Le visage est-il le reflet de l’âme ?

Notre visage est-il le reflet de notre identité ? Peut-on imaginer vaincre les apparences au-delà de cet attribut bien aléatoire et bien fragile ? Que se passe-t-il lorsque celui-ci est ravagé du jour au lendemain ?

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Le visage est-il le reflet de l’âme ?

Publié le 10 juin 2018
- A +

Par Johan Rivalland.

Ce qui m’a intrigué et attiré vers la lecture de ce roman de la jeune écrivain Clarisse Gorokhoff est son essence atypique.

Ava, assez jolie jeune femme même si elle déplore sa forme de beauté assez « lisse », se fait agresser sauvagement par un inconnu dans une petite cour d’immeuble à Paris. Celui-ci lui détruit littéralement son visage.

Là où on pourrait s’attendre à la situation classique et bien naturelle de la souffrance, du désespoir, de la vie brisée, on assiste de manière paradoxale, à l’inverse, à une forme étonnante et inattendue de « renaissance ». Jusque-là, Ava éprouvait comme une sorte de difficulté à s’approprier son propre visage, à assumer cette divergence entre son caractère intime et cette apparence somme toute assez banale. En outre, ce visage représentait comme une forme d’héritage lourd à assumer de cette mère pour laquelle elle éprouve une grande détestation. C’est pourquoi, par un fait extraordinaire, elle vit comme une libération le fait d’être défigurée.

Là où tout le monde la voit à présent comme un monstre et détourne le regard, et où médecins comme entourage mettent tout en œuvre pour tenter de la « réparer », elle, se sent au contraire revivre et se complait dans cette nouvelle apparence, qui lui offre un autre regard à la fois sur elle-même, sur les autres, mais aussi sur le monde tel qu’il fonctionne.

S’affranchir de sa prédétermination

Le thème ne pouvait donc que m’attirer, m’intriguer, me donner envie de découvrir les ressorts de cette philosophie de vie bien peu commune et de cette force de caractère du personnage d’Ava.

En outre, le style d’écriture de l’auteur est agréable, de qualité, maîtrisé. Et le savoir-faire en matière d’écriture de roman, d’art de vous captiver, de mener l’intrigue, accompli.

Au-delà de la réflexion philosophique sur les thèmes de l’apparence, du corps et plus spécifiquement ici du visage, l’auteur va nous amener plus loin. Que révèle ou que cache cette fascination d’Ava pour l’événement somme toute assez morbide qu’elle a vécu ? Qu’est-ce qui peut expliquer cette force de caractère et cette capacité peu commune à vivre ce drame comme une forme de délivrance ? Et le personnage sort-il réellement si indemne et si grandi de cette situation ?

Un roman qui va nous mener vers les cimes de l’inconnu, les frontières de la raison, le désir de vivre, mais peut-être aussi vers les terribles affres de l’extrémisme de certains mouvements sectaires, le chaos et le néant, les paradoxes de la singularité.

Une forme de réflexion sur le piège des apparences, des conventions et mondanités qui parfois nous emprisonnent malgré nous, sur la question fondamentale de la liberté, de l’identité, de l’émancipation.

Une fin un peu surprenante et peut-être un peu décevante, mais qui ne doit pas ternir l’idée générale et l’invitation à la réflexion. Un roman étonnant, qui peut dérouter. Une invitation à porter un autre regard sur les choses et le quotidien.

  • Clarisse Gorokhoff, Casse-gueule, Gallimard, mai 2018, 240 pages.

Voir les commentaires (0)

Laisser un commentaire

Créer un compte

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Il n'est jamais très agréable de se voir accusé de piétiner les valeurs pour lesquelles on professe le plus indéfectible attachement. Des valeurs issues du mouvement émancipateur des Lumières contre l'absolutisme royal qui ont fondé à jamais notre existence politique et économique contemporaine. Des valeurs si précieuses pour le développement humain et la reconnaissance des droits naturels des individus qu'elles ont rapidement traversé l'océan Atlantique pour présider à la fondation des États-Unis d'Amérique, puis éclairer le monde à travers ... Poursuivre la lecture

Les réflexions pleines de pertinence et de bon sens d’un esprit libre et empli de courage.

Il est question ici de courage, d’ignorance, de servitude heureuse, de bêtise. Autant de sujets que nous avons eu à plusieurs reprises l’occasion d’aborder ensemble.

Après une entrée en matière non dénuée d’ironie et agrémentée de treize citations d’une grande profondeur, c’est avec le sens de la dérision que Boualem Sansal donne le ton du livre, avec « en guise de préambule, une interview qui n’a pas eu lieu et qui, normalement, jamais ne pourra... Poursuivre la lecture

2
Sauvegarder cet article
Le pacifisme affiché de certains partis politiques n’est qu’une posture masquant leur haine de la liberté. En France, le Rassemblement National (RN) et La France Insoumise (LFI) sont les principaux adeptes de la paix en Ukraine à n’importe quel prix. La similitude avec la précipitation de Trump est troublante. La ressemblance avec le pacifisme de l’extrême-gauche des années 1970-80 interroge. « Plutôt rouges que morts » clamaient-ils. Faut-il aujourd’hui être plutôt trumpien et poutiniste que courageux ? Les mensonges des ennemis de la liberté <... Poursuivre la lecture
Voir plus d'articles