Par Francis Richard.
Du samedi 1er juillet 2017 au samedi 26 août 2017, pendant neuf semaines, Sylvain Tesson a passé Un été avec Homère en compagnie des auditeurs de France Inter.
Le livre qui porte ce titre est fait, comme les précédents de la collection, des retranscriptions des émissions. Pour l’écrire, l’auteur s’est mis en situation :
Pendant un mois j’habitais un pigeonnier vénitien posté au-dessus de l’Égée, sur l’île de Tinos, face à Mykonos.
S’il l’a fait c’est qu’il croit à la perfusion de la géographie dans nos âmes…
Peu lui importe qui écrivit L’Iliade et L’Odyssée, ce qui lui importe c’est qu’il donne leur chance aux hommes de comprendre comment ils sont devenus ce qu’ils sont :
Dans la pensée antique, on est de quelque part et l’on est de quelqu’un.
On est bien ancré sur Terre : Pourquoi espérer l’au-delà au lieu d’accomplir passionnément son chemin d’humain dans la panoplie du réel dévoilé par le soleil ?
Le nom de la vertu
C’est ici et maintenant que l’on peut trouver la vertu, à laquelle Homère donne un nom :
Pour le poète antique, ce qui est présent dans la lumière réelle, ce qui se dévoile dans sa vérité, c’est le divin (qui peut qualifier des princes comme des gueux…).
À la lecture des deux poèmes homériques, qui sont chants du dépassement, se dessine le portrait du héros grec qui est force et beauté (la double grâce du muscle et de l’esprit) et pour qui l’affaire majeure est la gloire.
Il s’agit pour le héros grec de devenir le meilleur de tous. Toutefois, si cet homme de l’éclat est saisi par la démesure, l’hubris, cela peut le conduire à vouloir trop réussir sa mort et à rater ce qui la précède, c’est-à -dire la vie :
Pour les grecs homériques, les termes de l’équation sont la bonne vie d’un côté et le renom de l’autre.Â
De nos jours, cet objectif aristocratique est incompréhensible pour ceux qui ont pour seule ambition d’être une victime et ne conçoivent pas que la blessure d’honneur puisse s’avérer la plus grave de toutes…
Portrait du héros grec
Le héros grec se caractérise aussi par :
– la curiosité et, à son instar, l’homme européen a fouillé le monde. Mieux ! C’est lui qui a manifesté un intérêt pour ce qui était autre que lui-même ;
– l’acceptation de son sort qui ne signifie pas résignation ;
– le fait d’endosser sa part de responsabilité (les dieux interventionnistes ont la leur) et d’assumer ses actes.
En effet le héros grec aurait la liberté de se comporter dignement dans sa parenthèse de vie, y exprimant au mieux son savoir-vivre et son savoir-mourir.
Si, à l’époque homérique, les dieux règnent sur les humains en les faisant se déchirer, aujourd’hui les puissants ont intérêt à ce que les hommes se battent : c’est pourquoi L’Iliade, poème de guerre, sonne actuel.
Si, à l’époque homérique et naguère encore, les paroles séduisaient, aujourd’hui l’esprit des mots ne meut plus le corps des masses. Les images les ont supplantés…
Sylvain Tesson, pessimiste, écrit : Il semblerait que l’homme ait réuni toutes ses forces pour remporter la lutte contre le monde. C’est sans doute un faux-semblant et lui prêter plus de pouvoir qu’il n’en a…
Quoi qu’il en soit, puisse sa recommandation, toute en nuances, être entendue :
Mieux vaut tout embrasser que tout vouloir séparer. Et reconnaître la diffraction du monde au lieu de chercher à unifier et, pis ! à tout égalitariser.
Sylvain Tesson, Un été avec Homère, 256 pages, Équateurs
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Je l’ai écouté sur France Culture et il est passionnant! Merci, M. Sylvain Tesson.
Aujourd’hui le Grec est un semi-truand qui vit sous la coupe de la Troïka.
Sic transit gloria mundi.
Ce qui n’empêche que ce livre de Tesson est, comme souvent, passionnant.