Culture : les jeunes à l’ère numérique

Les données des enquêtes Pratiques culturelles des Français laissent entrevoir une jeunesse contrastée, qui tire parti des opportunités des nouveaux médias pour apprendre, se construire et partager.

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Culture : les jeunes à l’ère numérique

Publié le 28 avril 2018
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Par Farid Gueham.
Un article de Trop Libre

« Le champ culturel n’est pas seulement le lieu de la détente et de l’absence de contrainte par rapport à l’école ou au travail, mais aussi, grâce aux technologies numériques qui permettent et favorisent l’expressivité, un lieu d’expérimentation de l’autonomie qui contribue à la construction identitaire des individus. Les liens entre culture, savoir et information méritent d’être relus à l’aune de cette mutation qui interroge les modalités de la transmission culturelle, souvent considérée comme en crise ». Sylvie Octobre, sociologue spécialiste des pratiques culturelles des enfants et adolescents, nous offre, sur la base des résultats de trois éditions de l’enquête « Pratiques culturelles des Français », une approche complète du rapport à la culture, pour une jeunesse native du numérique. Une génération trop souvent stigmatisée comme « jeunesse problème », mais qui serait également une « jeunesse ressource », riche d’une faculté d’adaptation et d’une réceptivité décuplées par les mutations qui la traversent, de l’ère médiatique à l’ère numérique.

La jeunesse n’est plus ce qu’elle était : des jeunesses sociologiquement plurielles

Le nombre de jeunes dans la population nationale diminue. Le taux de natalité français était de 20,6 pour mille en 1960, il chute à 12,6 pour mille dès 2009. Paradoxalement, la jeunesse de plus en plus rare, fait l’objet d’un intérêt et d’une attention décuplée « la littérature, mais aussi la musique et le cinéma regorgent d’images d’une jeunesse rebelle, en crise ou au contraire en repli, se cherchant, produisant de la culture ou en déconstruisant, perturbant l’équilibre des valeurs ». Sous l’influence des migrations successives, la jeunesse est également multiculturelle : du fait des migrations liées aux mutations économiques et géopolitiques, ce métissage représente 7,5% de la population en 1975, 8,5% dès 2008. Toutefois, il est étonnant de constater que les dimensions et les conséquences liées à l’immigration sont peu prises en compte dans les politiques publiques de la jeunesse, si ce n’est dans les quartiers dits « sensibles » ou dans les dispositifs de politique de la ville.

Les jeunes et le sentiment de déclassement : l’ascenseur social en question

« Les jeunes d’aujourd’hui sont-ils plus déclassés qu’auparavant ? Connaissent-ils tendanciellement un destin moins favorable que leurs aînés ? Comment distinguer le déclassement, de la peur du déclassement qui pèse sur les imaginaires des jeunes, et alimente un discours sur la panne de l’ascenseur social ? ». Pour Sylvie Octobre, il est frappant de voir qu’en France, les questions liées à la thématique de la jeunesse concernent la précarité et le déclassement lorsqu’en Amérique du Nord, on l’envisagera essentiellement sous le prisme du décrochage et de l’articulation entre études et insertion professionnelle.

Depuis la fin des années 70, la jeunesse s’est fragmentée, à travers ses trajectoires scolaires, universitaires et son insertion sur le marché du travail. Cette fragmentation isole : la prééminence est donnée à l’individu, à l’épanouissement personnel, à la valorisation de la liberté individuelle, et cette tendance influence aussi le rapport aux usages technologiques.

Des technologies de plus en plus individualisantes

Depuis les années 60, quatre vagues technologiques ont transformé le rapport des jeunes à la culture, sous l’influence du poids des industries culturelles : la généralisation des équipements audio-visuels dans les années 60-70, la numérisation des contenus dans les années 90, l’avènement du troisième âge médiatique grâce à la multifonctionnalité et aux appareils nomades et enfin le cloud et le big data, qui permettent la transformation des données en information et de l’information en connaissance.  « Le crowdsourcing peut être vu dans cette perspective comme le franchissement d’une étape supplémentaire : les usagers s’organisent sans se connaître pour collaborer dans la réalisation de tâches de tout type ».

