Marchés financiers : ce que cache la guerre commerciale

Marchés financiers : le marché haussier né en 2009 vit ses dernières heures.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Marchés financiers : ce que cache la guerre commerciale

Publié le 6 avril 2018
- A +

Par Régis Yancovici.

Quel changement de décor en quelques semaines ! « La Bourse de Paris au plus haut depuis dix ans » titrait Les Échos le 29 janvier 2018. Désormais, les investisseurs s’interrogent sur la poursuite de la tendance haussière entamée en 2009.

La raison du désamour semble bien établie. Les investisseurs craignent que la guerre commerciale déclenchée D. Trump mette un terme à la dynamique de croissance économique. Si les tensions commerciales s’amplifiaient, leur impact serait double. Dans un premier temps, elles auraient un effet inflationniste, les exportateurs cherchant à répercuter dans leur prix de vente la hausse des taxes. Ensuite, cette hausse de prix découragerait la demande. Il pourrait en résulter une stagflation, un fort ralentissement économique voire une récession.

Lorsque le sage désigne la lune, l’idiot regarde le doigt

Mais ce n’est pas notre scénario principal. Bien que la rhétorique et la méthode de Trump puissent faire craindre le pire, les intrications du commerce international sont telles que personne n’a intérêt à un embrasement. Un quart des biens américains sont importés et un tiers des profits des sociétés américaines proviennent de l’étranger. Aussi, je considère sa démarche comme une préparation aux élections de mi-mandat début novembre. Trump sait que ses électeurs, qui n’ont pas constaté d’amélioration de leur situation personnelle, n’ont pas oublié ses promesses de campagne.

Sa stratégie pourrait même connaitre quelques succès. Accepter un commerce plus équitable est une solution satisfaisante pour la Chine, dont la recherche de stabilité est un mantra. Jusqu’à présent, elle utilise abusivement son statut de « pays en voie de développement » pour imposer des transferts de technologie aux sociétés souhaitant se développer sur son marché. Elle aurait beaucoup à perdre. Il est donc probable de voir la Chine donner une victoire de façade à Trump dans les prochains mois. De plus, il est pour moi comme un évidence, qui ne peut être que partagée par les belligérants, que le chemin de la réduction du déficit sino-américain, s’il est réellement emprunté, passera par une ouverture du marché chinois aux productions américaines, plutôt que par une fermeture des frontières américaines aux produits chinois. Enfin, quoiqu’on pense de Trump, il ne s’agit pas d’un idéologue ou d’un dogmatique. Les tensions actuelles devraient trouver une résolution prochainement.

Faut-il se porter acheteur d’actifs risqués dans l’anticipation d’un dégonflement des tensions ? Je ne le crois pas. La guerre commerciale est l’écume qui cache la vague.

Les marchés financiers n’ont plus de moteurs pour les porter vers l’avant à court et moyen termes :

  • La croissance économique a dépassé son niveau d’accélération maximum. L’indicateur « Citi Europe economic surprises » est négatif pour la 1ere fois depuis près de 2 ans.
  • Les estimations de résultats des sociétés américaines du 1er trimestre ont d’ores et déjà été révisées fortement à la hausse. D’une hausse de 11.1% prévue fin décembre, elles sont désormais attendues en hausse de 17.3%. Il s’agira de la plus forte progression depuis le 1er trimestre 2011, au sortir de la crise. Il y a peu de chance qu’elles surprennent très favorablement. L’accélération bénéficiaire du début d’année est le reflet de la baisse d’impôt de Trump. Il s’agit donc d’un pistolet à un coup. La base de comparaison des trimestres suivant sera défavorable.
  • Les valorisations demeurent tendues, malgré leur baisse récente. En général, les valorisations se dégonflent durant des phases de resserrement monétaire.
  • Depuis les plus bas de 2016, les marchés américains avaient progressé de 50%. Des excès ont été commis tant en terme de performance que de volatilité. Ils doivent être corrigés.
  • Le secteur technologique adulé hier suscite maintenant le doute. Facebook, Tesla, Amazon subissent des remises en cause qui justifie des prises de bénéfices. Le secteur pèse près de 25% du S&P 500. 5 titres – donc 1% du nombre de titres – pèsent 14.4%, c’est-à-dire autant que la totalité du secteur industriel américain.
  • D’un point de vue graphique, la rupture de la moyenne mobile 200 jours par l’indice S&P 500 est de mauvaise augure. Cela n’était pas arrivé depuis mai 2016.
  • Le marché avance sans le filet de la Fed. Désormais contraint par sa logique de normalisation monétaire, la Banque Centrale américaine ne modifiera pas la trajectoire de sa politique sauf en cas de chute des marchés. Force est de constater que la baisse de 10% du S&P500 depuis les records atteints le 26 janvier ne l’a pas fait broncher.

