Pourquoi les professionnels de santé doivent se former à la « santé connectée »

La mise en place de formations de haut niveau est indispensable si l’on veut négocier correctement le virage numérique qui s’annonce en santé.

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Pourquoi les professionnels de santé doivent se former à la « santé connectée »

Publié le 19 septembre 2019
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Par Boris Hansel.
Un article de The Conversation

Qu’il s’agisse d’améliorer le parcours de soin, de fournir une assistance à distance à un chirurgien, de mieux surveiller les maladies chroniques ou, d’une façon générale, d’optimiser les parcours de soin, la santé connectée est en train de bouleverser l’organisation du système de santé.

Au cours des dernières années, la santé connectée est aussi devenue une nouvelle discipline de recherche, ce qui s’est naturellement accompagné d’un besoin de formations diplômantes.

Qu’est-ce que la « santé connectée » ?

Dans son acception la plus large, l’expression « santé connectée » recouvre la télémédecine (acte médical à distance tel que défini par la loi) et le télésoin (acte à distance réalisé par un pharmacien d’officine ou un professionnel de santé), les objets connectés en santé, les applications de télésuivi (échanges de données à distance permettant de suivre un patient) et d’e-coaching (programme d’aide au changement de comportement qu’il soit ou non automatisé), l’intelligence artificielle ainsi que toutes les solutions diagnostiques et autres outils numériques en rapport avec la santé et le bien-être.

L’espoir suscité par ces nouvelles technologies dans le domaine médical est d’apporter des solutions dans la prise en charge des patients et dans l’organisation du système de soins, aussi bien en termes de prévention que pour le traitement des maladies. À l’heure actuelle, l’intérêt de la plupart de ces outils numériques n’est pas scientifiquement avéré. La preuve de leur efficacité reste souvent encore à apporter. Cependant, on ne peut s’en désintéresser.

En effet, certains objets connectés et surtout leur utilisation dans le cadre d’un parcours de soin bien structuré, ont montré leur intérêt médical. C’est par exemple le cas dans le domaine du traitement de l’hypertension artérielle et du diabète : l’utilisation d’un auto-tensiomètre ou d’un lecteur d’auto-surveillance de la glycémie, avec envoi des données aux soignants pour qu’ils puissent optimiser le traitement à distance, ont déjà fait la preuve de leur efficacité.

Des publications scientifiques de qualité commencent à faire émerger des solutions prometteuses dans d’autres domaines, comme celui de l’insuffisance cardiaque ou du cancer. Ainsi en France, la télésurveillance médicale de l’insuffisance cardiaque, ainsi que du diabète, est prise en charge dans le cadre d’une expérimentation à grande échelle, le programme ETAPES.

Les nouvelles applications de l’intelligence artificielle (IA) doivent aussi être surveillées de près : en dermatologie, des travaux récents ont par exemple démontré la performance d’une technique basée sur l’intelligence artificielle pour le diagnostic de mélanome.

Principaux domaines d’application

En termes de nouvelles technologies appliquées à la santé, trois grands axes se dessinent depuis quelques années :

  • Le parcours de soins à distance avec le développement de la téléconsultation (consultation médicale à distance), de la télésurveillance (surveillance à distance d’un patient et de sa pathologie), de la téléexpertise (expertise apportée à un soignant par un spécialiste sur un problème particulier) et du télésoin (pratique de soins à distance utilisée par un soignant non médecin). Les objets connectés et applications diverses s’intègrent dans ces parcours de soin, à condition d’être correctement prescrits et utilisés par les soignants et les patients. Former les prescripteurs et les développeurs devient une priorité.
  • L’intelligence artificielle est en train de révolutionner la prise en charge des malades, en particulier en raison de la création d’algorithmes permettant d’améliorer le diagnostic. Ici encore, fournir des connaissances aux étudiants et professionnels pour comprendre en quoi consistent vraiment les techniques recourant à l’IA sera une des missions des universités.
  • La réalité augmentée et virtuelle et ses applications en médecine ainsi qu’en chirurgie ouvrent également de nouvelles perspectives. La réalité virtuelle est par exemple utilisable dans le traitement des troubles phobiques en psychiatrie : l’immersion de patients dans un univers virtuel évoquant les situations phobiques fait régresser leurs symptômes. Elle pourrait aussi devenir un outil pédagogique pour l’enseignement de la médecine et des techniques chirurgicales.
Une opération collaborative de l’épaule, assistée par réalité augmentée, réalisée en 2017 dans un hôpital de l’AP-HP (cette vidéo contient des images de chirurgie qui peuvent heurter certaines sensibilités).

