Après la tyrannie actuelle, régime libéral éclairé ou république vénézuélienne ?

Entretien avec Thierry Afschrift :  « La « nationalisation insidieuse » de l’activité économique n’est plus loin ».

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0
Communist party by @joefoodie(CC BY 2.0)

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Après la tyrannie actuelle, régime libéral éclairé ou république vénézuélienne ?

Publié le 2 octobre 2017
- A +

Par Drieu Godefridi.

Thierry Afschrift est avocat (membre des barreaux de Bruxelles, Anvers, Luxembourg, Hong Kong, Genève, Fribourg, Madrid et Tel Aviv), professeur de droit fiscal à l’Université libre de Bruxelles et l’auteur, entre autres, du pamphlet La tyrannie de la redistribution paru à la fin à la fin de l’année dernière dans la collection des Insoumis aux Belles Lettres à Paris.

Qu’un homme aussi éminent, dont la réputation professionnelle et académique est assise de longue date, mène encore, passé le cap de la soixantaine, un combat sincère et solitaire, qui n’est celui d’aucun parti, ni en France, ni en Belgique, ni même ailleurs en Europe, pour une société libérale et éclairée interpelle et intrigue.

Nous nous sommes rencontrés, pour évoquer la tyrannie et ses conséquences, dans l’hôtel particulier qui abrite l’association d’avocats portant son nom à Bruxelles. À propos du caractère solitaire de son combat pour la liberté, l’essence même de l’être humain, Thierry Afschrift dit ne faire partie d’aucun parti et, citant Bertrand de Jouvenel (1903-1987), s’inscrire dans le courant jusnaturaliste (défendant la supériorité du droit naturel par rapport à tout autre droit) du libéralisme, ce courant se distinguant d’un courant utilitariste concevant l’ordre libéral comme un moyen d’assurer le bien-être collectif.

« Il existe trois doctrines politiques dans l’Union européenne, explique-t-il, la social-démocratie, la démocratie chrétienne et le libéralisme social, cette dernière plus ou moins inspirée par la pensée du philosophe américain John Rawls (1921-2002) dont je doute toutefois que beaucoup d’hommes de pouvoir l’aient lu. » Que ces trois doctrines défendent une notion d’un intérêt général supérieur aux droits de l’individu relève de l’héritage religieux (le « bien commun » de l’Église) et intellectuel (le solidarisme) de l’Europe.

Le concept d’économie sociale de marché se trouve institué par le Traité de Lisbonne sur l’Union européenne qui s’y réfère explicitement dans son article 3 alinéa 3 en ce que « l’Union oeuvre pour le développement durable de l’Europe fondé sur une croissance économique équilibrée et sur la stabilité des prix, une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social ». Même le Gouvernement belge actuel, pourtant réputé de « droite », a affirmé sa volonté de protéger l’État providence.

Compte-tenu notamment du vieillissement de la population et de la faible croissance économique, cette volonté de protéger l’État providence et de juguler l’économie de marché aboutit à une hausse des besoins en recettes supplémentaires (et prélèvements obligatoires) de l’État qui en pourcentage dépasse le taux de croissance économique et qui ne couvre même pas les dépenses de l’État, ce qui oblige ce dernier à recourir à l’endettement public pour y arriver. Comme l’a démontré l’économiste Bruno Colmant, se référant à Hayek dans un livre récent, L’euro, une utopie trahie ?, cette situation débouche nécessairement sur une ingérence de plus en plus forte de l’État dans la vie de chacun, une restriction des libertés et une nationalisation insidieuse de l’économie.

Un système dans lequel l’État peut tout décider est un système totalitaire. C’est le nôtre. « Nous vivons comme s’il était normal que le Pouvoir, parce qu’il est élu, puisse tout décider, écrit Thierry Afschrift dans La tyrannie de la redistribution. L’individu, traité en simple sujet, est constamment invité à se soumettre… » Comment pourrait-on, à titre collectif ou individuel, s’extraire de ce piège ?

