Par Simone Wapler.
En apparence tout est simple.
Les matières premières sont cotées sur les marchés internationaux en dollar. Tout le monde a besoin de pétrole, ou de blé, ou de cuivre…
Les États-Unis achètent à crédit aux étrangers. Ils exportent leur dette libellée en dollars. Les étrangers qui les fournissent stockent cette dette – des dollars donc. Ceci leur permet d’acheter des matières premières. Ces matières premières sont ensuite transformées et entrent dans les produits achetés à crédit par les États-Unis.
Les États-Unis exportent beaucoup de dettes et tout le monde est content. Enfin… pour le moment.
N’oubliez pas, cher lecteur, que nous ne vivons pas dans un monde capitaliste dans lequel on achète comptant, où le crédit est réservé aux investissements et où l’argent prêté a déjà été gagné.
Nous vivons sous l’ère du créditisme. Tout s’échange à crédit et l’inverse du crédit, c’est la dette. La dette mondiale atteint l’équivalent de 233 000 Md$. Cela fait 33 000 $ par bipède. Il faudrait retrancher les nouveaux-nés, ceux qui sont trop vieux pour travailler, et le milliard d’individus qui vivent avec moins de 1 € par jour. Si vous travaillez, considérez que votre facture est bien supérieure.
Chacun pense que cela ne le regarde pas et qu’il ne remboursera pas.
Mais revenons à nos Chinois. Les membres du Parti savent très bien comment le créditisme fonctionne. Ils ont toujours acheté des tombereaux de bons du Trésor. C’est ce qu’on appelle des « réserves de change ». Les Chinois en ont pour 1 200 Md$ précisément, selon Bloomberg… mais vous noterez que déjà en 2016, les Chinois en avaient acheté moins et à l’époque, ils ne l’avaient pas claironné sur Bloomberg.
Les camarades-capitalistes disent trouver que la dette américaine n’est plus attractive. Il faut dire que le pétrole augmente et que le dollar s’est déprécié de 10 % en 2017 face aux grandes devises.
Surtout, les rodomontades de Trump et le protectionnisme défendu par le gouvernement américain les agacent. Le géant des télécoms Huwaei s’est vu récemment rembarré du marché américain. Jack Ma, le fondateur d’Alibaba, qui voulait acheter MoneyGram a reçu une fin de non-recevoir.
À quoi sert d’avoir des dollars si vous ne pouvez pas les réinvestir ou les dépenser aux États-Unis ?
À cette annonce des officiels Chinois, l’or a légèrement réagi. Seulement légèrement… Ce n’est pas (encore) la panique. Si les bons du Trésor ne trouvent pas preneurs, la Fed les achètera.
Il y a plus dangereux pour le créditisme que cette histoire de dollar et de Chinois. La hausse des rendements des bons du Trésor US qui continue sa course. Cela signifie que les malheureux qui ont un stock de ces obligations ne peuvent les revendre qu’à perte (ou à la Fed).
Je ne sais pas trop où tout cela va nous mener. Mais l’or – qui n’est la dette de personne – permet d’avoir une assurance anti-catastrophe. Pour le moment, la prime n’est pas encore trop chère.
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Pour plus d’informations, c’est ici.
Bonjour, je ne comprends pas pourquoi cette dette créée par l’achat à crédit des USA est une dette publique. Ce n’est pas le gouvernement américain qui achète les matières premières, ce sont les entreprises américaines, non? Si oui, alors cette dette n’est pas publique, elle est extérieure, mais sûrement pas sous forme de bons du Trésor. Si quelqu’un pouvait m’éclairer, merci.
Un fournisseur vous livre des produits : vous avez une dette envers lui jusqu’à ce que ayez payé la facture. Vous lui donnez des dollars en paiement, vous n’avez pas soldé la dette, vous l’avez transférée au gouvernement américain qui seul garantit, au moins en principe, que les billets verts que vous avez donnés ne sont pas de simples bouts de papier valant la même chose qu’une feuille de PQ.
Un grand merci pour votre réponse claire!