Liberté, égalité, travail selon Chateaubriand

Dans cet épisode de la série Liberté et auteurs du XIXème siècle, on voit combien l’écho des pensées de Chateaubriand (1768-1848) résonne encore aujourd’hui.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0
Chateaubriand by Fondo Antiguo de la...(CC BY 2.0)

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Liberté, égalité, travail selon Chateaubriand

Publié le 18 février 2018
- A +

Par Gabrielle Dubois.

L’égalité forcée n’est pas la solution au développement personnel qu’on espérait. La réduction du temps de travail n’apporte pas le bonheur. On ne peut contraindre l’homme dans son désir d’avancer, d’entreprendre.

La nation française n’aime pas, au fond, la liberté ; mais elle adore l’égalité ; elle n’admet l’absolu que pour elle et par elle, et sa vanité lui commande de n’obéir qu’à ce qu’elle s’impose. François-René de Chateaubriand.

Quelques extraits de ses Mémoires d’Outre-Tombe :

Ce que Napoléon révèle des Français

« On se demande par quel prestige Bonaparte, si aristocrate, si ennemi du peuple, a pu arriver à la popularité dont il jouit : car ce forgeur de jougs est très certainement resté populaire chez une nation dont la prétention a été d’élever des autels à l’indépendance et à l’égalité ; voici le mot de l’énigme :

Une expérience journalière fait reconnaître que les Français vont instinctivement au pouvoir ; ils n’aiment point la liberté ; l’égalité seule est leur idole. Or, l’égalité et le despotisme ont des liaisons secrètes. Sous ces deux rapports, Napoléon avait sa source au cœur des Français, militairement inclinés vers la puissance, démocratiquement amoureux du niveau. Monté au trône, il y fit asseoir le peuple avec lui ; roi prolétaire, il humilia les rois et les nobles dans ses antichambres ; il nivela les rangs, non en les abaissant, mais en les élevant : le niveau descendant aurait charmé davantage l’envie plébéienne, le niveau ascendant a plus flatté son orgueil. La vanité française se bouffit aussi de la supériorité que Bonaparte nous donna sur le reste de l’Europe. »

L’homme est moins esclave de son travail que de sa pensée

« La société est menacée par les bras condamnés au repos en raison de la multiplicité et de la variété des machines ; que ferez-vous du genre humain désoccupé ? Que ferez-vous des passions oisives en même temps que l’intelligence ? La vigueur du corps s’entretient par l’occupation physique ; le labeur cessant, la force disparaît. Ainsi la liberté ne se conserve que par le travail, parce que le travail produit la force : retirez la malédiction prononcée contre les fils d’Adam, et ils périront dans la servitude : In sudore vultûs tui, vesceris pane (tu gagneras ton pain à la sueur de ton front). La malédiction divine entre donc dans le mystère de notre sort ; l’homme est moins l’esclave de ses sueurs que de ses pensées : voilà comme, après avoir fait le tour de la société, après avoir passé par les diverses civilisations, après avoir supposé des perfectionnements inconnus, on se retrouve au point de départ en présence des vérités de l’Écriture. »

L’homme condamné à la vie d’un limaçon

« Maintenant, quelques mots plus sérieux sur l’égalité absolue : cette égalité ramènerait non seulement la servitude des corps, mais l’esclavage des âmes ; il ne s’agirait de rien moins que de détruire l’inégalité morale et physique de l’individu. Notre volonté, mise en régie sous la surveillance de tous, verrait nos facultés tomber en désuétude. L’infini, par exemple, est de notre nature ; défendez à notre intelligence, ou même à nos passions, de songer à des biens sans terme, vous réduisez l’homme à la vie du limaçon, vous le métamorphosez en machine.

Car, ne vous y trompez pas : sans la possibilité d’arriver à tout, sans l’idée de vivre éternellement, néant partout ; sans la propriété individuelle, nul n’est affranchi ; quiconque n’a pas de propriété ne peut être indépendant ; il devient prolétaire ou salarié, soit qu’il vive dans la condition actuelle des propriétés à part, ou au milieu d’une propriété commune. La propriété commune ferait ressembler la société à un de ces monastères à la porte duquel des économes distribuaient du pain.

La propriété héréditaire et inviolable est notre défense personnelle ; la propriété n’est autre chose que la liberté. L’égalité absolue, qui présuppose la soumission complète à cette égalité, reproduirait la plus dure servitude ; elle ferait de l’individu humain une bête de somme soumise à l’action qui la contraindrait, et obligée de marcher sans fin dans le même sentier. »

 

Voir le commentaire (1)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (1)
  • Merci pour avoir transcrit ce passage des Mémoires d’Outre-Tombe. Chateaubriand est un auteur que j’admire beaucoup pour son style et ses idées. Il m’a aussi incitée à aller me promener sur ses traces jusqu’à sa tombe à Saint Malo.

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don
L’analphabète, d’Agota Kristof

Ce récit émouvant est l'autobiographie d'Agota Kristof, qui est née dans un petit village de Hongrie, où elle a vécu heureuse auprès de ses parents et de ses frères. Elle savait lire à quatre ans, grâce à son instituteur de père dont elle se remémore avec bonheur les douces sensations de sa salle de classe vide, attrapant comme elle le dit si bien cette "maladie inguérissable de la lecture". Une maladie qui lui valut l'incompréhension de son entourage, jugeant la lecture comme une activité paresseuse, alors qu'i... Poursuivre la lecture

0
Sauvegarder cet article
Les Naufragés du Batavia, de Simon Leys

Dans sa préface, Simon Leys parle du « livre qui ne fut pas ».

Après avoir accumulé des notes durant des années, et s'être même rendu sur les lieux du naufrage et des petites îles de l'archipel qui l'environnaient, qu'il a cartographiées, il a fini par renoncer à écrire autre chose que cette brève mais passionnante présentation.

En effet, si aucune restitution de cette expédition peu ordinaire ne l'avait entièrement satisfait jusque-là, l'excellent L'Archipel des hérétiques de Mike Dash lu... Poursuivre la lecture

0
Sauvegarder cet article
La Plus Précieuse des marchandises : Un conte, de Jean-Claude Grumberg

Je n'avais encore jamais lu Jean-Claude Grumberg. Il était temps, quelle découverte ! Et quelle écriture ! Je ne manquerai pas de m'intéresser à ses autres écrits.

L'entrée en matière est originale. Sous forme d'humour léger... Mais on tombe vite dans la terrible réalité.

Le choix du conte permet d'évoquer l'horreur avec délicatesse, tout en naïveté apparente. Celle de l'univers de l'enfance, en s'adressant bien sûr à des adultes.

À l'origine, le conte... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles