Sérotonine, de Michel Houellebecq

Le dernier roman de Michel Houellebecq sur l’amour et la solitude.

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Sérotonine, de Michel Houellebecq

Publié le 8 janvier 2019
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Par Francis Richard.

La découverte début 2017 du Capton D-L allait ouvrir la voie à une nouvelle génération d’antidépresseurs, au mécanisme d’action finalement simple, puisqu’il s’agissait de favoriser la libération par exocytose de la sérotonine produite au niveau de la muqueuse gastro-intestinale.

Chaque jour, après avoir bu une gorgée de café et fumé deux-trois cigarettes, Florent-Claude Labrouste, 46 ans, prend avec de l’eau minérale un comprimé de Captorix, nom commercial du Capton D-L, ce qui lui permet d’intégrer les rites majeurs d’une vie normale.

Toutefois, Florent-Claude note que les effets secondaires indésirables les plus fréquemment observés du Captorix [sont] les nausées, la disparition de la libido, l’impuissance… Pour sa part, il n’a jamais souffert de nausées…

Comment en est-il arrivé là ? Florent-Claude (il déteste ce prénom sans avoir d’autre reproche à faire à ses parents) le raconte dans Sérotonine, roman où l’amateur de Michel Houellebecq retrouve cet esprit libre désenchanté.

Ballotté par les circonstances de la vie

En fait Florent s’est laissé ballotter par les circonstances de la vie. Il ne l’a jamais ni pris (ni repris) en main, si bien que, lucide, il écrit qu’il n’a jamais été qu’une inconsistante lopette et que l’avenir ne devrait pas lui être différent.

Est-ce à dire que sa vie est vide ? Non. Après avoir préparé et fait Agro, il travaille un temps chez Monsanto mais les quitte non pas par pur conformisme de gauche mais parce qu’il lui semble qu’en y restant il trahirait son idéal :

Cette agro-industrie entièrement basée sur l’export, sur la séparation de l’agriculture et de l’élevage, était à mes yeux l’exact contraire de ce qu’il fallait faire si l’on voulait aboutir à un développement acceptable, il fallait au contraire privilégier la qualité, consommer local et produire local, protéger les sols et les nappes phréatiques en revenant à des assolements complexes et à l’utilisation des fertilisants animaux.

Florent devient alors contractuel au ministère de l’Agriculture et est envoyé à la D.R.A.F. de Normandie pour aider les agriculteurs locaux à promouvoir leurs fromages, camembert, livarot et pont-l’évêque. Mais ce n’est pas une réussite…

Ce n’est pourtant pas pour ça qu’il donne un jour sa démission. Sa vie amoureuse n’est pas sans influence sur sa vie professionnelle et réciproquement. N’a-t-il pas toujours été convaincu que s’intéresser à autre chose qu’aux filles n’était pas sérieux ?

À quarante-six ans il s’aperçoit qu’il avait raison à vingt : les filles sont des putes si on veut, on peut le voir de cette manière, mais la vie professionnelle est une pute bien plus considérable, et qui ne vous donne aucun plaisir…

Solitude

Ses dernières filles sont Kate, la Danoise, Claire, la comédienne qui n’aura connu qu’un seul succès théâtral, Camille, la stagiaire qu’il a accueillie à la D.R.A.F., Yuzu, la Japonaise employée de la Maison de la culture de son pays, quai Branly.

Après elles, il se retrouve seul. Il ne tire aucune jouissance de cette solitude. Il a en effet besoin d’amour en général et d’amour sous une forme très précise, qu’il précise d’ailleurs très crûment parce que son écriture n’est pas de bois, mais plutôt bien charnue…

Avant de disparaître de la circulation et de quitter la D.R.A.F, Florent renoue avec son ami du temps de l’Agro, Aymeric d’Harcourt, qui fait de l’élevage de vaches laitières mais qui ne s’en sort pas du fait de la diminution du prix du lait.

Avec d’autres éleveurs normands, Aymeric décide de se battre. Florent, même s’il en est attristé, sait que ce combat est perdu d’avance, lui qui a naguère proposé des mesures de protection raisonnables, des circuits courts économiquement viables :

Je n’étais qu’un agronome, un technicien, et au bout du compte on m’avait toujours donné tort, les choses avaient toujours au dernier moment basculé vers le triomphe du libre-échangisme, vers la course à la productivité…

Florent pense donc que les cœurs se sont endurcis et que le petit comprimé blanc, ovale, sécable a au moins cette vertu d’aider les hommes à vivre, ou du moins à ne pas mourir — durant un certain temps. Certes, mais peut-être devraient-ils plutôt se prendre en main.

Dans la vie professionnelle, ne faut-il pas écouter sa raison et ne pas s’obstiner à faire des choses que d’autres savent mieux faire et à meilleur compte ? Dans la vie personnelle, ne faut-il pas écouter son cœur et laisser libre cours à ses élans d’amour ?

Sur le web

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  • Je n’ai pas lu ce nouvel opus. Par contre, c’est le deuxième commentaire de ce roman que je lis.
    Je ne suis pas étonné que les adversaires du libéralisme, à droite comme à gauche apprécient Houellebecq, tant celui ci tombe dans les vieux clichés ilibéraux et se désole de l’abandon de l’état nounou (si, si!).
    Sa charge contre l’abandon des quotas laitiers (qui étaient une rente de situation intenable), contre l’affreux Monsanto (qui a le tort, selon lui, de vouloir dégager des bénéfices) est digne des politiques les plus réactionnaires.
    Pour finir, dans le roman,le producteur de lait ne s’en sort pas « du fait de la diminution du prix du lait ». Ce qui n’est pas précisé dans l’article, c’est que ce producteur de lait est en « bio ». Et que ne pas s’en sortir en lait bio, avec les tombereaux d’aides (conversion, crédit d’impôts …) et un prix très convenable par rapport au conventionnel, c’est trivialement être incompétent. Mais Houellebecq préfère mettre ça sur le compte de l’ultralibéralimse (;)), tellement plus commode intellectuellement.

