Le documentaire à charge : nouvelle arme de manipulation massive

Vous vous sentez manipulés par les documentaires ? Voici pourquoi et comment, avec l’exemple d’un documentaire d’Arte, « les financiers qui dirigent le monde ».

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Capture d'écran YouTube du documentaire d'Arte "Le Monstre de Wall Street"-19 septembre 2019

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Le documentaire à charge : nouvelle arme de manipulation massive

Publié le 7 octobre 2019
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Alors qu’un documentaire devrait être une forme d’expression grand public qui éveille l’esprit en nous offrant des points de vue nouveaux, il se révèle au contraire être une arme militante qui impose son parti pris non pas par la force de ses arguments mais uniquement sur une mise en scène grandiloquente. Comment manipuler les mains vides : décryptage par l’exemple.

On peut s’attendre à ce qu’un documentaire essaie de confronter différentes opinions, d’offrir au spectateur plusieurs points de vue de sorte à développer son esprit critique, puis lui permette de se forger une opinion ou de réviser ses positions. Si les émissions de débats existent toujours, malheureusement trop souvent limités aux sujets politiques, un nouveau genre populaire est apparu : le documentaire à charge. On y trouve Cash Investigation de France Télévisions et, plus surprenant, la chaîne Arte.

Étudions le cas précis d’un documentaire intitulé « Le monstre de Wall Street – ces financiers qui dirigent le monde » que vous trouverez facilement sur les plateformes de vidéo en ligne. Le titre annonce déjà la couleur, celle de la haine du système financier. La cible est la société BlackRock, gestionnaire de fonds.

37 secondes suffisent…

Les 37 premières secondes de ce documentaire suffisent à donner le ton et à présenter les trois seules accusations qui seront par la suite martelées à un rythme infernal, telle de la musique techno ne laissant aucun autre choix que de secouer son corps jusqu’à la reddition, et déclarer la finance comme la mère de tous les maux.

Durant ce laps de temps sont présents tous les éléments qui seront ensuite recyclés durant les 1 heure 29 minutes 32 secondes restantes.

Pour la forme : la bande-son constituée d’une musique oppressante, rythmique et parcourue de bruitages irréels évoquant parfois des cris inhumains. Les premières images présentent tous les symboles de la finance : la statue de la Liberté – les défenseurs de la liberté apprécieront – les gratte-ciel de New-York, des billets verts, des enseignes au nom du coupable BlackRock et des écrans de traders. Ambiance sombre et inquiétante, rythmée de flash lumineux agressifs.

Pour le fond : ces 37 secondes suffisent à énoncer les trois accusations définitives supposées mettre le monstre de Wall Street KO. La première dénonce la dimension de l’entreprise, la seconde est une accusation de manipulation et la dernière dénonce un culte du secret, confirmant la culpabilité. On reconnaît ici les ingrédients des thèses complotistes appliquées cette fois à la finance.

Résonne alors un discours célèbre qui a valu à son orateur l’élection de président de la République, ce qui donne une idée de l’enjeu dont il est question ici. Résonnent aussi des moments plus sombres de notre Histoire ; bien que la cible ne soit pas la même, la méthode l’est. La taille n’est ni une accusation, ni même une critique. La manipulation ne sera pas démontrée, le cas échéant l’entreprise aurait été condamnée. Et le secret pourrait être discutable voire critiquable s’il était érigé en système avec intention de nuire, mais ici rien de tel n’est montré.

…puis une heure et demie de reprises

Ce qui est frappant dans ce documentaire c’est l’écart entre la pauvreté des arguments présentés et la grandiloquence de la mise en scène. Une heure et demie exactement résumée durant les 37 premières secondes. L’argument de la taille sera repris 44 fois au total : géant, mondial, colossal, explosion, inonder, écraser, puissance, milliards. Comme il n’existe pas 44 synonymes dans la langue française, les mots reviennent en boucle avec un effet entêtant et abrutissant exactement toutes les deux minutes. Curieux comme la taille peut constituer une accusation à elle seule.

Par contraste le « à taille humaine » deviendrait un gage de probité et de haute valeur morale. Cela reste à démontrer, et ce ne sera pas facile sachant que plus une entreprise est grande plus les décisions impliquent un nombre important de personnes et de contrôles faisant que mécaniquement les fraudeurs se trouvent plus souvent être des individus isolés ou des petites structures.