Preuve s’il en est de l’intérêt suscité par ces nouvelles technologies : après l’apparition de quelques revues pionnières, en particulier le Journal of Medical Internet Research, les grands journaux scientifiques se sont également positionnés sur ce créneau. Ils ont ainsi créé des revues dédiées, telles que The Lancet digital Health ou Nature Digital Medicine. Les universités, elles aussi, se positionnent, même si l’offre de formation n’en est encore qu’à ses débuts.

Un manque d’offres de formation

Si dans les écoles d’ingénieurs et de commerce de nouveaux enseignements dédiés à la santé connectée sont apparus il y a moins de cinq ans, la situation est différente dans les facultés de médecine. Jusqu’à très récemment, la santé connectée n’était pas enseignée au cours des études médicales, ni dans les cursus de formation du personnel paramédical et administratif.

Les choses sont cependant en train d’évoluer, et des formations universitaires ont récemment vu le jour un peu partout en France, tel que le diplôme interuniversitaire (DIU) de la Société française de télémédecine. Ces formations proposent des diplômes apportant des connaissances théoriques sur des volets spécifiques de la santé connectée (juridiques, éthiques, télémédecine…).

Pour compléter cette offre de formation, un enseignement pratique, pluridisciplinaire et généraliste sur la santé connectée a été créé en 2018 à l’université Paris-Diderot. Celui-ci insiste particulièrement sur la mise en situation, au travers de la conception d’un projet d’e-santé. Sa particularité est de regrouper, au sein d’une même promotion, des étudiants et professionnels d’horizons divers (ingénieurs, juristes, soignants…). Cette pluridisciplinarité vise à favoriser non seulement l’acquisition des connaissances, mais aussi les retours d’expérience, positifs comme négatifs, qui font parfois défaut pour mener à bien les projets de santé connectée.

La mise en place de formations de haut niveau est indispensable si l’on veut négocier correctement le virage numérique qui s’annonce en santé. C’est d’autant plus important que dans notre pays, les débouchés en santé connectée promettent d’être nombreux : le marché français de la santé connectée pèserait selon la direction générale des entreprises trois milliards d’euros, et 410 milliards d’euros pourraient être investis d’ici 2022 dans le secteur de la santé, sur les services numériques et les objets connectés.

Boris Hansel, Médecin, Maître de conférences des universités-praticien hospitalier, Inserm U1138, Université Paris Diderot et Patrick Nataf, Chair professor, AP-HP

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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  • Il faut prendre le meilleur du progrès technologique, mais ce n’est pas une raison pour oublier les bienfaits de ce que l’on faisait auparavant. Par exemple, les moyens d’investigation que nous avons actuellement ont conduit, il me semble, certains lédecins à en demander beaucoup au détriment, parfois, du simple examen de leur malade.

    • « il me semble, certains médecins à en demander beaucoup au détriment, parfois, du simple examen de leur malade. »
      Vous avez raison.
      Pour cotoyer régulièrement des médecins, la tendance est à multiplier les examens complémentaires. Indépendamment du niveau de compétence du médecin, c’est essentiellement pour se couvrir en cas de problème ou de contentieux. En cas de contentieux, la prime est donnée à l’examen complémentaire médico-technique plutôt qu’à l’examen clinique au lit du malade toujours contestable et fonction de l’analyse subjective du médecin. Cet examen clinique n’étant pas reproductible à distance alors que les résultats d’un examen complémentaire sont toujours disponibles.
      En cas de problème juridique, l’absence d’un examen complémentaire pourra toujours être reprochée alors que la pratique d’examens complémentaires supplémentaires inutiles ne sera pas sanctionnée (sauf si induisant un retard dans la prise en charge adéquate). LA question posée est : « Si vous aviez fait tel ou tel examen, pouvez-vous certifier que cela n’aurait pas changé votre analyse de la situation? » Il est évident que non…
      En plus, la multiplication des examens complémentaires sera un indice de implication du médecin et de sa préoccupation à soigner même si cela n’a pas été orienté dans la bonne direction.
      En parallèle, cet examen médico-technique complémentaire est souvent ce qui permettra d’avoir une prise en charge hospitalière, le simple examen clinique pas le médecin ne permettant souvent pas de passer les barrières mises en place à l’obtention de certains soins.
      La pratique de la télémédecine a un intérêt comme le rapporte l’article. Mais si on veut l’utiliser pour palier à un déficit structurel de l’organisation du système de santé en France (déserts médicaux, déficit en certaines spécialités, déficit comptable…etc) qui ne sont que la conséquence des choix politiques et étatiques, cela ne sera qu’un cautère supplémentaire sur la jambe de bois et entrainera lourdeurs et surcouts. Mais ceux qui auront à gérer ces conséquences ne seront pas ceux qui auront décidé de leurs causes… Comme toujours.

