Réussite économique : et si l’on s’inspirait de Singapour ?

Discipline, esprit de compétition, méritocratie : ces qualités peuvent paraître surannées à beaucoup mais ce sont celles que pointe dans son dernier ouvrage Rik Ghesquiere pour expliquer la réussite de Singapour.

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Réussite économique : et si l’on s’inspirait de Singapour ?

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 13 février 2018
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Par Thierry Godefridi.

À la fin de l’année dernière, Contrepoints avait jugé de circonstance de republier pendant la période des fêtes des articles parus dans l’année qui projetaient un regard optimiste sur le monde. Mon article, s’inspirant des travaux de Max Roser sur l’évolution des conditions d’existence de l’ensemble des êtres humains de la planète pendant les 200 dernières années, répondait de fait par l’affirmative à la question de savoir si le monde allait mieux (voir : « Ce dont les médias ne parlent pas »).

C’est en quelque sorte la même démarche positive qu’a suivie Rik Ghesquiere dans  Ochtendrood in avondland : plutôt que de se complaire en jérémiades sur tout ce qui ne va pas, pourquoi ne pas s’inspirer de ce qui marche ? A fortiori si, comme l’auteur, on l’a personnellement vécu de l’intérieur.

Après des études à l’Université de Louvain, Rik Ghesquiere obtient un doctorat en économie à l’Université de Yale et se fait engager par le Fond monétaire international où, pendant 28 ans, il mène une carrière d’expert spécialisé dans le redressement économique de pays confrontés à des problèmes d’endettement. Il s’est ensuite intéressé pendant une dizaine d’années à l’économie de Singapour où il a été professeur invité de l’École Lee Kuan Yew de politique générale de l’Université nationale (NUS).

Dans Ochtendrood in avondland (littéralement : Une aube rougeoyante au pays du couchant), Rik Ghesquiere se demande si la Flandre, la région flamande qui aspire à plus d’autonomie au sein (ou non) de la Belgique, peut tirer des enseignements de la réussite économique de Singapour pour assurer son propre essor et la prospérité de sa population.

L’auteur – et il n’est certes pas le seul ! – attribue une part essentielle du formidable développement de Singapour à l’exceptionnelle personnalité de son ancien Premier ministre Lee Kuan Yew, un juriste, mais il s’empresse d’ajouter que ce dernier n’agissait pas seul. Son bras droit, le docteur Goh Keng Swee, une fois l’exclusion de Singapour hors de la Fédération malaise consommée, fut l’architecte de la fabuleuse croissance économique de la cité-État insulaire, croissance à laquelle il accorda la priorité absolue et dont nul autre objectif ne pouvait, selon lui, détourner son pays.

Rik Ghesquiere rappelle que les Flamands sont connus pour être des travailleurs et des épargnants. À Singapour, on épargne toutefois encore beaucoup plus : de 2010 à 2014, le pourcentage d’épargne s’éleva en moyenne à 53 % du PIB, laissant ainsi à la disposition de l’État des moyens considérables pour investir dans de nouvelles infrastructures et dans le soutien à l’économie domestique. Épargner et investir contribuent plus à la croissance économique que la consommation.

Quelle est la part de la nature et de la culture dans cette prédisposition pour l’épargne ?

Le débat est ouvert. Toujours est-il que les citoyens ne sont pas les seuls à épargner à Singapour. Les entreprises et l’État font de même, les premières afin de se moderniser et d’améliorer leur productivité, le second afin de garder des finances publiques saines.

Qu’il suffise de noter que les dépenses publiques n’ont représenté, de 2011 à 2015, que 16 % du PIB de Singapour (5,6 millions d’habitants) alors qu’elles atteignirent 52 % du PIB de la Belgique (11,35 millions d’habitants dont 6,5 millions dans la région flamande). Selon Rik Ghesquiere, la différence réside dans le choix radicalement différent que les deux États ont posé en matière de sécurité sociale, un secteur en grande partie privé à Singapour.

Il va sans dire qu’à Singapour, le personnel politique et les fonctionnaires sont peu nombreux. Ces derniers sont fort bien payés (de manière à attirer des talents et à décourager toute corruption car cette dernière entraînerait pour ceux qui s’en rendraient coupables la perte de leurs fonctions et de leurs avantages dont une retraite confortable) et ils sont évalués sur base de leurs performances.