« Margaret Thatcher a pu constituer une lueur d’espoir en Europe, estime Thierry Afschrift, mais elle s’est fait destituer par les membres de son propre parti. Le système actuel ne peut être sauvé. L’on doit d’ailleurs s’interroger sur la place de l’individu dans les mentalités européennes. Si l’on peut considérer qu’un quart du peuple américain est proche des idées défendues par Ayn Rand, il a, par contre, fallu attendre plus d’un demi-siècle avant que ses ouvrages ne soient traduits en français et certains auteurs libéraux français, tel Bastiat, sont lus aux États-Unis alors qu’ils ne sont guère connus chez nous. »

S’il voit des oasis d’économie de marché subsister pour de jeunes entrepreneurs en Amérique et en Israël, voire à Hong Kong, l’auteur de La tyrannie de la redistribution doute que l’État providence ne se perpétue encore longtemps en Europe. « L’empire romain s’est effondré sous le poids de l’État, des impôts et des fonctionnaires. L’on en était arrivé à ce qu’il valait mieux opter pour la condition d’esclave d’un bon maître que d’être « libre » et asservi par l’État. »

« Plus proche de notre époque, l’empire soviétique s’est lui aussi écroulé, constate Thierry Afschrift, alors que l’activité économique n’y était effectivement nationalisée qu’à concurrence d’environ 70%. Avec nombre de pays européens ayant dépassé les 50% de prélèvements obligatoires (57% pour la France), le seuil des 70% de « nationalisation insidieuse » de l’activité économique n’est plus loin. Sans doute ne s’agit-il que d’une question d’années. Il reste à espérer qu’après que l’État providence ait disparu, émerge un régime libertarien. Sinon, ce sera une république vénézuélienne. »

Sur le web

Voir les commentaires (7)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (7)
  • « Il reste à espérer qu’après que l’État providence ait disparu, émerge un régime libertarien. Sinon, ce sera une république vénézuélienne.  »

    Je doute fort que d’ici là les français, globalement parlant, deviennent libéraux et encore moins libertariens. Arrêtons de rêver, la France va sombrer à plus ou moyen terme.

  • L’avenir de la France ressemblera à une grande Grèce: un pays musée avec une meilleure gastronomie (ou ce qui en restera) et des paysages plus variés, mais un pays où la redistribution aura fait de tous, excepté les politocards, des pauvres. Les ex-riches étant partis depuis longtemps.

    • @ Gerald555
      J’ai cru, à un moment, que Fr.Hollande avait une ambition hellène: laisser faire les efforts européens par les pays partenaires et profiter de la hausse de croissance périphérique pour forcément en profiter par contagion sans devoir faire en France de sacrifices pénibles! Cela n’a vraiment pas suffi et la France se retrouve à la traine de la croissance, de l’emploi et du montant de la dette, lâchée par son « équipe »! Sans compter le repli national et local, très à la mode dans ce pays!

      Quel pays bougera encore pour aider une France aussi égocentrée que très éloignée des clous, pourtant décidés en commun, tant au niveau du chef de l’état (qui « dit » mais ne fait pas) que des parlementaires européens (10 % du parlement) ou nationaux?

      Donc la question est: est-il logique d’écrire des lois (qui ne manquent sûrement pas chez vous) si ce n’est pour ne pas en tenir compte? Un peu comme le libéralisme, parfaitement défini, en théorie, mais en fait, pas du tout respecté dans la pratique! Il vaut donc mieux, à mon avis, de respecter un « libéralisme social », comme critique l’auteur de l’article, avec, c’est vrai, un « solidarisme » qui caractérise un trophée de l’Europe et de chacun de ses pays et est devenu, de façon librement choisie ou centralisée, et qui fait la nique aux pâles copies aux U.S.A., comme dans les autres continents!

      Quel européen voudrait se passer, aujourd’hui, de ce recours, face à la menace d’un problème de santé (injuste et immérité) possiblement létal? Poser la question, c’est y répondre!
      L’humain est bien évidemment un individu, c’est aussi un être grégaire, malgré les exceptions.
      Libéralisme, d’accord, réalisme, d’abord!

  • Sans compter qu’en France en 2022 le risque que ce soit Mélanchon qui emporte l’élection puis instaure un régime à la Maduro avec sa 6eme république n’est plus à prendre à la légère.