    • « Pour finir, dans le roman,le producteur de lait ne s’en sort pas « du fait de la diminution du prix du lait ». Ce qui n’est pas précisé dans l’article, c’est que ce producteur de lait est en « bio ». Et que ne pas s’en sortir en lait bio, avec les tombereaux d’aides (conversion, crédit d’impôts …) et un prix très convenable par rapport au conventionnel, c’est trivialement être incompétent. »

      Non, ce n’est pas « être incompétent », à moins que vous ne placiez la compétence que dans la gestion financière de l’entreprise.
      Vous ne dites pas qui achète ce lait « bio » .
      Vous ne dites pas non plus pourquoi ces subventions sortent si facilement .
      Enfin, vous ne dites pas comment un prix unitaire est extrêmement trompeur sur la rentabilité d’une activité.
      Bref, quid des grossistes de ces aides qui repartent directement des petits producteurs vers quelques gros fournisseurs ou même des distributeurs qui en bénéficient indirectement, ou des charges fixes et imprévues qui incombent au producteur, quel que soit le prix du produit.

      L’industrialisation est une course à la productivité sans fin, qui implique forcément d’arriver à l’étape de destruction (suivi on peut l’espérer de la création).
      Dans cette condition, allez donc expliquer en toute commodité intellectuelle, à un producteur qui veut faire dans le « durable », que son activité ou ses partenaires ont une échéance avant destruction…

      • Si, ne pas pouvoir vivre de son activité quand les vents sont porteurs comme ça l’est encore aujourd’hui en lait bio, avec une structure telle qu’elle est décrite, c’est un problème de compétence. Point.

        • Il faudrait que ces aides soient versées, hors elles ne le sont pas. Vous n’êtes qu’une présomptueuse fainéasse qui ne doit vivre que des miettes distribuées par la société libérale que vous défendez. Vous pérorez sur un sujet que vous ne connaissez pas. Mes parents sont des gens rincé par le métier de l’agriculture, mon frère s’échine à vivre dans ce métier, il faudrait que vous alliez leur expliquer votre point de vue de rongeur de l’humanité…

        • Vous devriez arrêtez la consommation de glyphosate, ça vous a détruit le cerveau. Avec des individus tels que vous, la planète en vraiment en mauvaise posture.

  • Ce qui me désespère, c’est que le succès d’une telle oeuvre soit liée au fait que les gens ont matière à s’identifier au protagonistes du bouquin…
    Faut il que nous en soyons réduits à une VDM pour en arriver là !

    Après avoir lu le synopsis, j’ai pris un comprimé de Captorix…

  • en élevage laitier que se soit en bio ou pas, les bons y arrivent (même si plus dure a certain moment) et les moins bon n’y arrivent pas!!
    Il n’y a aucune différences avec les autres entreprises économique.
    Il est également vrai qu’il était plus facile de réussir ressèment en bio qu’en conventionnel.
    je travail avec des laitiers bio et non bio .
    Si cet écrivain a des qualités, ce n’est pas celle de l’objectivité sur les activités agricole. Le discours anti Monsanto a la mode est effectivement ridicule d’incompétence sur le sujet

  • Si vous n’arrivez pas à vivre de votre labeur, changez-en.

    Ca fait une ligne, c’est simple et c’est gratuit.

  • Je viens de parcourir ce livre que j’ai acheté. Je n’irai pas plus loin tellement ce livre est sinistre, le héros est un obsédé sexuel, avec le sexe triste. Sans intérêt.
    Ce livre m »a paru complètement nul.

    • @lapaladine bref du houllebecq pur jus…. il ne doit savoir écrire que cela, j avoue ne pas comprendre son succès, une forme de masochisme ? Ou bien les gens sont rassurés de voir pire qu eux mêmes ? Ou encore une attirance morbide pour les scènes salaces et glauques ? Je m interroge. .

  • A l’attention de Contrepoints
    « Florent devient alors contractuel au ministère de l’Agriculture et est envoyé à la D.R.A.F. de Normandie pour aider les agriculteurs locaux à promouvoir leurs fromages, camembert, livarot et pont-l’évêque. Mais ce n’est pas une réussite… »

    Nous n’avons pas du lire le même livre, le narrateur intègre la DRAF de Normandie et la quitte quelques années après pour devenir contractuel au ministère de l’agriculture (p 177) ce n’est certainement que très anecdotique mais tant qu’à parler d’un livre autant le lire et le comprendre.

    Pour le reste des commentaires, il y a bien écrit en couverture « roman » et non « traité d’agronomie » …Si on est allergique à l’écriture de Houellebecq Sérotonine n’arrangera rien à l’affaire. la parallèle avec la déréliction du narrateur et celle du monde agricole est bien troussée avec en point central l’impuissance des deux et le constat implacable de l’impossibilité du retour en arrière.

    Tout ceci posé de mon point de vue ce n’est pas le meilleur Houellebecq mais la plume chirurgicale des petitesses de l’humain y est.

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