Quand Singapour réinvente le viager

Singapour vient ainsi de proposer une idée géniale qui lie retraite et politique du logement.

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Singapour au crépuscule by Etienne Valois(CC BY-NC-ND 2.0)

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Quand Singapour réinvente le viager

Publié le 1 décembre 2018
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Par Xavier Fontanet.

Les pays asiatiques ont rattrapé les pays occidentaux en s’inspirant de leurs valeurs prônant l’initiative individuelle et l’économie de marché. Comme quoi aller chercher les bonnes pratiques, même dans des pays de culture différente, peut très bien marcher. Du fait de leur culture confucéenne, qui met le groupe au-dessus de l’individu, les Asiatiques ont un sens social plus développé que le nôtre. Nous devrions arrêter de clamer comme toujours « nous, c’est différent », et chercher si il n’y a pas de bonnes idées à prendre dans leur domaine social.

Singapour vient ainsi de proposer une idée géniale qui lie retraite et politique du logement. La politique du logement à Singapour n’est pas, comme ici, de subventionner les loyers, mais de faciliter l’accès à la propriété grâce à des prix raisonnables que l’État fait aux particuliers. Rappelons également que les retraites à Singapour sont des retraites par capitalisation, gérées par des fonds d’investissement gigantesques.

La cité-État va proposer aux seniors de plus de 65 ans de revendre leur appartement à ces fonds, ceux-ci pouvant les revendre aux plus jeunes en recherche de logement. Les anciens ajouteront alors la somme perçue de la vente au capital-retraite qu’ils ont accumulé. Le tout sera transformé en viager, associé à la mise à disposition d’un appartement mieux adapté aux contraintes de leur âge.

Grâce à ces choix dans deux domaines essentiels, les retraités de ce pays vont connaître une vieillesse bien plus heureuse que les nôtres, dont on cherche en ce moment à rogner les prestations. Mais ce n’est là qu’un exemple. On en vient à se demander si le secret de la réussite de ce pays ne réside pas tout simplement dans la gouvernance de sa sphère publique. Tirons les choses au clair, et demandons officiellement au gouvernement singapourien un diagnostic sur la nôtre, histoire de penser « out of the box ».

Ce sera aussi une belle occasion de découvrir ce pays, dont le PIB par tête est aujourd’hui le double du nôtre, alors qu’il était le tiers en 1973 !

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  • Cette façon astucieuse de pousser les propriétaires à vendre en viager sans en être conscient est une idée géniale pour mettre fin au droit de propriété à titre individuel.

    Cela revient à proposer de remplacer une collectivisation au profit de l’État par une collectivisation au profit d’organismes privés. De ce point de vue le régime de Singapour semble plus être un régime collectiviste dépolitisé qu’un régime libéral.

    Les Français sont attachés au droit de propriété à titre individuel car ce droit est le garant de leur liberté et de celle des générations futures qu’ils entendent préserver. C’est pourquoi les propriétaires français répugnent à toute forme de viager ; pour eux, se laisser aller à la facilité du viager, c’est perdre pour le futur la propriété et la liberté. C’est indigne.

    Libre aux retraités de Singapour de se faire prendre au piège qui leur est tendu avec ce viager masqué. La conséquence en sera de condamner leur descendance à la servitude car les fonds de pension devenus propriétaires de tout ne revendront rien et deviendront des bailleurs qui transformeront toute la population en locataires.

    En France, les propriétaires retraités ont accepter de payer toute leur vie active des cotisations de retraite supposées leur éviter d’avoir à manger de ce pain-là ; ils ne veulent du viager sous aucune forme, car ils se sentent responsables de maintenir les conditions de la liberté pour les générations futures.

    De ce point de vue, c’est peut-être plutôt auprès des propriétaires français à titre individuel qu’il faudrait prendre des leçons d’altruisme et de responsabilité envers les générations futures. A Singapour, ce qui est proposé aux retraités avec cette formule de viager, c’est de sombrer dans le « chacun pour soi » et « après-moi le déluge ». Pas vraiment génial.

    • Personne ne pousse et encore moins ne contraint ici. Et il est vraisemblable que ces rentes viagères seront très décentes. Comment convaincre les vendeurs si le prix est ridicule. Avez-vous essayé de vendre quelque chose en viager en RFSS ? J’ai essayé … cela ne s’est pas fait.
      L’état singapourien favorise la disponibilité de biens de qualité, abordables, où en plus il force la diversité ethnique, de façon à s’assurer que ses minorités malaise et indienne soient effectivement intégrés. Cet habitat est très homogène, ce qui favorise sa financiarisation. Personne n’est forcé d’y habiter, et aucun stigma social n’est attaché au fait d’y vivre.