En résumé…

Je maintiens un message de grande prudence pour les semaines et les mois à venir. La probable embellie en cas de résolution des différends commerciaux ne devra pas induire en erreur. Elle sera une nouvelle occasion de réduire les positions à risque – actions et obligations high yield. Une nouvelle vague de baisse qui porterait la baisse total à environ 20% est attendu. Le marché haussier né en 2009 vit ses dernières heures.

La situation actuelle présente quelques troublantes similitudes avec 1987. Comme en 1987, l’inflation augmente, les rendements se redresse, les investisseurs sont largement sur-investis en actions et le dollar est faible. En 1987, la technique de l’assurance de portefeuille a poussé des investisseurs à vendre dès lors que la baisse atteignait un certain niveau. La baisse appelait la baisse. Aujourd’hui l’utilisation intensive des robots, des algorithmes, de la volatilité comme principal indicateur de risque sera peut-être la source du prochain krach. Je n’exclus pas l’éventualité que la baisse prenne la forme d’un décrochage brutal.

Voir le commentaire (1)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (1)
  • Il est vraisemblable que Trump n’est pas aussi idiot que veulent le faire croire nos médias. Il ne cherche pas une guerre commerciale qui irait jusqu’à être défavorable aux USA, il cherche simplement le meilleur deal pour les USA. Les tensions avec la Chine finiront donc pas redescendre. En revanche il ne faut pas compter qu’il fera des cadeaux à l’Europe, elle devra aussi faire des concessions et payer d’une façon ou d’une autre la protection militaire qu’elle sous-traite aux USA.

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

https://www.youtube.com/watch?v=-v-8wJkmwBY

 

Fin juin, les citoyens américains ont eu le douteux privilège de regarder sur CNN le premier débat présidentiel de l’actuelle campagne électorale en cours aux États-Unis, opposant Donald Trump pour les Républicains et Joe Biden pour les Démocrates. La surprise ne fut dévastatrice que pour les plus niais et les plus captifs des bobards actuels de la presse de grand chemin : Biden y est apparu pour un débris sénile à peu près incapable d’aligner quelques arguments cohérents, termi... Poursuivre la lecture

Après Jair Bolsonaro, Shinzo Abe, Robert Fico, c’est donc au tour de Donald Trump de subir une tentative d’assassinat. Comme de coutume aux États-Unis, la tentative a immédiatement versé dans le spectaculaire, surtout du côté de la presse de grand chemin.

Et spectaculaire est probablement le seul qualificatif pour la façon dont cette dernière a relayé le drame au cours des minutes puis des heures qui l’ont suivi : tout fut fait pour en réduire l’importance et la portée. Il faudra attendre plusieurs heures pour que ce qui était pourtant év... Poursuivre la lecture

À l'occasion de la nomination de J.D. Vance comme candidat à la vice-présidence de Donald Trump, Contrepoints vous propose la republication de cet article sur son roman autobiographique intitulé Hillbilly Elegy. Ce best-seller est un document exceptionnel qui aide à comprendre la situation actuelle des déclassés de l’Amérique profonde et les raisons de l’élection de Donald Trump en 2016. Avec pour conséquence la perte de confiance à l’égard des institutions, et la nécessité de reconstruire des communautés.

L'Amérique déclassée

Si vous ... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles