La politique de Macron oblige la droite à se repenser

Pour répondre à la doctrine sociale-démocrate du président, la droite serait bien inspirée de se révéler, elle, réellement libérale !

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Emmanuel Macron by French Embassy in the US(CC BY-NC 2.0)

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La politique de Macron oblige la droite à se repenser

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 21 septembre 2017
- A +

Par Erwan Le Noan.
Un article de Trop Libre

Quelle que soit la mobilisation à laquelle elle parviendra, la CGT aura rendu, ce 12 septembre, un fier service à Emmanuel Macron : son opposition manifestante à la réforme du marché du travail, relayée bientôt par le bruit et la colère mélenchoniens, démontre implicitement que le projet gouvernemental de réforme du marché du travail est ambitieux.

À tous ceux qui le trouveraient trop timoré, le Président pourra désormais opposer le courroux syndical et sa détermination à ne rien lui céder. À tous ceux qui seront tentés de lui reprocher un manque d’audace, le Gouvernement pourra tendre une invitation à le soutenir de façon «constructive».

Ce 12 septembre, Emmanuel Macron va gagner, pour l’opinion et à l’épreuve du feu, son brevet de réformateur libéral.

Le libéralisme d’Emmanuel Macron a été souvent discuté : pour les tenants du contrôle étatique de la société, il est incontestable. Les preuves s’accumulent, à sa décharge : ministre, il vantait les milliardaires comme modèle de réussite pour les jeunes ; candidat, il promettait des réformes favorables au marché ; président, il met en œuvre une «transformation» du pays qui commence par la Loi travail.

Son gouvernement est évidemment complice : la ministre du Travail, bien sûr ; celui de l’Éducation également, coupable de préparer (sans l’énoncer trop fort) un régime d’autonomie des établissements. Les déclarations du ministre de l’Économie, plaidant pour une réduction de la pression fiscale, scellent l’instruction.

Il est indéniable que depuis le mois de mai, le discours politique de l’Exécutif a privilégié une voie réformiste, affirmée clairement et portée haute, comme rarement auparavant.

L’enthousiasme conduit probablement à en exagérer à ce jour le caractère incomparable : récemment, Nicolas Sarkozy ou Manuel Valls portaient également une politique réformiste ; mais l’absence de résultats suffisants et de réformes concrètes les ont emportés dans le lot des espoirs déçus. Les défaites électorales l’ont montré sans appel.

Le président a fait le pari d’engager une réforme du système économique français, afin d’encourager l’initiative entrepreneuriale – qu’il avait incarnée en s’affichant régulièrement avec les start-ups dans le mandat précédent. Il la soulage de la fiscalité – insistant à l’inverse sur son souci de taxer la rente.

Il la libère des contraintes administratives qui l’étouffent. Dans son discours, il vante la fluidité et conspue l’immobilisme. Son parti, c’est le mouvement, En marche.

En contrepartie, on l’entend peu sur les questions sociales, presque jamais sur les sujets collectifs (le service public, la Nation…). Ses adversaires voient dans ce prisme économique la preuve – fautive – de son libéralisme. Pire, lorsqu’il quitte ces sujets, c’est pour vanter la construction européenne, cheval de Troie du marché libre et non faussé.

Emmanuel Macron est inspiré par des sources libérales : celles d’un libéralisme de gauche, qui fait intervenir l’État pour réaliser ses objectifs. Une doctrine pour laquelle le marché n’est acceptable que dans la mesure où il sert l’objectif qu’a déterminé la décision publique ; et la concurrence ne s’envisage que dans un cadre contrôlé par le régulateur : l’État prime sur la société – ce que renforce un biais technocratique et centralisateur.

Le libéralisme macronien puise ses références chez John Rawls ou Amartya Sen, pense l’État à travers Esping-Endersen, envisage la démocratie grâce aux travaux de Jurgen Habermas, réfléchit à la société avec Will Kymlicka et Axel Honneth.

La politique mise en œuvre par le gouvernement s’inspire ainsi d’un libéralisme social-démocrate. Son projet est de réformer l’État-Providence, régulateur, paternaliste et non de le dépasser. En ce sens, ses sources sont héritières de Keynes bien plus que de Hayek. Pour le prix Nobel autrichien – qui ne rejetait pas l’action publique, la société libérale n’est par essence pas compatible avec l’interventionnisme public.

C’est bien là la subtilité d’Emmanuel Macron et la déroute intellectuelle de la droite française : contrairement à ses homologues étrangères, celle-ci est empreinte d’une fascination pour l’État.

Comme les sociaux-démocrates, elle le croit garant et fondateur du bien-être social. Elle se méfie de la société et, par là même, s’inquiète de la liberté de l’individu. Là où le monde bouillonne d’idées pour repenser l’action publique après l’État-Providence, elle reste prisonnière de son emprise. Si elle conçoit que l’étatisme absolu échoue, elle tâtonne à lui trouver une alternative.