      HLM me direz vous ?
      HLM certes, mais avec eux différences :
      – qualité de la construction et des prestations; prévisible et exigible
      – tolérance zéro pour les incivilités (et par « zéro », on veut bien dire « zéro » … essayez voir une fois)

      Et de fait, l’état y est propriétaire du sol, déjà.

      Ce qui se fait à Londres au profit de la Couronne et de quelques ducs se fait à Singapour au profit du peuple et de politiques sociales qui, chez eux, réussissent.

      Je ne crois pas que le modèle singapourien ait quoi que ce soit à envier au modèle français, tant qu’on puisse y parler de modèle. Il est, lui, viable et pérenne.
      https://www.lafontaine.net/lesFables/afficheFable.php?id=23

    • Vendre en viager, c’est en général sacrifier ses descendants, qui n’auront plus de capital, alors qu’il est particulièrement difficile à accumuler actuellement. Dès lors cela n’a de sens que si l’on a pas de descendants, ou alors que ce soit un descendant qui vous l’achète en viager (mais alors Bercy vous tombe dessus bien sûr…). Après dans une société moins taxée comme Singapour, léguer un capital de départ est peu être moins important.

      • La société chinoise est respectueuse des anciens, que l’on ne fourgue pas à la légère dans un machin anonyme.
        Les descendants sont d’autant plus motivés à trouver une solution aux besoins pécuniaires éventuels de leurs parents.
        Et pour des enfants impécunieux, qui doivent encore rembourser leur propre logement, si le parent vend en viager, il peut aider ses enfants à faire face à leurs échéances avec le produit du viager.
        Sauf fiscalité prédatrice et inquisitrice (#giletsjaunes ?) un tel dispositif est d’une grande souplesse, très efficace économiquement, et très équitable.

        Je ne comprends pas les français qui osent encore donner des leçons au reste du monde. Le réveil sera douloureux.

    • Le viager n’intéresse pas grand monde en France. Trop cher. Plus de liberté de part et d’autre. Capital bloqué et petite rente à payer pour l’investisseur, c’est trop.

    • « Pousser les propriétaires à vendre en viager »
      Vous y allez fort ! Les Singapouriens, contrairement aux Français, savent manifestement décider eux-mêmes de ce qui est bon pour leur patrimoine, et que l’état leur ouvre des nouvelles possibilités ne veut pas dire qu’il les force, à la française, à les adopter. Etre propriétaire d’un bien ou d’une rente, franchement, à part la fiscalité, c’est une question de commodité et non de principe.
      Et apparemment, à Singapour, les droits de succession et de donation ont été abolis en 2008, donc c’est un tout autre contexte que celui d’une collectivisation et d’une dépossession rampante, tel qu’on l’imagine dans un pays où le propriétaire n’a le droit de disposer de sa propriété que dans un cadre bien strict qui finit toujours par bénéficier à l’état…

  • C’est en effet une idée assez collectiviste qui voudrait transformer le droit de propriété en un droit d’usage (Comme à Londres où dans certaines zones on ne peut qu’acheter l’usufruit que pour un temps déterminé)
    Cette idée avait aussi été proposée par Michel Rocard pour que l’Etat soit propriétaire du sol, ce qui permettait d’assurer à l’Etat une rente perpétuelle.
    L’ISF ou maintenant IFI, car il n’a fait que changer de nom pour la propriété, ne serait même pas touché car basé aujourd’hui sur le bénéficiaire de l’usufruit.
    Ce serait aussi supprimer l’héritage tant honni par les collectivistes (dommage pour eux, plus de droits de succession).

    • Il y a quand même une petite différence avec ce que proposait Rocard, ou de ce qui je pense pourrait germer dans l’esprit de nos technocrates.
      Il s’agit à Singapour d’acheter en viager pour revendre à plus jeune, pas de rendre l’état propriétaire pour en faire du sociaaaal, par ex.

      Et puis ce sont des fonds privés qui gèrent les transactions, l’état singapourien en fixe seulement le cadre pour graisser les rouages et rassurer les seniors.

      Et surtout l’état propose, alors qu’en France avec une loi on oblige…

  • Petite précision : le PIB de Singapour n’est le double du nôtre qu’à condition de le considérer à parité de pouvoir d’achat.

    • Certes.
      Mais cela veut dire également que le PIB singapourien a été multiplié par 6 par rapport au notre (« à parité de pouvoir d’achat ») dans le même laps de temps (1973-2017).
      Un système libéral capitaliste serait donc plus efficace que notre modèle français…
      Tout bonnement incroyable pour 90% de la population française.

