Arthur Breitman : « Captivant de voir des gens des 4 coins du monde contribuer »

Un entretien avec Arthur Breitman, cofondateur du projet Tezos et grand promoteur de la technologie Blockchain.

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Arthur Breitman

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Arthur Breitman : « Captivant de voir des gens des 4 coins du monde contribuer »

Publié le 27 février 2019
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Contrepoints était le premier journal à publier un entretien en français d’Arthur Breitman à propos de son projet Tezos. Nous faisons ce deuxième entretien avec lui alors que le projet est bien plus avancé et le réseau fonctionnel.

Contrepoints : Quel est votre sentiment sur l’écosystème qui commence à se développer autour de Tezos ?

Arthur Breitman : Je trouve cela captivant de voir des gens des quatre coins du monde venir contribuer à différentes parties du projet. Tezos est conçu pour être collaboratif, ce n’est que le début !

L’émission monétaire de bitcoins dans chaque bloc est constante en valeur numérique et cette valeur est divisée par 2 tous les 4 ans jusqu’à s’arrêter une fois les fameux 21 millions de bitcoins émis. En quoi la politique d’émission de Tezos est-elle différente ? Sera-il possible de la changer par un vote ?

En soit, une masse monétaire fixe me semble attrayante. On ira dire que c’est très mal à grands coups de MV = PQ mais je ne prête pas foi à ces modèles macro-économiques dont la valeur scientifique me parait douteuse. Bien souvent ces modèles macro impliquent l’existence d’arbitrages micro ce qui renforce mon incrédulité. Il est vrai que certains modèles macro-économiques sur la monnaie peuvent être appuyés par des justifications micro-économiques plausibles. Par exemple, empiriquement, la rigidité des salaires semble être un phénomène réel. Quand bien même, la solution naturelle serait d’aligner les montants contrats sur un index de prix. Faire tourner la planche à billets dans ce but est une solution particulièrement gauche.

Il ne faut pas aussi non plus tomber dans l’idiotie opposée, mais répandue dans le monde des cryptomonnaies, qui consiste à penser que sans borne maximale, une monnaie ne peu pas avoir de valeur. Une monnaie est détenue car c’est un instrument liquide qui peut être échangé dans le futur contre d’autres biens ou services avec un minimum de frais de transaction. Ce qui détermine sa valeur à l’instant t c’est la demande qui en est faite à un instant t, et à cette instant la quantité en circulation est finie. Bien entendu, une monnaie dont la masse augmente rapidement à moins de valeur qu’une monnaie plus stable, mais il n’y a là rien de binaire.

Ayant dit tout cela, je ne pense pas que Bitcoin soit capable de fonctionner avec une masse monétaire fixe. La sécurité de Bitcoin repose sur l’incitation pécuniaire des mineurs. Sans émission monétaire, ce sont les frais de transaction qui doivent payer pour la sécurité du réseau. Or, il est toujours possible de réaliser des transactions hors-chaîne en utilisant, par exemple, le réseau Lightning. On tombe donc dans une tragédie des biens communs où tous les utilisateurs de Bitcoin bénéficient de la sécurité du réseau, mais aucun n’a individuellement intérêt à le subventionner à travers des frais de transactions facultatifs.

En ce qui concerne Tezos, le concept initial est de maintenir une inflation d’à peu près 5 % par an. Ceci dit, contrairement au système de la preuve de travail, où l’inflation est entièrement brûlée en électricité, Tezos utilise la preuve d’enjeu. Dans ce modèle, un détenteur de tez qui aide honnêtement à maintenir la sécurité du réseau participe proportionnellement à l’émission monétaire et ne se voit donc pas dilué.

Le modèle de gouvernance permet de changer les règles de l’émission monétaire. Il y a plusieurs possibilités intéressantes. On peut par exemple inverser le modèle et punir les absents plutôt que de récompenser les participants à la sécurité du protocole. C’est fondamentalement la même chose à une division près. On peut aussi émettre pour récompenser un développeur venant apporter des changements positifs au protocole. Le modèle de gouvernance peut aussi s’auto-limiter. Il serait par exemple possible de mettre une fois pour toutes une borne maximale sur l’émission annuelle qui ne puisse être changée par la suite.

Parmi les premières évolutions majeures que vous souhaitez voir proposer au vote des participants au réseau Tezos, il y la confidentialité des transactions en reprenant les nouvelles techniques utilisées par ZCash. En quoi cette confidentialité est-elle si importante pour une cryptomonnaie ? Voyez-vous la transparence comme un obstacle majeur pour les protocoles qui n’intégreront pas une technologie de ce type ?

Je pense en effet que le manque de confidentialité est un frein à l’adoption. Par leur nature, les cryptomonnaies comme Tezos ou Bitcoin font connaître toutes les transactions à tous les participants. Une entreprise ne veut pas nécessairement que ses transactions révèlent la liste de ses clients ou de ses fournisseurs à tous ses concurrents ! C’est d’autant plus important dans les régimes autoritaires qui surveillent leur population et les activistes politiques pour qui la confidentialité est parfois une question de vie ou de mort.

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  • Suivant déjà le subreddit r/tezos pas grandes nouveautés sous le soleil.
    Néanmoins, toujours intéressant de rappeler que Tezos est la seule cryptomonnaie avec une PoS (proof of stake – preuve d’enjeu) fonctionnelle.
    On aurait pu aussi parler de la société Elevated Returns qui va sécurisé via smart contract 1millards de $ d’asset immobilier sur Tezos.

  • « En ce qui concerne Tezos, le concept initial est de maintenir une inflation d’à peu près 5 % »

    Démarche très intéressante car l’abandon de l’idée farfelue d’une masse monétaire plafonnée est certainement la voie du succès pour une crypto. Ceci dit, reste à déterminer comment s’effectue la distribution de cette monnaie supplémentaire. Si la distribution est illégitime, si elle ne reflète pas une création de richesse par ailleurs, le projet est voué à l’échec, exactement pour les mêmes raisons expliquant que les monnaies fiduciaires monopolistiques sont détruites par les errements des gouvernements.

    • Créer de la monnaie revient à faire payer par inflation ceux qui en ont déjà. Donc la question n’est pas tant de savoir si la personne qui reçoit la monnaie fraiche la « mérite », mais plutôt de savoir ce qui justifie de faire payer l’intégralité des détenteurs de cette monnaie proportionellement à la quantité qu’ils en détiennent.
      Et je ne vois rien de « farfelue » dans une masse plafonnée, l’or a bien pu servir de monnaie sans que sa quantité varie significativement d’une année à l’autre.

      • « Créer de la monnaie revient à faire payer par inflation… »

        L’inflation/déflation naît d’un déséquilibre entre la création/destruction monétaire et la création de richesses nouvelles sur une période donnée. Si vous créez exactement la même quantité de monnaie que de richesses créées, l’inflation est nulle car les prix sont parfaitement stables (MV=PT où V=1).

        Par ailleurs, il est légitime que le détenteur d’une monnaie simplement thésaurisée ne puisse pas se payer les biens supplémentaires rendus disponibles par une création de richesse à laquelle il n’a pas, par définition, participé. Il s’est mis hors du jeu économique et sa monnaie stérilisée subit une perte de valeur tout à fait justifiée. S’il veut maintenir la valeur de son stock de monnaie, il doit épargner, investir, prendre des risques, participer à la création des richesses.

        • « l’inflation est nulle car les prix sont parfaitement stables »
          Ce n’est pas parce que le prix est stable que vous n’avez rien payé. Si les prix sont stables MALGRÉ une création de monnaie, c’est que les prix auraient baissé avec une monnaie plafonnée, vous avez donc bien payé la différence.
          Son stock de monnaie perd de la valeur au profit de quelqu’un d’autre ; qui décide? qui profite? de quel droit, à quel titre?

        • Gardons les choses simples : si un dollar est créé, et se retrouve dans la poche de X, alors X est plus riche et je suis moi-même plus pauvre, car cette création diminue la valeur de mes propres dollars. Je viens donc effectivement de payer X. Pour quel service? Si il crée de la richesse et que je veux en profiter, il faudra de toutes façons que je le paye, non?

          • « Je viens donc effectivement de payer X. Pour quel service? »

            Si la création monétaire est corrélée à la création de richesse (biens ou services), la valeur que vous aviez produite et pour laquelle vous aviez eu des dollars se retrouve en concurrence avec de nouvelles valeurs et est dévaluée : c’est cela que vous perdez. D’où la remarque de Cavaignac : si vous avez thésaurisé sans participer à la création de ces nouvelles valeurs, il n’y a nulle injustice à la perte de valeurs de votre capital monétaire.

            Selon vos principes, je produis aujourd’hui un bien et il devrait valoir toujours la même chose dans dix, cent, mille ans : ce qui est contraire aux progrès de la production.

            • @Turing
              Vous pouvez retourner la chose dans tous les sens, créer un dollar reviens à un transfert de pouvoir d’achat depuis « tout le monde » vers « celui qui reçoit le dollar » ; si vous pensez que ca se justifie dans certains cas, très bien, mais pourquoi ne pas en faire un VRAI payment sur la base d’une monnaie en quantité fixe? au moins les choses seraient claires? Si je ne me trompe pas, en l’état actuel cela consisterai à créer un impôt qui serait redistribué aux banques privées?

