’eux et c’est très bien de l’avis général.
    Alors pourquoi penser que les femmes Ukrainiennes voudraient devenir plus indépendantes, surtout si rien dans la loi ne l’empêche ?
    Que l’on veuille quelque chose pour soi, OK. Mais pour les autres ? Il y a décidément beaucoup de JC dans nos contrées.

  • Le fait de prendre comme le nom, celui d’une femme de Galicie a un sens très particulier. Pour rappel, la Galicie, est la partie de l’Ukraine, qui fut historiquement dans le Royaume de Pologne (à l’époque de la République des Deux Nations) et ensuite, dans l’Autriche, suite au partage de la Pologne.
    C’est donc, la plus occidentalisée des régions de l’Ukraine. Le pouvoir actuel en Ukraine, est uniquement tourné vers l’occident et tente de ré-écrire l’histoire avec une histoire de l’Ukraine uniquement occidentale, oubliant toute l’histoire slave de l’Ukraine (« Kiev, mère des villes russes », par exemple). Ce changement d’histoire, de langue, de culture est tel, que j’ai déjà entendu parler de « galicisation » de l’Ukraine, par des spécialistes de la région.
    Donc le fait de prendre nom de cette femme de Galicie comme nom, a un sens politique très fort et très orienté.
    Sauf que cela peut aller à l’encontre de l’histoire d’une partie de l’Ukraine. Il suffit de regarder l’extension maximale de la Pologne en Ukraine, encore à cette époque de la République des Deux Nations. Elle correspond exactement à la partie pro-occidentale de l’Ukraine, celle de la révolte nationaliste des années 1944-1954, celle qui tua le général Vatoutine lors de l’avancée de l’Armée Rouge et qui tient un immense maquis contre l’Armée Rouge pendant des années après guerre. L’autre partie, la partie orientale, favorable aux russes, ne fut jamais polonaise. C’est elle qui a fait en partie sécession de l’Ukraine (plus aurait certainement fait sécession sans l’armée ukrainienne), qui accueilli bras ouverts l’Armée Rouge et qui avait permis un renseignement détaillé sur le dispositif allemand derrière les lignes. Ce que ne fit absolument pas l’autre partie de l’Ukraine : l’Armée Rouge y était comme en pays ennemi.

    Donc voilà, quelque rappel historique pour dire que cette association a l’air d’être dans la ligne des grandes tentatives d’occidentalisation de l’Ukraine et que celle-ci se fait en contradiction avec la culture et l’histoire de la moitié du pays.

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Nicolas Tenzer est enseignant à Sciences Po Paris, non resident senior fellow au Center for European Policy Analysis (CEPA) et blogueur de politique internationale sur Tenzer Strategics. Son dernier livre Notre guerre. Le crime et l’oubli : pour une pensée stratégique, vient de sortir aux Éditions de l’Observatoire. Ce grand entretien a été publié pour la première fois dans nos colonnes le 29 janvier dernier. Nous le republions pour donner une lumière nouvelles aux déclarations du président Macron, lequel n’a « pas exclu » l’envoi de troupes ... Poursuivre la lecture

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