Les modèles économétriques vs. le monde réel

Comment comprendre l’économie ? Les experts et les commentateurs analysent et débattent, mais peuvent-ils réellement être objectifs quant à la réalité économique ?

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Les modèles économétriques vs. le monde réel

Publié le 18 mai 2019
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Par Frank Shostak.

Les statistiques économiques publiées par le gouvernement, telles que le PIB, l’indice des prix à la consommation ou encore le taux de chômage sont toujours largement diffusés et commentés dans les médias.

Économistes et experts débattent sur un ton posé et avec autorité de leur vision de la santé de l’économie. Une amélioration d’un indicateur tel que le PIB est interprétée comme une bonne nouvelle alors qu’une dégradation est perçue comme un signal de danger.

Quels outils utilisent les économistes et les experts financiers pour analyser la situation économique ? Quelles sont les bases de leur cadre d’analyse théorique ?

Faire parler les données

Afin de faire parler les données, les économistes utilisent tout un ensemble de méthodes d’analyse statistique. Ces méthodes peuvent varier des modèles économétriques les plus complexes à de simples présentations synthétiques des données historiques.

L’idée est généralement acceptée qu’il est possible, en analysant les corrélations statistiques, d’organiser les données historiques sous la forme d’un corpus d’informations permettant ensuite d’évaluer l’état de santé actuel de l’économie.

En d’autres termes, il est généralement tenu pour acquis qu’au travers de l’application des méthodes statistiques sur les données historiques, il est possible de former une analyse objective de l’état de santé réel de l’économie.

Malheureusement, les choses ne sont pas aussi simples. Par exemple, il a été observé qu’un déclin du taux de chômage est généralement associé à une hausse du niveau général des prix des biens et services. Devrions-nous alors en conclure que la baisse du taux de chômage représente un facteur majeur de hausse de l’inflation ?

Pour complexifier davantage le problème, il a également été observé que la hausse des prix à la consommation était fortement corrélée aux variations de la masse monétaire. De plus, une corrélation particulièrement forte a été établie entre la variation des salaires et l’inflation des prix à la consommation.

Comment interpréter l’ensemble de ces éléments ? Nous sommes en face ici à non pas une, mais trois « théories » concurrentes pour expliquer le phénomène de l’inflation.

Comment déterminer laquelle de ces théories est juste ?

D’après le mode de pensée dominant, qui a été popularisé par Milton Friedman, il est impossible de connaître la réalité objective. Ainsi selon cette vision des choses, le critère de sélection d’une théorie repose sur son pouvoir prédictif.

« Le but ultime de la science positive réside dans la construction d’une théorie ou d’hypothèses permettant de réaliser avec succès des prédictions significatives (qui ne soient pas des truismes) concernant des phénomènes qui n’ont pas encore été observés. » 

Faut-il renoncer à toute certitude ?

D’après cette logique, aussi longtemps que le modèle, ou la théorie, fonctionne, il constituera un cadre d’analyse pertinent pour évaluer la santé de l’économie. À partir du moment où le modèle ne fonctionne plus, il devient nécessaire d’en établir un nouveau.

Par exemple, un économiste pourrait émettre l’hypothèse que les dépenses de consommation sont déterminées par le niveau des revenus disponibles. Une fois cette théorie validée par le biais des méthodes d’analyse statistique, elle sera mise en application comme outil d’évaluation de l’évolution future des dépenses de consommation.

Si les prédictions du modèle s’avèrent inexactes, il sera modifié à l’aide de nouvelles variables.

La nature provisoire et hypothétique de toute théorie implique que notre connaissance du monde réel est toujours fragile et incertaine. Étant donné qu’il est impossible de déterminer comment les choses fonctionnent réellement, cela n’a pas vraiment d’importance de savoir quelles sont les hypothèses sous-jacentes d’un modèle théorique. N’importe quelle hypothèse est valable, du moment que les prédictions générées par le modèle restent justes.

Selon Milton Friedman :

« La seule question pertinente à se poser en ce qui concerne les hypothèses sous-jacentes d’un modèle théorique n’est pas de savoir si elles sont totalement réalistes ou non, étant donné qu’elles ne le sont jamais totalement, mais de savoir si elles représentent une approximation suffisamment bonne pour atteindre l’objectif qui est le nôtre. Et la seule façon de répondre à cette question est d’observer si ce modèle théorique fonctionne, autrement dit si ses prédictions sont exactes. » (2)

Encore une fois, selon cette vision des choses, « n’importe quelle hypothèse est valable », la capacité du modèle à générer des prédictions exactes est la seule chose qui importe.

Il existe deux types d’économistes

L’idée selon laquelle notre connaissance du monde réel est nécessairement fragile et que l’on ne peut jamais être certain de rien a donné naissance à deux groupes d’économistes.

D’un côté, les théoriciens, que certains désignent comme « les économistes dans leur tour d’ivoire ». Ils imaginent différents modèles théoriques qu’ils utilisent pour former une analyse du monde économique. Afin d’avoir l’air crédibles, ces modèles sont généralement présentés sous la forme d’équations mathématiques sophistiquées.

De l’autre côté, les économistes soi-disant « pragmatiques », dont les analyses sont exclusivement basées sur les statistiques économiques. Alors que les économistes « dans leur tour d’ivoire » croient que la clef de tous les secrets de l’univers économique se trouve dans des modèles abstraits, les économistes « pragmatiques » sont convaincus qu’en « torturant » suffisamment les statistiques, elles finiront forcément par nous livrer la vérité.

Cependant, expliquer la nature profonde de l’objet analysé par la science économique devrait être le seul objectif d’une théorie économique. Les méthodes statistiques ne sont d’aucune aide à cet égard.

Tout ce que peuvent accomplir ces méthodes est de comparer l’évolution historique de différentes données. Elles sont incapables d’identifier les causes profondes à l’origine des phénomènes économiques.

De la même façon, les modèles basés purement et simplement sur l’imagination des économistes ne nous sont pas d’une grande utilité dans la mesure où ces théories ne sont pas basées sur l’observation du monde réel.

Pour plus d’informations, c’est ici.

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  • Un exemple de limite du PIB pour la France:
    Si vous faites le ménage en simplifiant drastiquement les impôts et règlementations (notamment sur le travail, la fiscalité et l’immobilier), supprimez l’armée mexicaine de fonctionnaires dans les postes et ministères inutiles (culture, ville, ministère de la femme…), vous vous retrouvez avec une récession foudroyante.
    Parce que les 2/3 du PIB sont lié à la consommation, dont ceux des fonctionnaires.

    Après, je pense que ça ne durerait qu’une paire d’année, le temps que l’économie redécolle. Mais c’est une donnée à prendre en compte dans les programmes politiques, notamment en terme de pédagogie/communication.

    • Non cela diminerait seulement notre deficit commercial.ce qui est produit en france le serait toujours et en mieux et les ex fonctionnaires devront trouver ou creer leur job.

    • Il ne faut pas oublier, (enfin c’est mon avis, et j’imagine que certains le partage ici), que le PIB ca peut-être assez foireux comme manière re calculer la richesse d’un pays, vu qu’on met dedans tout les emprunts (j’en comprends la raison comptable hein), qui nous appauvrissent à long terme.
      Je n’ai pas la solution, mais un autre indicateur plus pertinent que le PIB par habitant devrait etre développé.

  • Prévoir n’est pas comprendre.
    Une partie du problème est que les agents économiques réagissent aux prévisions, soit pour les renforcer soit pour les éviter.
    C’est un type de rétroaction qu’on ne trouve pas dans des modèles de domaines plus objectifs (= sans facteur humain) tels que la prévision météo par exemple.
    Le fait qu’une prédiction se confirme ne signifie pas du tout que le modèle sous-jacent soit valide: on en a un exemple avec la prétendue « analyse technique » qui ne prévoit l’évolution immédiate des cours de bourse que parce qu’elle les fabrique (on suit les recommandations non pas parce qu’elles sont judicieuses mais parce qu’on sait que les autres vont s’y conformer, même ceux qui savent que c’est bidon).
    Un modèle économétrique devrait être secret pour que ses résultats ne pas perturbent pas le système observé.
    Ou alors il doit intégrer en feedback l’effet de sa propre prédiction pour trouver son point fixe où le bilan des réactions aux prédictions s’équilibre à zéro: la matière humaine est bien trop malléable pour qu’on puisse raisonnablement espérer y parvenir.

    Cependant les prévisions à long terme ont plus de sens parce que les forces de rappel issues de nécessités théoriques simples ont le dernier mot sur les élasticités variables des réactions psychologiques ou culturelles des agents économiques. On sait par exemple que le système monétaire actuel est condamné à s’effondrer (on ne peut pas indéfiniment consommer plus qu’on ne produit, on ne peut pas laisser le pourcentage de fausse monnaie approcher 100% de la masse monétaire, …) mais bien malin qui peut dire quand ou comment.

  • A cet égard, le simple curieux que je suis trouve intéressant le cas actuel du Royaume-Uni. Le taux de chômage est au plus bas depuis 1975 alors que la croissance est en berne. Des chiffres contre-intuitifs si on se réfère à la loi d’Okun (relation empririque entre le tx de croissance du pib et le chômage).
    De plus un chômage au plus bas n’a pas non plus d’effet sur l’inflation pour le moment.

    Selon certains économistes, cette situation reflèterait l’incertitude du brexit ; les entreprises préférant embaucher plutôt qu’investir. Bien sûr à plus long terme ce déficit d’investissement rétablira les relations si c’est bien la cause principale.

    Donc j’ai l’impression que les modèles économétriques sont assez pertinents tant qu’un nouveau facteur non économique (brexit, protectionnisme..) ne vienne semer la zizanie.

  • L’auteur ne semble pas connaître l’école autrichienne d’économie …

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