Le capitalisme expliqué à ceux en âge de le comprendre

C’est « très chouette » d’expliquer le capitalisme à ses enfants. Encore faut-il le faire avec une certaine rigueur intellectuelle.

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Le capitalisme expliqué à ceux en âge de le comprendre

Publié le 6 août 2019
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Par Thierry Godefridi.

Une aimable correspondante m’a envoyé des photos d’un livre dont l’auteur annonce vouloir expliquer le capitalisme à sa petite-fille et dont la dédicace manuscrite est adressée à « une lectrice consciente de la domination destructive du capitalisme ». Destructive, vraiment ?

D’abord faudrait-il connaître l’âge de la petite-fille, afin de déterminer si le livre se situe au niveau du gazouillis, du babillage ou du bavardage, voire connaître l’âge du grand-père, car, à en lire la présentation de l’éditeur, c’est au niveau du radotage que le livre se situe, un rabâchage d’idées et de thèses qui avaient cours il y a plus d’un demi-siècle. Jugeons-en :

« Le capitalisme domine désormais la planète. Les sociétés transcontinentales défient les États et les institutions internationales, piétinent le bien commun, délocalisent leur production où bon leur semble pour maximiser leurs profits, n’hésitant pas à tirer avantage du travail des enfants esclaves dans les pays du tiers-monde. Résultat : sous l’empire de ce capitalisme mondialisé, plus d’un milliard d’êtres humains voient leur vie broyée par la misère, les inégalités s’accroissent comme jamais, la planète s’épuise, la déprime s’empare des populations, les replis identitaires s’aggravent sous l’effet de la dictature du marché. Et c’est avec ce système et l’ordre cannibale qu’il impose au monde que l’auteur propose de rompre, au terme d’un dialogue subtil et engagé avec sa petite-fille. »

Considérons, puisque c’est ainsi que l’éditeur le présente, que c’est bien l’acte de mise en accusation dressé par l’auteur de ce dialogue avec sa petite-fille et tentons d’expliquer le capitalisme à ceux qui sont (déjà ou encore) en âge de faire la part des choses.

Méfions-nous des mots en « -isme » : ce sont des fourre-tout dont chacun sort un élément ou l’autre en fonction de la thèse qu’il défend, quitte à en dénaturer l’idée première. Le dernier livre d’Alain de Benoist sur le libéralisme en est un exemple. Aussi, à toutes fins utiles, partons de cette définition a minima du capitalisme : « système économique basé sur la propriété privée, notamment des moyens de production, le libre échange et la concurrence sur des marchés ».

La capitalisme domine-t-il désormais la planète ? Pour paraphraser Churchill sur la démocratie, « le capitalisme est le pire des systèmes, à l’exclusion de tous les autres ». À ceux qui en douteraient, le chercheur suédois Hans Rosling démontre dans son livre Factfulness que le monde va factuellement de mieux en mieux. Nous sommes de plus en plus nombreux à vivre sur la Terre et de moins en moins à voir « notre vie broyée par la misère ».

Que nombre d’États, même la Chine politiquement communiste, aient, à des degrés certes différents, adopté le capitalisme comme système économique et qu’il se soit mondialisé, faudrait-il le déplorer dès lors qu’il a, effectivement, sorti des milliards de gens de la misère ?

Les inégalités s’accroissent-elles ? Citons à nouveau Churchill : « Le vice inhérent au capitalisme consiste en une répartition inégale des richesses. La vertu inhérente au socialisme consiste en une égale répartition de la misère. » Les inégalités sont un thème dans l’air du temps, objet d’un ouvrage à grand succès qui sortit Thomas Piketty de la misère de l’égalité, si tant est qu’il ait eu à en souffrir.

Sont-elles un mal en soi et pourquoi le seraient-elles ? Le professeur Marc De Vos s’est penché sur les vertus de l’inégalité, rappelant dans un livre éponyme que « l’inégalité est l’essence même de la nature et de l’existence humaine » et le moteur du progrès. Dans Sire, surtout ne faites rien !, Charles Gave, quant à lui, fait de la prééminence de l’individu, le socle de la civilisation occidentale et des progrès qu’elle a engendrés. Reconquérir sa liberté ne devrait-il pas être au cœur des préoccupations de chacun ?

L’inégalité méritocratique n’est pas seulement justifiée, elle est nécessaire au bon fonctionnement et à l’avenir d’une société libre et démocratique. Son contraire, l’égalité matérielle de fait ou « isomoirie », est à la racine de l’échec de toutes les formes de socialisme et de planisme économique. À cet égard, il est de l’intérêt général de préserver l’égalité de tous devant la loi (ou « isonomie ») dans un État de droit (voir à ce sujet : La passion de l’égalité), quitte à constater des résultats différents après que chacun eut librement exercé ses talents.

D’ailleurs, les dérives dont est accusé le capitalisme (gaspillage des ressources, déprime des populations, replis identitaires) trouvent souvent leur origine dans l’emprise d’États de plus en plus interventionnistes, mais manquant à leurs prérogatives régaliennes premières. Comme l’écrivait en substance Nassim Nicholas Taleb dans son dernier essai, Skin in the Game, laissez les gens commercer entre eux et tout finira par s’arranger.

Encore faudrait-il faire la part des choses entre ces grandes multinationales anonymes qui n’ont plus que fort peu à voir avec le capitalisme, si ce n’est le capitalisme de copinage ou carrément d’État, les « nomenklaturistes » comme les appela Pascal Salin, et les vrais capitalistes, petits propriétaires de leurs entreprises, engagés dans le libre-échange et faisant face à la concurrence, obligés de déployer « des trésors d’imagination pour contourner les obstacles que les pouvoirs en place mettent sur leur chemin ». N’est-ce pas là le vrai sujet ?

Espérons pour la petite-fille exposée aux ratiocinations de son grand-père sur le capitalisme, qu’elle ne voie pas la fin de ce dernier et qu’arrivée à l’âge adulte, elle n’aie pas à acheter de quoi se nourrir à un kolkhoze.

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  • brillant! rafraîchissant! merci

  • « au terme d’un dialogue subtil et engagé avec sa petite-fille », de préférence sans aucune référence à la réalité, moins caricaturale que les prémices de ce livre « subtil et engagé »

  • N’en croyant pas mes yeux à la lecture de cette « présentation de l’éditeur », je viens d’aller jeter un oeil au bouquin sur Amazon. Le sous-titre apparaissant sous la couverture indique même : « en espérant qu’elle en verra la fin » (du capitalisme). Je suppose par conséquent que ce grand-père pédagogue passe d’agréables vacances au Venezuela en compagnie de sa petite fille, s’offrant ainsi le délicieux frisson quotidien de vivre avant l’heure la vie quotidienne dans leur pays la France, quand le capitalisme y aura complètement disparu. Pour apprendre, rien ne vaut la pratique.

    • J’ai également été voir : la note moyenne attribuée à ce torchon est aussi affligeante que le torchon lui même (ne parlons même pas de son auteur, grand ami de certaines des pires ordures de cette planète, tel Mugabé dont il a soutenu la politique d’expropriation des fermes, avec le résultat que tout le monde connait…)

  • Si c’est uniquement une question d’âge, je ne devrais pas tarder a fini par comprendre. C’est plutôt un minimum d’ « instruction rationnelle » pour ne pas dire culture scientifique qui est nécessaire.

    • Vu comment est encore enseignée l’économie aujourd’hui en France, il est clair que le pays n’est pas à la veille de sortir de l’ornière.

  • Il serait bien de signaler que le livre en question est écrit par Jean Ziegler, qui est connu pour ses positions. Rien de bien extraordinaire.

    • Bien entendu… nous avions tous reconnu Jean Ziegler… lequel a bien mené sa barque dans les eaux capitalistes.

  • Ce sont les libertés économiques, donc le capitalisme, qui ont permis l’extraordinaire développement économique du monde de ces dernières décennies. Cette réalité est occultée dans notre pays qui baigne dans le socialisme. Nous préférons la pauvreté dans l’égalité à la richesse dans l’inégalité.

    • A ceci près que l’égalité dans la pauvreté n’a jamais été atteinte par aucun régime totalitaire.
      L’actuel système socialiste français, institué dans les années 70, nous démontre tous les jours comment la pauvreté est redistribuée à dose homéopathique sur la majorité de la population. Ce qui n’empêche nullement les tenants du collectivisme d’en accuser le libéralisme de nos dirigeants.

    • Ce sont les libertés économiques ET les luttes sociales qui ont permis l’extraordinaire développement économique du monde.

      • Vous ne seriez pas syndicaliste occupé à défendre votre boutique, par hasard ? Encore, créditer les accords sociaux, passe encore, mais les luttes !

        • Je n’aime vraiment pas du tout les syndicalistes actuels, car couler une entreprise ne permet pas d’assurer l’emploi, et défendre leurs intérêts au mépris des intérêts de l’entreprise ET des travailleurs, c’est stupide.
          Oui, les luttes sociales. Petit cours d’histoire sur le travail des enfants ? La lutte pour la journée de 12H ? Les congés payés ? etc ?
          Pour le travail des enfants, les parents étaient accommodants car ils n’avaient pas le choix ! (liberté liberté, ô liberté). Et les patrons aimaient bien les enfants car cela permettait de faire pression sur les salaires des adultes. Aaaah temps bénis du capitalisme avant que ces foutus socialos refusent de crever pour un salaire de misère.
          A l’époque, le salaire ne permettait pas de s’émanciper, de progresser, il permettait juste de quoi vivre (ou survivre). Quand les gens travaillent 14h par jour, 6 jours sur 7 et non pas de quoi épargner un franc, pas de loisirs, pas d’industrie du loisir, pas de secteur tertiaire. Pas d’éducation. Pas d’émancipation (encore ce mot), juste le travail à en crever, le travail du matin au soir sans autre horizon que la paye misérable permettant de ne pas mourir, ni même de vivre, car cela n’est pas une vie. C’est l’aliénation par le travail.
          Ça fait un peu socialo dit comme ça, c’est juste un petit rappel historique cher MichelO. Rien d’inventé, rien d’exagéré, rien d’interprété. Dure leçon.

          • Ah, le travail des enfants ! Là où il sévit encore, le moyen infaillible que je connais et soutiens pour le faire disparaître est d’aider les parents à devenir plus vite d’infâmes capitalistes, notamment en leur prêtant sans trop de garanties, afin qu’ils fassent assez de profit pour payer les frais de scolarité. Bien sûr, d’autres préféreront les écoles étatiques, les foulards rouges ou verts autour du cou, et les cours d’éducation politique avant les maths et les langues.

            • C’est vrai que payer décemment les parents pour que leurs enfants ne doivent pas apporter un complément de revenu ne seraient pas bon pour l’entreprise et ses actionnaires. Seriez-vous en train de dire que le travail salarié, pierre angulaire du capitalisme, ne serait pas efficace ?
              Prêter sans trop de garantie : mais qui prête ? Une entreprise privé qui prêterait à très faible taux malgré un très grand risque ? Ou bien l’Etat ? Et puis un prêt engage à être remboursé. Liberté encore cadenassé grâce aux circuits financiers.

              • Qui prête ?
                Regardez quels sont les partenaires locaux de Babyloan ou de Kiva. Ce sont eux qui prêtent en nom, et des gens comme (vous et) moi qui cautionnent. Ces prêts servent à améliorer le business des parents, rarement salariés, par le principe même du capitalisme : fournir de quoi investir dans un stock marchand, une exploitation agricole, ou un équipement plus conséquents, qui permettront aux parents d’augmenter leurs profits et de prélever sur ceux-ci de quoi payer les frais de scolarité, ainsi que de libérer les enfants de la nécessité de compenser leur coût pour le foyer.
                Allez voir comment ça marche sur ces sites de « crowdfunding », on voit bien que le salariat ou l’investissement d’état ou de grande entreprise ne sont pas spécialement dans le principe capitaliste, et qu’il y a plein d’autres manières d’être capitaliste.

                • Ah voilà, ce sont ces plate-formes de prêt solidaire que je cherchais. En effet, cela est le « bon » capitalisme.
                  Kiva est une ONG, donc à but non lucratif. Babyloan est privé par contre.
                  Ces structures s’adressent aux exclus du système capitaliste traditionnel car trop risqué, peu rentable, peu attrayant pour les institutions classiques.
                  C’est plutôt sympa, mais là on est dans quelque chose où le but est la création de capital à destination de tous. Je ne sais pas si on peut réellement appeler ça du capitalisme, mais du mutualisme. Une fois que ça devient réellement capitaliste, le but ou la conséquence n’est jamais la distribution ou la création de capital à destination d’autres personnes.

  • Oui, il est nécessaire de faire « la part des choses entre ces grandes multinationales anonymes qui n’ont plus que fort peu à voir avec le capitalisme, si ce n’est le capitalisme de copinage ou carrément d’État ».
    Ne serait-ce que pour faire ensemble le constat que ce capitalisme des multinationales, qui mérite plutôt le nom de « prédation » doit être lui seul la cible des critiques.
    Au premier forum de Davos en 1971, les « capitalistes » mondiaux ont fait le projet que toute l’économie soit détenue par des multinationales. Donc par eux. Nous sommes prévenus.

  • La passion de l’égalitarisme est probablement plus prégnante en France que partout ailleurs… notre économie chancelante ainsi que le pessimisme ordinaire des français y plongent vraissemblablement leurs racines.

  • « système économique basé sur la propriété privée, notamment des moyens de production, le libre échange et la concurrence sur des marchés ».

    Le capitalisme est simplement un mode d’appropriation des moyens de production, le mode privé. Autrement dit c’est la propriété privée des biens de production, c’est tout, tout le reste en découle : concurrence, recherche du profit, accumulation, innovations, salariat, etc.
    Le libre échange, et plus largement les mécanismes du marché, fondés sur la liberté des prix et les variations de l’offre et de la demande, c’est autre chose que le capitalisme, c’est ce qu’on appelle l’économie de marché, application du libéralisme économique.
    L’économie de marché est un mode de régulation des activités économiques, qui s’oppose à un autre mode de régulation, celui du plan central impératif, ou économie de commande. Le premier est décentralisé, le second centralisé.

    Un système économique est la combinaison d’un mode d’appropriation des moyens de production (privé : capitalisme, collectif : socialisme réel) ET d’un mode de régulation des activités économiques (marché ou plan).

    On a donc quatre systèmes économiques possibles, aux limites, avec deux qui sont ou ont été les plus répandus :
    – Capitalisme de marché
    – Socialisme planifié
    – Capitalisme planifié
    – Socialisme de marché

    Le premier est actuellement adopté par quelque 200 pays, sauf deux qui continuent avec le socialisme planifié (Cuba, Corée du Nord). Le socialisme de marché avait cours dans la Yougoslavie de Tito (entreprises collectivisées, mais pas de plan central, liberté des prix) ; le capitalisme planifié avait cours dans l’Allemagne nazie (plans quinquennaux impératifs, entreprises restant privées, Krupp, Thyssen, etc.).

    Inutile d’ajouter que si le capitalisme de marché connaît une application générale, c’est parce que les autres systèmes ne marchent pas, ou moins bien. Les hommes ne sont pas fous, ils ont tendance à adopter ce qui marche, sinon on n’en serait pas là. Et ce n’est pas un complot imaginaire de méchants ploutocrates capitalistes ou de multinationales démoniaques assoiffées de profit que ce système est adopté, mais parce que, comme disait Churchill, etc., etc.

    • qui explique que ce système est adopté, sorry, manquent deux mots…

    • Le capitalisme de marché, en cours dans une grande majorité de pays sauf plus que deux (Cuba, Corée du Nord, Ouzbékistan, Turkménistan, Somalie (mais là ya plus d’Etat), autres) ne fonctionnent pas plus que les autres.
      Des milliers de sans-abris, des personnes en détresse sociales et économiques, des dizaines milliers de personnes exclues (sur)vivant grâce aux Resto du coeur, aux aides sociales,etc, un nombre non négligeable de gens qui détestent leur travail et qui le font parce qu’il faut bien, des gens qui se tuent à la tâche pour un salaire de misère et qui malgré tous leurs efforts ont du mal à joindre les deux bouts, je n’appelle pas ça une franche réussite.

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