Les accusations de manipulation reviennent 15 fois. Manipulation des entreprises, des politiciens, des administrations, et même des États. Des accusations basées sur des témoignages anonymes et des allégations sans preuve. Sachant qu’au final aucune action en justice n’a abouti à une condamnation. À qui doit-on octroyer sa confiance ? À la justice ou au journalisme militant ?

Et pour finir, le soi-disant culte du secret, lui aussi ne tient sur rien. Dans un excès de confiance, les journalistes dénoncent au contraire une tendance à trop communiquer. Il s’agit là d’un moment fort de ce documentaire où un employé forcément repenti s’épanche, le visage dans le noir et la voix robotisée, sur une pratique qui fait froid dans le dos. Minute 26:52 :

« Ils [BlackRock] louaient des salles où le PDG présentait les résultats du trimestre et exposait aussi ses objectifs »

On touche ici du doigt le cœur du concept qui consiste à énoncer un fait, qui dans ce cas précis est une pratique réglementée par la loi et donc tout à l’honneur de ce PDG, avec une mise en scène et une intonation qui le feront passer pour une accusation de poids. Pour nous achever, deux secondes de musique oppressante plus tard, la voix off nous affirme exactement le contraire :

« ce qui se passe à l’intérieur de la société ne fuite presque jamais »

Le fond n’a donc aucun intérêt, seule la mise en scène porte le message.

La manipulation par la forme

Cet exemple n’est pas anecdotique. L’ensemble de ce documentaire se base sur des faits qui réels, supposés ou imaginés, seront versés immédiatement à l’accusation  par leur mise en image et en musique. Parfois, par paresse sans doute, des attaques gratuites et irresponsables tentent d’emporter l’adhésion par la force de l’excès.

  • « Ils font ce qu’ils veulent » : non je ne crois pas, ils seraient en prison si c’était le cas.
  • « L’ascendant du capitalisme international sur la démocratie nationale » : il est vrai, qu’à l’inverse le collectivisme a bien servi la cause de la démocratie.
  • « Les géants de la finance qui se partagent le monde entre eux » : plus c’est gros, plus ça passe et avec un pléonasme si jamais on n’avait pas compris.

Un sujet intéressant si l’on prend la peine de l’étudier

Alors que certains thèmes survolés auraient pu servir d’introduction à des débats intéressants :

  • est-ce qu’un gestionnaire de fonds peut représenter un risque systémique, alors qu’il ne prête pas d’argent ?
  • est-il légitime qu’il bénéficie d’un pouvoir sur les entreprises où il investit l’argent de ses clients ?
  • peut-il représenter un risque pour la concurrence lorsqu’il a une influence et des intérêts dans des sociétés concurrentes ?
  • est-ce que les décisions prises par des intelligences artificielles peuvent représenter un risque de déstabilisation des marchés, de l’économie en général ?
  • quelles frontières définir entre liberté des marchés et régulation ?
  • jusqu’où les États doivent-ils faire appel à des sociétés privées pour évaluer les risques ?

Le plus grave est qu’à force de marteler de tels messages, on fabrique une opinion qui se renforcera par la suite selon le biais de confirmation. Le fait qu’on s’attaque à des symboles de pouvoir qui représentent finalement peu de personnes et qu’il est difficile de trouver un angle favorable à exposer donnent un avantage indéniable qui malheureusement fait oublier que les échanges financiers sont à la source de créations et de partages de richesses.

Faisant oublier que le capitalisme est indissociable de la notion de propriété privée inscrite dans l’article 2 de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, juste après la liberté. Faisant oublier que de nombreuses régulations ont été mises en place pour protéger les usagers, les entreprises, les institutions et les États : échanges automatiques d’informations pour traquer les fraudeurs, directives MIFID sur les marchés financiers pour assurer la transparence des risques et des prix, garantir l’adéquation et la connaissance par le client des produits vendus, ainsi que pour traquer les manipulations de marché, reporting des produits dérivés pour mesurer les expositions et contenir les risques de marché, séparation des banques de détail et d’investissement – le Glass-Steagall act aux États-Unis dont l’équivalent français n’a pas abouti – stress test pour anticiper les risques systémiques, accords de Bâle 3 limitant les encours des banques, etc.