  • L’article fait l’impasse sur 2 problèmes essentiels:
    1/ la Responsabilité!
    Soigner un patient est une prise de responsabilité. Le soigner à distance via une interface technique (même de qualité) augmente la difficulté. La conséquence sera automatiquement une augmentation de la consommation d’examens complémentaires techniques (cf mon post réponse à « la petite bête »). De plus, en cas d’erreur et de contentieux, qui sera responsable? Le médecin? Le propriétaire de l’interface technique qui a mal rendu certains éléments (ce qui reste à prouver) ou le constructeur/concepteur de l’interface?
    Bien souvent dans ce genre de situation, on attaque celui qui est le plus solvable et le plus facile à mettre en cause juridiquement parlant càd… le médecin! Donc il ne faut pas s’étonner si cela se développe d’abord dans des structures publiques expertes dans la dilution des responsabilités et dont la vulnérabilité juridique est faible.

    2/ le cout.
    Au vue des discussions en cours, le prix d’une téléconsultation sera inférieur à celui d’une consultation réelle (alors que le risque juridique est plus important). N’oublions pas qu’une des motivations des impécunieux qui nous dirigent est de se payer une virginité de façade (« si, si grâce à nos décisions, vous aurez toujours un médecin pour vous soigner ») à moindre coût.
    Conséquences: quels sont les médecins qui feront de la télémédecine? Surement pas les plus compétents déjà débordés. Les médecins fonctionnaires? Même problème: les compétents débordent déjà de travail. Donc quid? Ce ne sera pas les meilleurs…
    Et quel sera le cout final « tout compris » de cette mesure…

    • J’allais justement rebondir sur l’histoire du coût. J’avais lu quelque part que les médecins allaient se cantonner dans les villes, officier en cabinet avec une patientèle capable de se payer des soins et examens dispensés par un être humain, et la plèbe allait devoir se contenter d’être examinée et soignée comme des animaux sur une chaine par des machines et des IA.
      Qui n’a jamais menti à son médecin ? Qui n’a jamais baissé les yeux à certaines questions concernant l’alcool, la sexualité, l’alimentation ? C’est là que l’humain a son importance : la relation de confiance et être traité comme une personne.
      Je suis entièrement en faveur d’aides médicales de diagnostics, etc, mais dans une médecine faite par des humains pour des humains. Et ce pour tous, pas seulement pour ceux qui ont des moyens.

      • Effectivement, la démographie médicale tend à un regroupement dans les villes.
        Cependant, la recherche d’une clientèle « solvable » n’est pas la motivation essentielle car il y a une clientèle solvable dans les campagnes et les petites villes. Disons que la clientèle est plus ou moins solvable souvent par quartier et ceci dans toutes les villes.
        Les facteurs de ce regroupement citadin sont multiples:
        – diminution du nombre de jeunes médecins voulant travailler en libéral. Donc plus de choix d’installation pour ceux qui le font.
        – travail en cabinet de groupe permettant de diminuer les frais, de se faire aider par un autre médecin en cas de difficultés, de prendre des vacances. En effet, un médecin généraliste exerçant seul pour un secteur de population donné doit trouver un remplaçant pour partir en vacances… Pas évident quand vous êtes dans un trou!
        – la formation hospitalo-centrée des jeunes médecins les pousse à s’installer là où il y a un plateau médico-technique et/ou un hôpital sur lequel ils peuvent s’appuyer. Donc pas dans les trous paumés!
        – une installation « à la campagne » impliquera bcp de trajets pour les visites à domicile, sur des petites routes, dans des conditions météorologiques parfois difficiles (l’hiver par ex) et pour une tarification plus que médiocre. De plus, cela impliquera d’avoir à gérer des urgences graves tout seul et pendant longtemps avant que le SAMU arrive. Tous les médecins n’ont pas une formation d’urgentiste et tous n’ont pas envie de se confronter au problème au vue de la judiciarisation croissante de la médecine. Certains aiment mais ils sont rares. C’est ainsi que les médecins de montagne ont du mal à recruter.
        – féminisation de la médecine (les 3/4 de l’effectif des étudiants en médecine) : les conjoints des femmes médecins ont fait des études supérieures pour la plupart. Donc quasi-impossible pour eux de trouver un emploi dans les petites villes. De plus, au vue des conditions d’exercice à la campagne, cela les attirent encore moins que les hommes (désolé pour les lectrices de CP, je le tiens des intéressées elles-mêmes).

