Fake News : la vraie information risque aussi d’être menacée

Fake news : les médias seraient-ils si peu compétents et pugnaces qu’il conviendrait de les priver d’une part essentielle de leur utilité démocratique ?

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Fake News : la vraie information risque aussi d’être menacée

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 8 juin 2018
- A +

Par Philippe Bilger.

On n’est pas obligé d’aimer les médias pour les défendre et préférer une démocratie imparfaite à une démocratie mutilée.

On n’est pas obligé de tout aimer chez ce président de la République et de ses desseins transparents ou obscurs.

Comment Emmanuel Macron si sensible à la symbolique du pouvoir et à la fraîcheur d’un « nouveau monde » pour vivifier un monde conventionnel et corseté a-t-il pu inspirer la proposition de loi sur les fake news – paraît-il, « relative à la lutte contre les fausses informations » – déposée par le groupe LREM à l’Assemblée nationale (Le Point) ?

On a beau tourner et retourner la question dans tous les sens, ce qui se prépare à partir du 7 juin sera un mauvais coup porté à la liberté d’expression et le signe calamiteux d’une autorité présidentielle ajoutant aux interdictions de l’esprit au lieu de, sinon les réduire, du moins les laisser dans leur état actuel qui est largement suffisant pour prévenir ou réprimer d’intolérables dérives ou abus tenant, cela se peut, à une information dévoyée ou à une parole consciemment mensongère. Quel déplorable message adressé à la société par ce pouvoir qui se veut moderne et ouvert avec cette fermeture de frilosité purement conjoncturelle si on y regarde bien !

Causes désespérées

Comment Benjamin Griveaux auquel on confie la charge de persuader et de convaincre dans des causes parfois désespérées a-t-il osé déclarer que cette proposition de loi permettra « de mieux exercer la démocratie » ? Je sais bien que le propre de la politique est d’avoir l’audace de proférer des contre-vérités tellement massives qu’elles pourraient, pour les citoyens inattentifs ou négligents, dissimuler la vérité elle-même mais il ne faut pas en abuser.

L’opposition résolue des Républicains, de la France insoumise et du Rassemblement national, pour une fois, ne consacre pas la manifestation d’une contradiction seulement partisane mais celle d’une résistance légitime à un empiètement de l’État sur nos libertés en y incluant celle des médias.

Avons-nous besoin qu’on nous dorlote, qu’on nous aménage une démocratie prétendument plus confortable, mieux adaptée à nos humeurs et à nos désirs alors qu’en fait elle ne sera taillée, avec cette proposition de loi, qu’aux mesures d’un pouvoir qui fait passer ses ressentiments précis et circonstanciés pour l’intérêt général ?

Définition problématique de la fausse information

Que signifie ce charabia par lequel la commission des Affaires culturelles s’efforce de définir la fausse information qui serait « toute allégation ou imputation d’un fait dépourvue d’éléments vérifiables de nature à la rendre vraisemblable » ? Calquée sur l’énoncé de la diffamation, cette définition est le triomphe du flou avec « dépourvue d’éléments vérifiables » et « de nature à la rendre vraisemblable « . Elle montre, par l’incertain et le vague des notions qu’elle enferme, comme il a été malaisé, et pour cause, de dégager des prescriptions solides et évidentes pour tous.

Le magistrat qui aura la charge de statuer dans le délai de 48 heures, avant même cette obligation de précipitation, sera confronté à l’impossible mission d’éclairer des concepts relevant plus du café du commerce ou de discussions familières que d’une analyse juridique avec ce que cette dernière aurait dû imposer.

On perçoit bien le dessein pervers qui est au cœur de l’initiative portée par un groupe tellement majoritaire qu’il s’estime délié du souci de réfléchir sur les décrets présidentiels. Les députés de LREM prétendent qu’il convient d’adopter une nouvelle loi pour battre en brèche le poison des réseaux sociaux, les possibles fausses nouvelles qui gangrènent la vie politique, le sort des personnes, le climat civique.

Atteintes au pluralisme et à l’ouverture

Alors que ces dysfonctionnements et ces excès ne sont que la rançon d’un pluralisme et d’une infinie ouverture positifs et que supprimer les premiers reviendra à blesser et à amputer les seconds.