Expliquons et construisons

Le système financier doit être expliqué pour ce qu’il est. Il doit garantir un accès ouvert, transparent et équitable pour tous. Il doit servir à renforcer les liens entre les nations par le partage d’intérêts communs. Il doit être au service de chacun pour favoriser des échanges fluides et efficients. Il doit aussi rester sous surveillance pour éviter les dérives, les concentrations de risques et les effets systémiques.

Loin des messages toxiques et trompeurs que ce genre de documentaire véhicule, il vaudrait mieux expliquer au lieu d’alimenter la défiance et donc le rejet. Ironiquement,  Arte présente aussi un documentaire intitulé « L’art de vous manipuler ». Les journalistes l’ont sans doute visionné avant, car on y retrouve toutes les ficelles dénoncées ici…

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  • Arté est sous la coupe des verts allemands.. ceux ci ont pigé qu’avoir une chaine de télé c’était l’idéal..
    pour répandre la nouvelle religion verte..
    L’Allemagne a appuyé l’avènement de la gauche en france , pour nous couler
    elle continue sur sa lancée , si elle arrive a tuer l’agriculture , apres avoir décimé l’industrie… elle aura gagné la guerre

  • le mal est ailleurs malheureusement, le public de ce genre de trucs ne se rend m^me pas compte qu’ils sont vides en terme de preuves..il s’agit juste d’accusations.
    plus exactement ne semble pas vouloir se rendre compte du néant de l’argumentation..
    on peut ben sur pointer vers l’éthique des réalisateurs mais on se demande bien pour quelles raisons les réalisateurs se donneraient du mal si le public achète le truc..

    c’est glaçant…parce qu’on se dit q’un jour on sera traîné devant un tribunal populaire où le preuve de note culpabilité sera accessoire.

    • C’est le meme public que pour les films catastrophes ,ces gens aiment se faire peur’, ca change du quotidien sous tutelle de l’etat et ca justifie cette tutelle.

    • « c’est glaçant…parce qu’on se dit q’un jour on sera traîné devant un tribunal populaire où le preuve de note culpabilité sera accessoire. »
      Rassurez-vous, c’est déjà le cas. Le seul rôle du juge d’instruction est de mettre en forme le dossier d’accusation pré-établi par les enquêteurs du procureur, sans aucun souci de la réalité des faits.

  • Bon décryptage, cela fait longtemps que Arte est largement du coté gauche. Dommage pour une chaine dont la vocation est d’élever le niveau d’après ce que j’avais compris au départ. Heureusement il y a aussi des sujets plus neutres à voir…

  • Il y a parfois de bons docus sur Arte et aussi de bons films comme « La vie des autres » qui passait hier soir : une critique acerbe du socialisme et ses dérives totalitaires et inhumaines.
    Une fois dit ça, on regarde le paysage télévisuel et ça craint. Soit c’est à gauche toute politiquement parlant, soit c’est débilitant.
    La solution est de prendre la télé pour ce qu’elle est : une entreprise de distraction pour spectateur passif.
    De toute façon, les sondages sont édifiants, la confiance dans les médias (TV incluse) est minimale.

    • « Soit c’est à gauche toute politiquement parlant, soit c’est débilitant. » la gauche à toujours chercher à rendre les gens cons et dépendant, c’est comme cela qu’elle soigne son fond de commerce…

  • Blackrock est un nom slogan récupéré par la propagande pour devenir un repoussoir, comme Monsanto. Pas besoin d’argument pour étayer l’accusation. L’objet d’un slogan est de s’épargner la peine de réfléchir.

    L’asset management est un marché hautement concurrentiel pesant 66,4k milliards d’actifs sous gestion au sein duquel Blackrock est numéro 1 avec 7,8% de part de marché, Vanguard second avec 6,4% du marché et State Street troisième avec 3,3%. Amundi (Crédit Agricole), premier français, est neuvième avec 2,1% de part de marché.

    Pour en savoir plus sur la gestion d’actif :
    https://www.ipe.com/reports/special-reports/top-400-asset-managers/top-400-cultures-change/10031470.article

  • « le capitalisme est indissociable de la notion de propriété privée  »
    Sans doute, mais ce n’est pas un absolu, aller voir en Chine. Nous avons là un pays capitaliste, mais qui n’est pas libéral.