Les contours de la jeunesse de l’ère médiatique à l’ère numérique

Comme autant de rites de passage, les usages et les modes de consommation de biens culturels sont de nouveaux repères : les pratiques et les consommations sont les nouveaux jalons qui délimitent les âges, nouveaux seuils de sortie de la jeunesse et du passage à l’âge adulte. « (…) Fin des études et passage à l’activité rémunérée, décohabitation et installation à un domicile propre, passage de la vie solitaire à la vie en couple. Ces seuils paraissent devenus une normativité excessive, parce qu’ils formatent nos représentations de la jeunesse en référence aux adultes », rappelle l’auteur.

Depuis la fin des années 2000, les jeunes présentent plusieurs traits pérennes, à commencer par une technophilie de principe, une préférence pour des médias expressifs, interactifs et innovants, un goût pour la sociabilité, les voyages et la découverte. La « culture jeune » des vingt dernières années est ainsi traversée par des lignes de changement, étroitement liées à l’environnement technologique et culturel.

Les quatre mutations culturelles de la jeunesse

Au centre du basculement numérique, un premier mouvement de cette mutation culturelle du jeune s’organise autour de la centralité de l’ordinateur et de tous ses corollaires smartphones et autres tablettes. Une centralité qui bouleverse les modes et le temps de consommation. Seconde mutation : la prise de distance des jeunes avec la culture scolaire et ses attributs, marquée notamment par une désaffection de la lecture.

Le goût pour le divertissement modifie également le rapport à la culture et « les moins de 30 ans ont adopté avec rapidité ces nouvelles propositions de loisirs, qui allient le ludique de l’enfance à la dextérité de la technologie (…) ». Enfin, la globalisation des industries culturelles participe à un cosmopolitisme esthétique et culturel croissant. Changement d’échelle et changement de posture culturelle : la proportion de jeunes regardant des programmes dans une autre langue que le français augmente considérablement depuis 1998.

Les données des enquêtes Pratiques culturelles des Français laissent entrevoir une jeunesse contrastée, qui tire parti des opportunités des nouveaux médias pour apprendre, se construire et partager, mais aussi une autre jeunesse, qui reste en retrait des nouvelles propositions culturelles. « Les jeunes d’aujourd’hui, qui se caractérisent par une plus grande mobilité culturelle que leurs aînés, vieilliront-ils avec cette plasticité ? Voudront-ils durablement faire des objets culturels des espaces de performance et de réalisation de soi, y compris dans les formes de mobilités identitaires similaires à celles qu’ils auront expérimentées durant leur jeunesse ? ».

Pour aller plus loin :

–       Enquête « les pratiques culturelles des français », culture.gouv.fr

–       « Le nombre de naissances en France a baissé pour la troisième année consécutive », lefigaro.fr

–       « Les jeunes dans une société multiculturelle », persee.fr

–       « Le déclassement des jeunes sur le marché du travail », Insee.fr

–       « Adapter le travail à une jeunesse fragmentée », lesechos.fr

–       « La tentation de l’individualisme », franceculture.fr

–       « Pratiques culturelles chez les jeunes et institutions de transmission : un choc de cultures ? », cairn.info

Sur le web

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  • Je suis frappé par l’espèce de confusion qui apparaît entre l’interactivité affichée de tous les divertissements qui passionnent nos jeunes et la passivité et le conformisme qui règnent en maîtres dans leur utilisation effective. Ca fait sans doute l’admiration des anciens moins captivés par la technologie et experts dans son usage, mais quand je vois la sortie du collège avec tous ces ados qui « interagissent » en pelotons serrés sur le trottoir tête basse les yeux rivés sur le smartphone, je suis plus inquiet qu’optimiste.

    • Ces ados « interagissant »les yeux rivés sur leur smartphone avec » une sorte d’hébétude » pour reprendre l’expression d’un brillant philosophe contemporain !

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