  • Dans ce contexte, inutile de s’acheter un appartement. Ce serait une mauvaise stratégie financière. L’autre problème est que Singapour est surpeuplé sur son petit territoire, d’où cette démarche, faut bien loger les gens.

  • Singapour est un mélange de confucianisme autoritaire et de libéralisme qui fonctionne remarquablement bien dans cette population à majorité chinoise. Je ne pense pas que ce système soit transposable tel quel chez les gaulois réfractaires. Mais il y a surement de bonnes idées à prendre. De même qu’il y a de bons exemples en Suisse, en Australie et dans bien d’autres pays.

    • A propos de la qualité de réfractaire reconnue aux Gaulois du pays de Victor Hugo, il faut une médaille qui en atteste et que chacun pourra fièrement arborer. Elle pourrait être dénommée « Insigne du Réfractaire aux Dérives Féodales du Système ». Ceci en référence à l’ insigne « Réfractaire au STO » de ceux qui ont refusé le service du travail obligatoire, instauré par le régime de Vichy en collaboration avec l’occupant allemand pendant la 2ème guerre mondiale.)

      Puisque l’État français se comporte à l’égard de la population, qu’il accable de prélèvements et de règlements abusifs, comme une puissance ennemie en territoire occupé, le parallèle entre les deux insignes est d’actualité.

  • Mais des gens libres en France, vous n’y pensez quand même pas, non ❓

  • Réussite de Singapour pour qui et pour quoi? Ce fabuleux PIB par tête bien supérieur au nôtre donne-t-il à quiconque l’envie d’aller vivre à Singapour? Qui a envie d’aller vivre à la Défense? Qui a envie d’aller vivre dans un champ de tir? Singapour, tout le monde veut y aller pour y faire du business et pour s’enrichir, mais dans le but de vivre ailleurs où la qualité de vie est meilleure avec un PIB moindre.

    Avec près de 5 900 000 habitants sur à peine 720 km2, on comprend qu’ils aient des problèmes de logement. Dans cette cité surpeuplée, ce serait quoi la finalité de réinventer le viager? Réponse dans l’article : « Les anciens ajouteront alors la somme perçue de la vente au capital-retraite qu’ils ont accumulé. Le tout sera transformé en viager, associé à la mise à disposition d’un appartement mieux adapté aux contraintes de leur âge. » Qu’en termes délicats ces choses-là sont dites. Il s’agit juste de tasser encore davantage une population à l’avenir bloqué dans une impasse d’évolution.

    Tasser la population, c’est ce que les pouvoirs publics en France tentent aussi de faire à marche forcée avec une densification urbaine qui oblige à mettre les gens sous dictature pour en réduire les effets hyper-polluants et criminogènes. Avec à la clef la dépossession pour chacun de tout et la servitude acquise.

    Donc d’accord, « Tirons les choses au clair », mais pour arriver à une autre conclusion que de demander officiellement au gouvernement singapourien un diagnostic sur notre gouvernance de la sphère public, histoire de penser « out of the box » afin d’en rajouter dans une densification urbaine infernale où les anciens auront toujours des problèmes de retraite et les jeunes des problèmes de logement.

    La conclusion qui ressort de l’article, c’est que les habitants de Singapour sont en plein syndrome de la Reine Rouge, leur PIB par tête augmente, mais ils n’avancent pas : ils font du surplace sans que leur apparente réussite économique permettent de résoudre durablement leurs problèmes de retraite et de logement. Par conséquent, c’est plutôt eux qui auraient besoins de penser« out of the box » pour se sauver de leur boite infernale fut-elle dorée, pour sauter, avec les mêmes raisons que nous, de la marmite où des théoriciens hors sol voudraient les mettre à cuire ad aeternam.

    Pas convaincu ? Si vous n’avez pas envie d’aller vivre à Singapour ou dans une autre ville analogue, vous n’aurez pas envie non plus de vivre dans une France densifiée sur le modèle de Singapour. Il y a d’autres villes modèles auxquelles nous pourrions demander un diagnostic pour nous en inspirer. Vancouver, par exemple, éminemment plus vivable et prospère, et qui correspond mieux à nos spécificités géographiques.

    • Je n’ai visité Singapour qu’une fois il y a 25 ans, mais je comprends très bien qu’on ait envie d’y vivre ! C’est bien plus agréable que dans bien des villes françaises… Et si j’aimerais bien vivre dans une campagne française aussi, avec des télécoms aléatoires, sans épicerie, sans médecin, sans magasins, loin de tout, c’est bien pire aujourd’hui que dans ma jeunesse, et je n’ai plus l’enthousiasme d’alors pour affronter ces difficultés. A Singapour, ce serait moins dur, mais le climat ne me plaît pas…

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