            • @Turing
              En plus il y a un gros problème de symétrie dans « vos » principes…
              Il se passe quoi en cas de déstruction de richesse? On détruit de la monnaie afin que je conserve le même pouvoir d’achat, car oui, la valeur que j’ai créée est maintenant en concurence avec moins de valeur, il n’y a donc aucune injustice à ce que la valeur de mon captial monnétaire augmente? Et au fait on détruit la monnaie de qui? (question symétrique du « à qui on donne le nouveau dollar? »).

              • Reprenons, à la base, la notion juridique de monnaie. La monnaie est un bien dont on ne peut faire usage qu’en l’aliénant. Il est le signe d’une reconnaissance de dette, comme l’expliquait très bien Bastiat dans son pamphlet Maudit Argent :

                Vous avez un écu. Que signifie-t-il en vos mains ? Il y est comme le témoin et la preuve que vous avez, à une époque quelconque, exécuté un travail, dont, au lieu de profiter, vous avez fait jouir la société, en la personne de votre client. Cet écu témoigne que vous avez rendu un service à la société, et, de plus, il en constate la valeur. Il témoigne, en outre, que vous n’avez pas encore retiré de la société un service réel équivalent, comme c’était votre droit. Pour vous mettre à même de l’exercer, quand et comme il vous plaira, la société, par les mains de votre client, vous a donné une reconnaissance, un titre, un bon de la République, un jeton, un écu enfin, qui ne diffère des titres fiduciaires qu’en ce qu’il porte sa valeur en lui-même, et si vous savez lire, avec les yeux de l’esprit, les inscriptions dont il est chargé, vous déchiffrerez distinctement ces mots : « Rendez au porteur un service équivalent à celui qu’il a rendu à la société, valeur reçue constatée, prouvée et mesurée par celle qui est en moi-même.

                https://fr.wikisource.org/wiki/Maudit_argent

                Jean, boulanger, va voir Michel restaurateur : « sers moi un repas, tu pourras venir chercher 10 pains et 10 baguettes chez moi en échange, je te donne ce bon en reconnaissance de ma dette. » Par ce bon, en reconnaissance de sa dette, Jean vient d’inventer la monnaie. Michel peut échanger ce bon avec Délphine contre un massage. Quand Délphine ira voir Jean pour obtenir son pain, le bon sera détruit et la monnaie avec.

                Le mécanisme de création monétaire, avec la monnaie scripturale, est identique à ce que je viens de décrire. Sa masse représente, dans l’ensemble des échanges, les trocs non finalisés (une seule des parties de l’échange a fourni un bien ou un service).

                Le service ou le bien que vous aviez fourni, qui est à la base de l’argent que vous possédez, se retrouve alors en concurrence avec un nouveau bien service face à la totalité de l’offre existante : sa valeur ou son pouvoir d’achat baisse (à offre constante).

                Si vous investissez votre argent, vous pouvez récupérer une part de la création de richesse et de la monnaie créée, sinon, si vous thésaurisé, vous perdez en pouvoir d’achat une part équivalente au nouveau crédit accordé.

                • Vous dites : « Le mécanisme de création monétaire, avec la monnaie scripturale, est identique à ce que je viens de décrire. »
                  Non, car dans ce que vous venez de décrire, le débiteur est clairement identifié. Une boulangerie, ca peut brûler ou faire faillite, ce qui conduit à la destruction du bon. On a donc effectivement une destruction de monnaie par destruction de richesse, mais la victime est clairement identifiée : la personne qui avait le bon dans les mains (autrement dit celle qui a fait confiance à la boulangerie pour honorer sa dette). Mais dans le cas d’une monnaie nationale? Ca me ramène à ma question : on fait quoi concrètement en cas de destruction de richesse?
                  Mais en l’absence d’une réponse à la question « en quoi une création de monnaie est-elle différente d’une simple redistribution » (cf mon message précédent), il est inutile de palabrer sur les bienfaits de la création ou destruction monnétaire… Peu importe les mécanismes, je pourrais TOUJOURS me demander pourquoi on ne le fait pas avec des impôts (ou des frais bancaires…).

          • @ wat
            Donc non! Si X crée de la richesse vendue 1 $, l’ensemble s’est enrichi d’ 1 $.
            Donc l’ensemble peut créer le billet nouveau et à la fois richesse nouvelle!
            Par contre

        • Bonjour Cavaignac
          « sa monnaie stérilisée subit une perte de valeur tout à fait justifiée »

          Attention, Cavaignac, c’est avec ce genre d’argument que l’on devient socialiste ;). On n’est pas loin du valeur-travail cher aux marxistes. Une monnaie doit être neutre, stable, sans arriere pensée constructiviste, ne favoriser ni les cigales ni les fourmis.. et surtout pas l’état.

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