D’autant plus que les armes sont là, à la disposition des juges – et, parfois, ils s’en servent trop volontiers – pour réprimer ce que la loi déjà interdit. Les médias seraient-ils si peu compétents et pugnaces qu’il conviendrait de les priver d’une part essentielle de leur utilité démocratique consistant précisément à exclure le faux, l’invraisemblable, le non vérifiable et le mensonge ?

S’arroger le droit de mettre la lourdeur et la malignité de l’État dans un dispositif qui tant bien que mal – au sens propre – donne satisfaction, conduira en réalité à toucher le coeur même de l’information, les news encore plus que les fake news.

Je ne parviens pas – sans doute suis-je impudent dans ce rapprochement – à dissocier l’exploitation vulgaire des séquences privées et publiques validées par le couple présidentiel et confiées à Mimi Marchand de ce traquenard législatif voulu par le président et qui sera un désastre pour la démocratie n’ayant pas besoin de se nommer « nouvelle » pour que son sort nous préoccupe.

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  • La législation anti « Fake News ».
    Une proposition de loi qui « permettra de mieux exercer la démocratie ».
    Mais, Monsieur Bilger, pourquoi s’en offusquer puisque, depuis l’avènement de la Vème République, la France n’et qu’une pseudo-démocratie.
    Une pseudo-démocratie dans laquelle les anciens élèves de L’École Nationale d’Administration Bonapartiste – l’ENAB – ont le pouvoir de tout décider dans les domaines de la politique et de l’économie…
    De fait, pour les français, la seule consultation électorale qui vaille consiste, tous les 5 ans, à se prononcer sur le choix du titulaire des pouvoirs proconsulaires…

  • ce pouvoir qui se veut moderne et ouvert cherche tout simplement à museler les vérités et réalités de ce qu’il se passe dans le monde des politiciens et technocrates ;

  • Et quand un budget se révèle insincère, le budget officiellement équilibré est-il une fake news ?

  • Il y a bien longtemps déjà que les médias Français n’ont plus d’utilité démocratique. Leur seule utilité est aujourd’hui néfaste à la société à tout point de vue. De la à imposer une utilité « Publique » il y a un chemin que la Moralité ne peut pas accepter.
    Depuis de longues années la France n’est plus une démocratie, d’ailleurs est-ce qu’une République est quelque part une démocratie ? Hélas la situation de fait que s’aggraver au même rhytme que les prélèvements de toute nature et par conséquence directe les incivilités jusqu’au jour ou les armes parleront ce qui revient de plus en plus souvent d’ailleurs. L’imbécilité de notre classe politico-administrative est à un point de non retour. La situation ne peut que s’aggraver jusqu’à l’explosion finale.

  • « toute allégation ou imputation d’un fait dépourvue d’éléments vérifiables de nature à la rendre vraisemblable »
    Si au moins la propagande éhontée sur le 80 km/h « qui sauve des vies » sans le commencement du début de la moindre preuve pouvait passer à la trappe, on pourrait applaudir… Hélas je ne suis pas sûr que nous soyons tous égaux face à cette loi.
    Le magistrat Bilger a-t-il un avis sur la question ? Pourrons-nous attaquer l’Etat ?

  • Nous sommes dans le roman « 1984 » de G Orwell avec Big brother et le ministère de la vérité .
    Nous avons déjà la novlangue (le « en même temps »), la ministre de la culture a déclaré qu’elle voulait une télé qui rééduque les Français, alors on continue dans la mise en place d’une dictature!!!

  • L’expression doit être libre (évidemment à l’exception de la diffamation, etc.). Il appartient aux gens de faire le tri entre le vrai, le faux et le vraisemblable. Ainsi des idées contradictoires doivent pouvoir circuler librement sans qu’un Ministère de la pensée correcte n’intervienne. On doit pouvoir être libéral ou socialiste, favorable à l’islamisation ou pas, pour une éducation de qualité ou pas, etc, etc.
    Je suis scandalisé par l’idée qu’on puisse légiférer sur ce qui est juste ou faux. Big Brother n’est pas loin… Macron est-il devenu un admirateur de Kim Yong Un? Surveillons le style de sa coiffure.

  • il y a longtemps que nous sommes dans une dictature de pouvoir qui nous impose nos libertés comme bonnes et celles que l’on voudrait comme néfaste !
    avec cette loi le mensonge absolu venant des dirigeants quels qu’ils soient fera loi , et couvrira leur incompétence et le reste avec journaux et medias a la botte ! !