        Il y aurait des solutions. La coercition est toujours évoquée par nos politiques mais elle ne marchera pas: l’Allemagne l’a appliquée pendant 10 ans pensant ainsi résoudre ses problèmes de déserts médicaux pour se rendre compte, in fine, que cela n’avait rien changé.
        Le Canada n’a pas de problème pour trouver des médecins pour aller travailler dans le Grand Nord. Simplement, ils sont plus payés! Évidemment, dans une France égalitariste, déficitaire et à la réglementation administrative rigide, cela ne se fera jamais…

        • Entièrement d’accord avec vous. Mon père était médecin de village pendant 20 ans, et il a fait des centaines de milliers de km, crashé 3 voitures en sinistre total, et travaillé avec 39° de fièvre et chargé aux antidouleurs. Les vacances étaient un mot grossier dans sa bouche.
          Pour la solution canadienne de payer plus, là, je ne suis pas d’accord. L’argent n’est pas la seule motivation. Certains dirigeants pensent encore que l’argent est la seule carotte qui poussent les travailleurs à s’impliquer dans le travail. Alors que l’équilibre vie privée/pro, la qualité de vie, etc, entre énormément en compte. Être en poste dans la Meuse, dans la Creuse, dans le ChNord ou autre, faut le vouloir avant de penser à gagner plus…
          Sans compter que en campagne, comme vous l’avez souligné, ya les trajets. Là où un médecin de ville fait 10 visites/consultations, celui de village n’en fera que 7 par exemple. Donc double effet kiss cool.
          Et dernière question : vous dites faut les payer plus. Mais qui va les payer plus ? La Sécu ? Les gens des villes vont trinquer pour les gens des campagnes qui n’assument pas leur choix d’habiter à pétaouchnok ? Je suppose que non, donc ça se rapporte sur la tête des patients. Et là, les gens de la campagne vont encore moins se soigner. Je vous épargne la suite de l’histoire. Il parait que mes scénarii sont tout pourris.

          • « L’argent n’est pas la seule motivation.  »
            Certes. 🙂
            Mais après cette petite phrase, vous ajoutez des éléments au tableau permettant d’encore mieux comprendre que l’exercice de province profonde est peu attrayante. Donc?? Il faut bien des compensations!
            Et pour l’instant, les maigres compensations proposées (mise a disposition gratuite d’un local, pour qq années seulement d’ailleurs) par nos élus ne suffisent pas.
            L’argent peut être un moyen, c’est tout. Et malgré cela, travailler dans certaines zones de France il faut le vouloir comme vous le dites. Dans tous les domaines, la taille de la carotte est là pour compenser des difficultés en rapport. La plupart des médecins aiment leur métier, heureusement. Mais si on ne les payait pas, ils feraient quasiment tous autre chose…

            Au Canada, c’est clair: les médecins ne vont pas dans le Grand Nord pour y rester. Ils y vont pour gagner plus temporairement ce qui leur permet ensuite de s’installer dans des zones nécessitant une mise de fonds qu’ils n’ont pas initialement. Il y a donc un turn over et tout le monde y gagne: les populations du nord, les médecins et même l’Etat.

            Vos scenarii ne sont pas pourris mais omettent un élément. En France, la population a fait le choix (ou plutôt certains ont fait le choix pour elle) d’un système de santé collectiviste étatique. Donc de toute façon, la partie la plus solvable de la population paie pour celle qui l’est moins. ET, de plus, l’organisation de la santé étant à la charge de l’Etat, on touche le domaine politique. Proposer de majorer des tarifs payés par l’Etat en fonction de zones géographiques reviendrait à déroger à une certaine forme d’égalitarisme dont nos politiques ont fait l’horizon indépassable de l’organisation de la société française. De plus l’Etat n’ayant plus d’argent, il en est réduit à des expédiants visant à gagner du temps jusqu’à la prochaine élection.

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