Par Thierry Godefridi.
Dans le Financial Times du week-end, Gideon Rachman qualifiait d’« unilatéralisme agressif », la décision de Donald Trump de faire cavalier seul et de retirer les États-Unis de l’accord multilatéral avec l’Iran visant à en restreindre les ambitions nucléaires en échange d’un retour dans le système économique mondial. « L’Amérique peut-elle se permettre de régenter les affaires du monde sans l’appui d’alliés ? », s’interrogeait le spécialiste ès affaires étrangères du grand quotidien d’affaires dans son article intitulé « Le nouveau désordre mondial ».
L’exercice unilatéral de la puissance des États-Unis est une idée chère à John Bolton, promu le mois dernier au poste de conseiller à la sécurité nationale des États-Unis, lequel, rappelait le journaliste, avait estimé en 2000 que la présence d’un seul membre permanent au Conseil de Sécurité de l’ONU refléterait mieux le rapport des forces au niveau de la planète…
Donald Trump prit sa décision concernant l’Iran en balayant les objections de la France, de l’Allemagne et de la Grande-Bretagne, toutes les trois économiquement engagées dans ce pays. Cette décision unilatérale du président américain fait suite à ses décisions de même nature de dénoncer l’accord de Paris sur le climat, de déménager l’ambassade des États-Unis en Israël à Jérusalem, de dénoncer des accords commerciaux et de lever des droits d’entrée exorbitants, non seulement vis-à -vis de la Chine mais aussi du Canada, du Japon, de l’Union européenne.
« Ce n’est plus « America First », c’est « America Alone » ! », résumait Gideon Rachman. En est-on si sûr ?
Sur le plan géopolitique, la décision du président des États-Unis est soutenue par Israël et l’Arabie saoudite pour des raisons qui leur sont propres. Si Donald Trump, fidèle au jusqu’au-boutisme qui caractérise sa manière de négocier un marché, parvenait à obtenir des concessions de la part de l’Iran, ses fans de la première heure y verraient une nouvelle démonstration de sa maîtrise de l’art du deal.
À défaut, les faucons parmi ses conseillers ainsi que ses alliés de circonstance saisiront peut-être l’occasion pour faire la guerre à l’Iran et tenter d’y provoquer un changement de régime et, le cas échéant, ce ne serait pas la première fois que des pays européens s’abstiendraient de suivre les États-Unis dans une aventure guerrière.
Sur le plan économique, c’est plus compliqué. Que les Européens acceptent ou non d’être liés par la décision politique du président Donald Trump à l’égard de l’Iran, ils n’échapperont probablement pas à l’« unilatéralisme agressif » des États-Unis et ce pour des raisons qui sont au coeur même du dispositif de la puissance américaine.
En effet, cette puissance se projette largement au-delà de leurs frontières. Si les États-Unis prenaient des sanctions économiques à l’encontre de l’Iran, ils pourraient commodément les faire respecter par les entreprises européennes, par exemple en les contraignant à choisir entre les marchés américain et iranien, en arrêtant, dès qu’ils entreraient sur le territoire américain, les dirigeants des entreprises qui enfreindraient les dispositions prises, en gelant leurs avoirs américains, en excluant du système financier américain les banques qui entretiendraient des relations avec l’Iran, en les soumettant à des poursuites judiciaires ainsi qu’à des amendes colossales.
« America Alone », c’est donc bien aussi « America First », car déstabiliser les activités d’entreprises étrangères, c’est une manière de servir les intérêts de ses entreprises nationales…
C’est là une facette du « privilège exorbitant » (suivant la formule de Valéry Giscard d’Estaing) que, en plus de leur puissance économique et militaire, le dollar, monnaie de réserve mondiale, confère aux États-Unis qui disposent d’un formidable pouvoir de coercition sur leurs partenaires et leurs adversaires.
Que l’on se souvienne des cas, cités par Gideon Rachman dans son article du FT, de l’oligarque russe Oleg Deripaska et de son groupe Rusal, avec lesquels entreprises et banques européennes se sont vu obligées de rompre toutes relations, voire des dirigeants de la FIFA (la fédération internationale de football) qui furent arrêtés en Suisse en 2015 et extradés vers les États-Unis pour y répondre de charges de corruption, dans la mesure où ils firent usage de comptes bancaires qui y étaient logés.
La Russie et la Chine en ont tiré les conséquences et ont évoqué la constitution d’un nouvel ordre économique en vue de soustraire les échanges internationaux au dollar et d’échapper à la juridiction américaine. Si la monnaie chinoise n’est pas encore parfaitement convertible, rappelons que Russie et Chine sont convenues que les achats chinois de pétrole russe s’effectueront en yuans. Gageons que les Iraniens, dont l’économie était en plein boom depuis la conclusion de l’accord dénoncé par le président Donald Trump, écouleront leurs surplus de pétrole de la même manière.
Quant à l’Union européenne, il serait temps que ses membres tirent eux aussi les leçons du nouveau paradigme géopolitique, qu’ils resserrent les rangs autour d’un projet de démocratie responsable et d’économie de marché, donnant libre cours aux énergies entrepreneuriales, seules sources plausibles de création de richesses, afin de réaliser le potentiel économique de l’énorme marché intérieur, qu’ils s’en tiennent à leurs prérogatives régaliennes et assurent l’indépendance de l’Union européenne ainsi que la sécurité et la défense de ses citoyens.
apparemment , l’Inde et la Russie se préparent à contourner les sanctions américaines ; j’ose espérer que l’UE va se prendre en main , s’il ne le font pas cette fois ci , autant dire que cette Europe tant vanté sera foutue ;
Total se retire du projet en Iran…
Sur le plan économique, c’est pas compliqué, mais pas compliqué du tout du tout comme choix pour les Européens.
Les USA c’est 24% du PIB mondial et le premier loin devant le 2eme.
L’Iran c’est 0,4% du PIB mondial et le 30 eme…
Vous voyez un choix compliqué là dedans?
Ajoutons que si les accord commerciaux avec l’Iran sont important avec la France, l’Allemagne ou l’Angleterre qui n’est déjà plus européenne, la majorité de tous les autres pays d’Europe n’ont rien a foutre de se désengager de l’accord Iranien.
il y a tout de même un choix, même si les chiffres de l’économie sont ce qu’ils sont : faire des affaires avec des “US persons” ou en utilisant le dollar, ça signifie tomber sous le coup de la loi US, quel que soit l’endroit où ces affaires sont faites. Ce qui signifie prendre un risque juridique.
Pour l’instant, la plupart des entreprises suivent… est-ce que ça va durer ?
De démocratie responsable alors que nos libertés sont bafouées et réduites par des politiciens liberticides?
La Russie est un nain économique et la Chine un pillard qui ne respecte pas les règles afin de plumer les richesses occidentales. Comment créer un autre ordre?
Un projet de démocratie responsable et d’économie de marché est pourtant ce qui manque le plus à l’Europe, elle qui préfère le suicide culturel à coups de prétendues avancées sociales marquées par la haine de soi et par une déstabilisation migratoire insensée, le suicide économique avec un socialisme de marché de plus en plus socialiste et qui, en fait de marché, est le royaume de la spoliation fiscale sans borne agrémentée d’une connivence étatique éhontée, et enfin le suicide diplomatique en soutenant systématiquement les causes à travers le monde dont la profession de foi commune exige sans fard la destruction de tout ce qui avait fait l’originalité, l’intelligence, la force et la beauté de l’Europe.
Empêtrée dans sa troisième tentative de suicide en un siècle, tentative plus subtile que violente cette fois-ci, du moins pour l’instant, mais tout aussi efficace, l’Europe se marginalise elle-même. Il semble un peu vain d’espérer quoi que ce soit de cette Europe déjà pratiquement condamnée.
La dénonciation de l’unilatéralisme des USA est stupide. Les USA ne peuvent tout simplement pas compter sur une Europe qui a décidé d’en finir.
Ceci dit, les USA semblent gangrenés par les mêmes maux. Si jamais cette tendance malheureuse se confirmait, il n’y aurait plus personne pour venir sauver l’Europe d’elle-même.