  • il n’y a qu’a voir comment , dans quelle condition, et par qui mr macron qui n »avait ni parti ni finances a été porté a la présidentielle par la grande finance et élu ; après promesses, mensonges, et ne parlons pas des fameuses « fake news » ayant bordé son parcours .La manipulation est simple la presse écrite doit lui consacrer de nombreuses unes, notamment la presse féminine, et la presse destinée aux jeunes. La télévision doit le présenter comme le gendre idéal. Les patrons de presse créaient des groupes de travail uniquement dédiés à l’image et à la communication Macron.
    l’historique expliqué , daté au pas a pas existe sur le net!
    Bolloré a eu cette réflexion :
    « Puisque la mode est aux couguars et aux MILF mettons sa couguar à la une, c’est tendance, les jeunes vont aimer ! ».
    ou encore:
    Fin avril 2016 Edouard Philippe maire du Havre est invité par De Castries et Bolloré, à Paris, ces derniers lui demandent de soutenir Macron puis après qu’il se fut rangé a leurs désirs ils invitent le futur « premier ministre » à la réunion Bidelberg qui se tient du 10 au 12 juin 2016 à Dresde. avec Christine Lagarde, Baroso et d’autres financiers.
    A l’issue se tient une autre réunion à Berlin où il est décidé de faire de Macron le Président de la France. Sont présent des financiers, le directeur de la BCE, Drahi, Bolloré, Bergé et surprise : Mr Louvel Président du Conseil supérieur de la Magistrature. Ils sont rejoints le temps d’un dîner par Madame Merkel.
    Dans le même temps, il faut penser à décrédibiliser Hollande, un débat aura lieu le 14 avril 2016 sur France 2.
    Les patrons de presse font pression sur Michel Field, patron de l’info du groupe France Télévision, pour que ce soit Léa Salamé, journaliste aux dents longues, multimillionnaire par son mariage et bobo moraliste qui anime le débat.
    Le 14 avril 2016 elle fait son effet et François Hollande ne sera pas épargné.
    Des rendez-vous sont pris par des informateurs dépêchés par les grands groupes de presse avec des journalistes du Canard Enchaîné et de Médiapart, journaux qui ont vu leurs subventions augmenter en 2017, comme par hasard.
    De l’autre côté, ordre est donné d’axer sur le FN, sachant que lors d’une confrontation Macron Le Pen, Macron serait élu. La Machine médiatique est en route, les magistrats sont dans la course ; peu importe si cette campagne est nauséabonde, mais Macron doit sortir vainqueur coûte que coûte.
    Lors d’une entrevue, entre Macron, Drahi, et Bolloré, Drahi dit à Macron :
    « Ne brusque pas les français, dis-leur ce qu’ils veulent entendre, ce sont des veaux, ils veulent une idole, un homme providentiel, ils sont dans le délire présidentialiste. Ils haïssent les gens qui réussissent et gagnent de l’argent, ils veulent que tu sentes le pauvre. Sache les séduire et les endormir et nous aurons ce que nous voulons. (citation exacte)
    alors ceux qui nous gouvernent sont les champions de ce qu’ils veulent interdire
    « Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes »
    Bossuet.
    vont ils interdire tout ce qui ne leur est pas favorable lentement a dose homéopathique mais c’est certain !

    • Hollande n’avait pas besoin d’être décrédibilisé, il s’était lui même. C’est Fillon qu’il fallait éliminer, les media s’en sont chargé!

  • Aux armes citoyens…

  • Ce n’est pas qu’elle le risque, elle le sera! Ainsi sur le glyphosate, le réchauffement, le bio, etc… Tous les sujets à controverse seront orientés car on interdira les critiques en les qualifiant de fake news!

  • Si le prétexte à cette loi est le pseudo compte Bahamas je ne serais pas étonné que la source de cette rumeur soit venue de l’ entourage du Président avec ou sans son consentement donc ça ne viendrait pas de certains médias lesquels auraient été piégés comme Marine lp parait il
    Maintenant qu’ ils placent leur Loi , une petite revanche , de plus le 4emePouvoir regagne encore un peu de terrain perdu vu qu’il s’est fait surprendre par internet n’ y étant pas préparé .
    MORILLE Alain

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