La dictature du paraître

“Réelle” : terrible univers des réseaux sociaux et autres émissions de télé-réalité. Et s’il valait mieux se contenter d’être bien réel plutôt que de fantasmer un univers imaginaire et parfaitement illusoire ?

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Kinderspielzeug: Kleine Puppe bestaunt ihre Reflektion in Miniatur-Standspiegel - Nahaufnahme By: Marco Verch - CC BY 2.0

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La dictature du paraître

Publié le 12 janvier 2019
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Par Johan Rivalland.

Il n’était pas évident d’entrer dans la lecture de ce roman immédiatement après celle du quatrième volume du Cimetière des Livres oubliés et la superbe plume de Carlos Ruiz Zafon… Quelle rupture de style radicale d’un seul coup.

Mais on comprend vite que le style très simple, dépouillé, voire presque familier du présent roman s’impose. Car nous voilà embarqués dans l’univers quotidien d’une jeune collégienne de milieu très modeste, Joanna, au sein d’une région sinistrée de province, ses petites difficultés au quotidien, et surtout son horizon bouché, avec pas vraiment grand monde pour l’aider à ce qu’il en aille autrement…

Un univers glauque

La première partie du roman nous décrit l’univers peu stimulant et d’une terrible banalité dans lequel vit Joanna. On ne choisit pas le milieu dans lequel on naît et on ne dispose pas toujours des codes pour comprendre un certain nombre de choses qui vous échappent et constituent pourtant autant d’obstacles insurmontables pour espérer échapper à sa condition.

Or, Joanna et sa copine Jennifer espèrent toutes les deux accomplir le rêve de leur vie : participer à l’émission Graines de Star. Nous sommes dans le courant des années 1990 et c’est l’émission-phare qui fait rêver ceux dont la culture familiale se limite à la lecture de Voici et autres magazines à sensation.

Malheureusement pour elles, leur consternante banalité (pour ne pas dire vulgarité) joue contre elles. Sans qu’elles en aient conscience. Et il n’est pas certain qu’elles répondent tout à fait au portrait-robot de celui ou celle qui pourra faire rêver les foules.

La vie de Joanna, et pire encore, celle de Jennifer, vont évoluer dans le sens de leur destin a priori inéluctable, fait d’une certaine morosité, d’une vie de peu et d’un ensemble de désillusions plus ou moins grandes. La première partie est assez sombre, peu réjouissante, caractéristique de l’univers quotidien assez déprimant de beaucoup de gens, sans grands motifs de joie ou d’illusions quant à leur existence et à leur condition.

L’espoir, le rêve, la transcendance

La rupture va arriver à la deuxième partie. Le style reste le même, délibérément comme nous l’avons vu, mais un concours de circonstances va changer la vie de Joanna, désormais un peu plus âgée (environ vingt ans).

Si elle semble avoir motif à se réjouir, le lecteur, lui, entrevoit déjà les pièges qui, tout à sa naïveté évidente et dont elle ne peut être blâmée, risquent de se présenter à elle et les nouvelles désillusions qu’elle risque fort de rencontrer.

Elle va participer à la toute première émission de télé-réalité française. Et je vous laisse lire la suite, découvrir ce qu’elle va vivre.

Bienvenue alors dans les coulisses de la télévision, des stars adulées, du règne de la superficialité et de l’hypocrisie, des mises en scènes fabriquées et parfois odieuses (on croit reconnaître, au passage, la caricature de certaines vedettes de la télévision, lorsque certaines ne sont pas carrément nommées et mises en scène).

Un univers consternant qui nous plonge dans une deuxième partie en apparence plus réjouissante que la première… avant qu’on en vienne à se demander si finalement il ne valait pas mieux encore préférer la vie certes peu réjouissante de la première partie, mais où Joanna était elle-même, et finalement bien… Réelle (le titre).

 

  • Guillaume Sire, Réelle, L’Observatoire, août 2018, 320 pages.

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