Discipline, esprit de compétition, méritocratie : ces qualités peuvent paraître surannées à beaucoup, mais que l’on y réfléchisse, ne sont-elles pas précisément, fait remarquer Rik Ghesquiere, celles qui caractérisent, dans le sport, les équipes qui gagnent ? Et que l’on ne s’y trompe pas : quand, en 1959, la Grande-Bretagne dote Singapour d’une Constitution propre et que Lee Kuan Yew devient Premier ministre, le chômage y est fort répandu. À peine 12 ans plus tard, y règne le plein emploi et la main-d’œuvre y est devenue rare. D’emblée, Singapour entend se développer dans le délai le plus court possible.

La République de Singapour est-elle unique en son genre ? Son modèle est-il transposable à la Flandre, la Région flamande de la Belgique, voire à la Belgique elle-même, ou à tout autre pays d’Europe ?

Ce sera le thème d’un second article consacré à cet éminent ouvrage de l’économiste belge Rik Ghesquiere, Ochtendrood in avondland, dont le seul défaut, pour ceux qui ne parlent pas la langue, est qu’il n’ait été publié uniquement – jusqu’à présent – qu’en néerlandais. Gageons que l’auteur y remédiera.

Cet article a été publié une première fois le 4 février 2018

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  • « Et si on s’inspirait de Singapour ? »
    Une « démocratie autoritaire » ? Ah oui, pour le (pure) libéral, le mot « libre échange » suffit à son bonheur et faire oublier tout le reste…
    Le succès de la Chine ? Mais c’est nous, les libéraux !….

    • Pour la démocratie autoritaire sans réussite économique, la France ne se classe pas mal non plus…

    • Balancer l’exemple singapourien par dessus bord en arguant que ce serait une « démocratie autoritaire » (termes que l’auteur de l’article ignore d’ailleurs) c’est un peu court. Singapour est une démocratie et l’a toujours été, avec des élections libres. Alors certes Lee Kuan Yew ne faisait guère confiance aux communistes et a beaucoup lutté contre eux. C’était un homme sage.
      Lui reprochez vous son autoritarisme pour avoir interdit le chewing gum parce que des sales gosses s’en servait pour bloquer les portes du métro tout neuf ? Outre que ça ne fait de lui qu’un dictateur anecdotique, il n’y a aucune liberté à saloper.

      • C’est le libéralisme bon teint, métropolitain qui m’agace ! Il est évident que Singapour est une nation avec un état « fort » qui s’exerce sur un territoire délimité. Où est la différence avec la Russie ? Mais pourtant, le fait que c’est une ville qui donc pratique massivement le libre échange (et pour cause !) permet à l’auteur d’accaparer au nom du libéralisme les avantages du système singapourien.

        Singapour au milieu d’un vaste territoire serait quoi au nom de Godefridi ? Un pays monstrueusement fermé (parce que le pouvoir central ne voudrait absolument pas que s’y installe des concurrents), autoritaire (bien sûr, la visibilité du pouvoir semble moins visible dans une ville que dans un état avec de nombreuses petites villes qu’il faut garder sous contrôle), sans compter non plus le principe des transferts entre la capitale et les régions (impôts). Et sans oublier la présence d’une armée pour défendre les frontières mais dont les buts sont forcément doubles (défendre ou attaquer) contrairement à une police qui reste toujours une force intérieure.

        Godefridi résume le monde aux mégalopoles – cela me gène.

      • @amike
        « Un pays monstrueusement fermé (parce que le pouvoir central ne voudrait absolument pas que s’y installe des concurrents), »
        Le libre échange a fait la bonne fortune de Singapour, pourquoi voudriez-vous que ce pays change de politique si sa taille géographique augmentait?

  • Le culte de l’état est tel en Europe que la notion d’épargne est en train de disparaitre.
    En effet, pourquoi épargner alors que l’état doit toujours être là pour nous aider en cas de coup dur.
    Du coup, il n’ y a plus de monnaie digne de ce nom, plus de patrimoine significatif pour les particulier,plus d’investissement pour les PME
    Maintenant tout est dans le prélèvement obligatoire, dans la création monétaire, le crédit et le déficit, et ça ne marche pas.

    • En plus de toujours être là pour nous aider en cas de coup dur, il est aussi bien présent quand tout va bien, mais pour ponctionner.
      Bien sûr, l’un ne va pas sans l’autre, mais beaucoup l’oublient.

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