    • La chine n’est pas capitaliste.
      Elle l’est sur certains points, mais le reste, ça reste du planisme.

    • par bien des aspects la propriétés privé est mieux défendu en chine qu’en France. je suis près à parier que les impôts sont moins lourds en chine qu’en France hors qu’est ce que l’impôt sinon une forme de destruction de la propriété privé et de la liberté?

  • La manipulation consiste parfois à délivrer un message simpliste que l’on peut facilement démonter, ce qui évite les véritables critiques…

  • On pourrait aussi mettre dans le même panier les statistiques des ONG sur la base de confetti qui sont répété et répétés comme des preuves et vérités indubitables…

  • Est-ce que cet article, paru ici-même, sur Contrepoints, ne participe-t-il pas à cette manipulation ? https://www.contrepoints.org/2019/10/04/354823-comment-les-banques-centrales-enfument-le-monde

    • Je vous conseille de lire le bouquin de V. Bugault (les raisons cachées du désordre mondial). On peut discuter certains points, mais c’est tout sauf superficiel, et elle cite de nombreuses sources historiques, ce qu’elle n’a pas fait dans son article.

  • C’est juste la suite de l’éducation nationale , il suffit juste d’ouvrir un bouquin d’eco de lycée et ca suffit ….

  • L’audio visuel publique n’est qu’un outil de propagande gauchiste ou les « débats » n’ont d’autre but que de marteler une idéologie. Il n’y a jamais de contradiction, il n’y a jamais débat, ce sont une poignée de gens du même avis qui ressassent les même idées.

  • suffit de couper toute subvention à la télé qui sinon n’est que la télévision d’Etat.

  • Je l’ai vu ce ‘documentaire’ du moins le début, c’est un tel navet!!
    J’ai arrêté au bout de 10 minutes tellement c’était mauvais…
    Dommage parce qu’une vraie explication, sur la puissance d’un fond de pension et sur l’intérêt d’avoir des fonds de pension nationaux, via une retraite par capitalisation, aurait été utile…

    • Retirez de votre question le mot « nationaux », allez sur wikipedia et autres sources internet, et vous pourrez très bien vous faire votre opinion utile. L’information pré-mâchée, c’est comme la nourriture de même : pas très ragoûtant et à réserver aux cas où il n’y a pas d’alternative.

  • En France les JT des chaines publiques n’ont guère a envier a Arte, c’est a dose homéopathique, plusieurs fois par jour, et à ça finit par faire des dégâts monstrueux. Au cas ou ça ne suffirait pas vous avez Elise Lucet, Lea Salamé etc …

  • C’est la méthode systématique de la gauche, calomnier et mentir effrontément pour convaincre des imbéciles qui n’y comprennent rien car ignorants!

  • Excellent avocat de la défense mais qui emploie les mêmes méthodes dénoncées pour son plaidoyer.Comme disent les enfants, c’est celui qui le dit qui y est, même si certains aspects de l’article dénoncent des réalités …

  • Ce reportage a le mérite de mettre Blackrock et le marché des ETFs sous les projecteurs ainsi que de poser plusieurs questions importantes mais il joue beaucoup sur le ton sensationnaliste et comprend de nombreuses erreurs.
    Voici quelques clés pour le décrypter : https://get-axel.com/2019/10/11/blackrock-et-les-etfs-par-arte-documentaire-de-qualite-ou-sensationnaliste/

    Le problème majeur de ce reportage, c’est qu’il mélange tout. On ne sait jamais vraiment s’ils parlent des ETFs, de la gestion active, des hedge funds… Bref, on en vient parfois à se demander si les auteurs ont vraiment compris tous les sujets qu’ils essaient de traiter. C’est dommage car il en résulte un reportage plein d’inexactitudes et d’imprécisions.

    Les erreurs des « experts », la mauvaise compréhension du fonctionnement d’un ETF et des risques associés, le fonctionnement de Blackrock, nous avons décrypté et expliqué ce qui ne va pas dans ce documentaire sur notre blog. Ce reportage a le mérite d’aborder certaines questions importantes sans toutefois aller suffisamment loin, et oublie des questions majeurs. Décryptage complet dans l’article.

  • Les commentaires sont fermés.

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