    • @ GN
      J.L.Mélenchon est un tribun, ex-touriste qui, lui non plus, n’a pas « vraiment » travaillé: son discours, fait de harangues, par lui-même ou son hologramme, reste un discours, aux accents démagogiques évidents, sans aucune base concrète, si ce n’est des epériences communistes qui ont échoué! Je le crois une menace électorale, pas du tout l’étoffe d’un vainqueur!
      2022, c’est loin! E.Macron qui, par ses réformes, ne se trouvera pas longtemps sans « opposants », soit sera parvenu à un certain succès et il sera réélu, grâce au souvenir de ses prédécesseurs, ou il échoue, auquel cas, c’est un de ses prochains opposants qui risque de le remplacer. J.L.Mélenchon n’a pas fait le poids face à E.Philippe: il a l’illusion que son seul discours peut le mener au sommet, mais les Français-électeurs, pas plus crétins que les autres, demanderont plus de résultats que son discours éculé du siècle passé trop répété d’ici 2022! Il est clair que la lutte des classes (ignorant les patrons paternalistes), n’es plus celle de prolétaires exploités par des patrons méchants. On sait clairement maintenant qu’un employé heureux travaille plus et mieux et qu’ils sont de moins en moins remplaçables! En 2022, J.L.Mélenchon ne sera toujours qu’un pantin pérorant!

      • et je crois que sans aller jusqu’au libéralisme, un politique ayant le cran de poser quelque question sur la redistribution, autrement dit une charité inconditionnelle d’une complexité inimaginable, sur la démotivation à travailler qu’elle entraîne trouverait de l’écho.

      • Si les Français ont été capables de voter Macron, ils seront capables de voter Mélanchon. Vu l’état du pays, la plupart des gens pourront considérer qu’ils n’ont plus rien à perdre. Ce sera un vote protestataire et suicidaire. Après des dizaines d’années d’étatisme, la France a été transformée en vitrine qui présente avec des fleurs un décor de carton pâte. Derrière il n’y a plus que du toc et des murs qui se lézardent. Le maintien de la loi ALUR destinée à abolir la propriété privée et à créer les conditions d’un esclavagisme généralisé est symptomatique. La France n’est plus qu’un jouet que s’amusent à casser une bande d’enfants irresponsables. A défaut de pouvoir empêcher ce massacre, nous pouvons toujours en témoigner. Que la lucidité nous empêche au moins de nous laisser massacrer aveugles et consentants!

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Par Johan Rivalland.

Pour prolonger un peu la réflexion que j’ai eu l’occasion d’ouvrir il y a quelques mois au sujet du totalitarisme où j’évoquais, entre autres, l’auteur réputé en la matière qu’est Hannah Arendt, voici la présentation d’un petit essai en hommage à la philosophe auquel j’ai fait référence il y a peu, lorsque j’évoquais le problème de l’obéissance aux lois injustes.

Passée la première déception, car je croyais qu’il s’agissait d’un ouvrage d’Hannah Arendt, alors que c’en est un SUR ce grand auteur que j’ambitio... Poursuivre la lecture

Personnes en rang regardant un écran diffusant un visage
3
Sauvegarder cet article

La liberté est le sujet fondamental au centre des préoccupations de Contrepoints, à travers articles, analyses, réflexions, discussions. Au-delà de l’actualité, de l’Histoire, des perspectives d’avenir, qu’en est-il de ce sujet dans la littérature, en particulier lorsqu’on pense à son opposé le plus extrême : le totalitarisme ?

J’ai déjà eu l’occasion, ici-même, de commenter quelques grands romans d’Ayn Rand, qui trouveraient toute leur place dans cette série. Je vais donc prolonger avec d’autres réalisations, dans des registres parfoi... Poursuivre la lecture

Par Jon Miltimore et par Lawrence W. Reed.

La semaine dernière marquait le 70e anniversaire des funérailles de Joseph Staline, le dictateur marxiste qui a dirigé l'Union soviétique pendant la Seconde Guerre mondiale, et à l'apogée de son état de terreur.

https://www.youtube.com/watch?v=JDYxbRZdkSo

 

Staline, qui a suivi les traces sanglantes de Vladimir Lénine, a été victime d'une attaque cérébrale et est décédé à son Daach de Kuntsevo le 5 mars 1953. Il avait 74 ans.

Des funérailles nationales ont eu l... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles