Guerre commerciale : avant de s’inquiéter pour le libre échange, le faire exister

Avant même de nous inquiéter de la guerre économique, occupons nous du libre-échange mondial. Il n’existe pas aujourd’hui et nous sommes toujours sous le régime d’échanges internationaux régis par les États.

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Donald Trump by Gage Skidmore(CC BY-SA 2.0)

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Guerre commerciale : avant de s’inquiéter pour le libre échange, le faire exister

Publié le 29 juillet 2019
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Par Jacques Garello.

La « guerre commerciale » fait craindre un recul du libre-échange mondial. C’est ce que l’on pense en général après les initiatives de Donald Trump et les réactions des partenaires commerciaux des États-Unis.

En réalité, le libre-échange mondial n’existe pas aujourd’hui et nous sommes toujours sous le régime d’échanges internationaux largement régis par les États ou groupes d’États. C’est qu’ils se font un devoir de protéger leurs habitants contre les conduites « déloyales » (unfair) ou « dommageables » (harmful) de producteurs étrangers.

Une fausse idée de la concurrence

Le problème de fond est que ces interventions sont légitimées par de fausses idées sur la concurrence. La première idée se trouve dans les manuels d’économie qui se réfèrent à ce que serait une « concurrence pure et parfaite » : les concurrents devraient être sur un pied de rigoureuse égalité (de taille, de technique, d’information, de coûts, etc.). Cette conception est évidemment à l’opposé de l’esprit de concours ou de compétition régissant le sport, le savoir, la beauté et… le commerce.

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La deuxième idée est que les États ont en charge de faire respecter la concurrence tant sur leur territoire que dans le reste du monde. Ils devraient lutter contre les « distorsions de concurrence », contre toutes sortes de dumpings : le social, le fiscal, l’environnemental, le monétaire. À cet effet, ils devraient obtenir « l’harmonisation », par exemple mêmes salaires et même droit du travail, mêmes impôts, mêmes formalités, mêmes normes, même monnaie.

Or, ce projet d’harmonisation est en fait hors de portée des États. Un essai a été fait à travers des négociations multilatérales, comme l’Organisation Mondiale du Commerce (OMS) ou les Nations Unies (CNUCED) au niveau mondial, et les accords de libre-échange au niveau continental ou intercontinental (ALENA, MERCOSUR). L’échec est aujourd’hui complet : avec plus d’une centaine d’États présents, il est impossible de trouver une solution, et les litiges portant sur le contentieux de l’OMC mettent plusieurs années à se régler. Donald Trump veut changer le système et revenir à des négociations inter-étatiques. Mais sa solution n’est pas meilleure : les accords bilatéraux sont difficiles à trouver et souvent à respecter.

Les États en concurrence

Car la mondialisation, au sens précis de suppression des barrières douanières et de libre circulation des produits, des services, des entreprises, des Hommes et des capitaux, a mis les États eux-mêmes en concurrence. Non que ce soient les États qui commercent, puisque ce sont des entreprises ou des particuliers qui achètent ou vendent, et l’obsession de la « balance commerciale » est un héritage stupide du mercantilisme (qui a ruiné la richissime Espagne du XVIe siècle).

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En fait, la concurrence entre États vient de ce que les entreprises et personnes sont localisées dans des États qui veulent contrôler l’activité économique – bien qu’il ne s’agisse pas d’une mission « régalienne ». Ainsi, les impôts et cotisations sont-ils variables d’un pays à l’autre, et les législations modifient-elles les coûts et les comportements. Il n’y a donc désormais que trois solutions :

– La délocalisation : exil des entreprises et personnes vers des cieux plus cléments ; c’est la solution individuelle.

– Le recul puis le retrait du contrôle de l’État sur l’économie ; c’est la solution institutionnelle et vertueuse, qui débouche à terme sur des compétitivités comparables et à un niveau élevé : une harmonisation réelle, non artificiellement imposée.

– Le protectionnisme généralisé : destructions d’emplois et de pouvoir d’achat, puisque les entreprises nationales importent plus cher et leur compétitivité diminue, et les consommateurs nationaux perdent du pouvoir d’achat et restreignent le marché intérieur.

Libre échange VS patriotisme économique

Choisir la « préférence nationale » ou « le patriotisme économique » est une stupidité fatale. Stupidité puisque ce qui est produit aujourd’hui sur le sol français contient des éléments venus du monde entier (en France la moitié de l’énergie, la plupart des matières premières, les composants et matériels électroniques, mais aussi des médicaments, des informations, des techniques). Stupidité fatale parce que non seulement elle appauvrit le pays (et les pauvres par priorité), mais surtout parce qu’elle désigne l’étranger comme la cause de l’appauvrissement, et la xénophobie s’installe, les discours belliqueux se multiplient, la guerre (la vraie) menace : c’est le scénario des années 1930.

Il reste aux libéraux à convaincre les Français de ces évidences. Être fier de son pays, de son histoire, de sa beauté, de son patrimoine, et être solidaire de ses semblables n’autorise ni l’autarcie ni le chauvinisme. La liberté appelle ouverture et diversité, elle garantit la paix.

Article initialement publié en avril 2018.

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  • « L’échec est aujourd’hui complet » Il ne faut pas non plus noircir le tableau. Par comparaison avec la situation antérieure, la liberté des échanges n’a jamais été aussi grande et l’OMC (précédemment GATT) n’y est pas pour rien. Il n’y a pas un secteur qui ne profite de ce nouveau degré de liberté et pas un produit qui n’en dépend, à commencer par les productions soi-disant « locales ».

    Le balancier repart désormais dans l’autre sens en réaction au fait que certains pays ne jouent pas le même jeu que les autres, notamment ceux qui organisent la maltraitance à grande échelle de leurs populations pour acquérir un avantage concurrentiel temporaire. On ne pourra convaincre personne du bien-fondé de la liberté des échanges et de l’ouverture économique si on nie cette évidence. Loin des foutaises étatistes à propos de toutes les sortes de dumpings, c’est le respect de la liberté individuelle et de la propriété privée qui permettent de juger les politiques des autres pays (notamment celle des USA vis-à-vis de la Chine, puisque Trump est cité, mais également de la Chine à notre égard).

    On peut pas mettre sur un même plan les dumpings imaginaires, sociaux, environnementaux et fiscaux, avec les agressions budgétaires et monétaires, bien réelles celles-là. Les trois premiers correspondent à des contraintes artificielles sans fondement que nous nous imposons volontairement et on ne peut pas reprocher aux autres pays de faire mieux. Tous les pays du monde sont indistinctement inscrits sur la liste française des paradis fiscaux depuis que l’Etat français a dépassé le seuil de l’hystérie fiscale en devenant le champion mondial des spoliations obligatoires. L’obsession fiscale est la maladie mentale de l’Etat obèse franchouillard.

    En revanche, les manipulations budgétaires et monétaires sont des agressions caractérisées. Ce sont non seulement des agressions contre notre prospérité mais également des violences volontaires commises à l’encontre des populations locales qui se voient dépossédées de leur propriété par les gouvernements qui jouent avec les subventions et les monnaies. Il est légitime de se poser la question de traiter sur un pied d’égalité et en multilatéral avec ce genre de gouvernements agressifs et menaçants.

  • Merci , vous êtes toujours simple, clair, efficace!

  • La france n’est compétitive nulle par ailleurs que dans le luxe.Domaine dans le quel le prix n’a pas d’importance au contraire,car ceux qui achètent le font pour se démarquer.

    Les Français mangent de la vache polonaise et les allemands du charolais.. les français voient leur électricité augmenter, les allemands leur achètent leur électricité nucléaire..on augmente les normes en France pour essayer d’enrayer les importations..
    tout çà par incompétence d’un état obèse qui a besoin de fric pour payer un ramassis de profiteurs et de boulets!!

  • Le libre-échange généralisé est une belle théorie. Mais dans la pratique, il ne faut pas se faire d’illusion. Les abus de pouvoir ne sont pas l’apanage de l’Etat, les multinationales en sont aussi capables. Et je ne parle même pas du capitalisme de connivence.
    D’autre part, la destruction créatrice est aussi une belle théorie qui suppose… que les créations puissent avoir lieu et que les hommes soient adaptables.
    Bien loin des théories totalisantes, ne faut-il pas, pragmatiquement, protéger ce qui doit l’être, ouvrir ce qui peut l’être, suivant les réalités locales? Il y a un juste milieu entre le protectionnisme total et le libre échange généralisé.
    On peut reconnaître l’efficacité économique de ce dernier, mais il suppose une unification des règles de droit, une extrême mibilité des gens (physique et intellectuelle).

    • Oui, comme on est tous, individuellement, libre-échangiste et protectionniste simultanément. Néanmoins le commerce mondial s’est largement développé ainsi que les zones de libre-échange. Il faut du temps pour absorber les ajustements que cela implique avec parfois un pas en arrière avant de repartir de l’avant. Si la réalité est ainsi c’est qu’il y a des raisons objectives et pas uniquement idéologiques.

  • Nous aurons peut-être dans quelques mois de voir une expérience in situ de libre-échange si la Grande Bretagne arrive à sortir de l’UE sans accord.
    Imaginons qu’elle annonce quelques mois à l’avance, qu’unilatéralement, elle ne mettra plus de droits de douanes sur tous les produits et services entrant sur son territoire. A charge de réciprocité pour qui le veut. Que fera le grand Négociateur de l’UE ? Parce qu’enfin si ce sont les entreprises et les particuliers qui achètent et vendent, la demande pour CETTE liberté risque bien d’être importante. La fin de l’UE et l’avènement du Libre-échange ?

  • « Il n’y a donc désormais que trois solutions :
    – La délocalisation…
    – Le recul de l’état…
    – Le protectionnisme généralisé… »

    L’auteur pourrait-il appliquer ses conseils à Boeing, en forte réussite actuellement ? Etonnant qu’aucun article n’apparaisse sur Contrepoints alors que tout échec du service public fait l’objet d’un suivi systématique.
    Boeing a sous traité intensivement, a validé lui même ses avions, a cherché le moins disant qualitatif.
    Une 4ème solution ? Vite…

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