Constatant sa propre impasse, la droite a fait le choix de la paresse : à défaut de penser l’économie et l’action publique, elle n’a considéré que les sujets culturels et sociétaux. Ils sont importants, mais insuffisants. Ce faisant, le piège qu’elle s’est tendue se referme, habilement resserré par Emmanuel Macron : soit elle le soutient et disparaît ; soit elle s’oppose et se restreint. Pour répondre à la doctrine sociale-démocrate du président, elle serait bien inspirée de se révéler, elle, réellement libérale !

Cette tribune est parue une première fois sur le Figarovox

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  • pour que la droite change ..ce serait étonnant,trop égoïste ,avide de pouvoir …
    et pour quelle politique?
    on change de dirigeants ,pour quel résultats. .
    depuis les années 76 …plus d’État et toujours plus de dette ….
    et la gauche c’est pareil…..
    déficit sur 5 ans 400 milliards d’euros …minimum…

  • Voilà on y est et il y a du pain sur la planche, en particulier un tri sévère à faire. Mais avant de comprendre, il leur faudra bien encore une bonne grosse gamelle à la prochaine échéance !

    • @cachou42

      Oui, bien sûr, continuons de compter sur nos politiques de tous bords. Donnons leur le temps. Cinq ans par ci, cinq par là. Soyons sévères dans les urnes bla bla bla.

  • D’accord à 100 % avec cet article : pour s’opposer au pseudo libéralisme de gauche, en réalité énarchique et sociale-démocrate, la droite (quelque soit le parti LR ou autre) est acculée à disparaître ou oser le vrai libéralisme de droite, c’est à dire tirer un trait sur le Gaullisme et proposer la libéralisation de la protection sociale (retraite et santé), de l’école et la fin du statu de fonctionnaire pour le non régalien pur.

  • D’accord, mais, après 40 ans d’étatisme, la grosse majorité des français ne veulent plus penser par eux-mêmes ni se prendre en charge. La phrase la plus répétée du pays est: « l’état n’aka ».
    Il faudrait à la droite un pédagogue extraordinaire pour envisager un peu de libéralisme. Or l’horizon est désespérément vide…

    • Les français, drogués à la jalousie sociale et à l’égalitarisme depuis toujours, ne voudront jamais du libéralisme, qui est exigeant, ou alors juste assez pour assurer la survie d’une minorité de productifs, pigeons à taxer tant et plus. Le libéralisme authentique représente à peu près 5% des votes et encore. Nous nous faisons plaisir dans les colonnes de Contrepoints et ailleurs mais en réalité, quel espoir?

  • L’article serait intéressant s’il n’y avait pas cette ambiguïté sur la définition du libéralisme (encore). Le doute entre un pseudo libéralisme clair et « un libéralisme de gauche » n’est pas levé et après lecture, on pourrait croire qu’un libéralisme avec intervention de l’état est une réalité et non une contradiction.

  • Fillon s’était positionné comme libéral. Les Français n’en ont héla pas voulu, lui préférant Macron.

    • Fillon s’est planté car il a joué au libéral à la dernière minute, sans y croire, pour gagner la primaire (c’était le 3 ème homme il n’avait rien à perdre pour une primaire de droite)….puis une fois élu s’est vite dégonflé (Rappellez-vous je veux sauver la sécu ! Je suis gaulliste etc…) Mais en assumant et en s’y prenant longtemps à l’avance (5 à 10 ans au moins), les mentalités peuvent changer…surtout s’y Macron commence à déblayer le terrain et commence à déstabiliser les forteresses syndicales (pour une fois laissons la gauche faire le « sale boulot »).

    • @Jacques Peter

      Je me répète ce matin. Donc il s’agirait de définir exactement le « libéralisme » de Fillon que l’on pourrait qualifier de « libéralisme de gauche » light selon cet article. Quant à « Les Français » qui ont préféré Macron, il sont finalement dans une proportion assez limitée et non représentative de l’ensemble des français qui pour la plupart ne comprennent que peu ou prou la situation du pays.

  • L’avenir de la droite parlementaire est dans une alliance entre le libéralisme économique et les conservateurs excédés par les dérives du progressisme de gauche comme le furent en son temps Thatcher et Reagan.
    Si la droite se rapproche trop des centristes, l’électeur va préférer voter pour la majorité présidentielle.
    Si la droite a un programme trop étatiste, l’électeur va préférer voter pour le FN ou Mélanchon.
    Attention au thème de l’immigration, sujet tabou : en Allemagne, l’AFD, qui a oser aborder ce sujet s’est fait immédiatement accuser de populisme alors même que le parti a été crée à la base par des libéraux.

  • problème de ce pays son mode de fonctionnement ,est archaïque. .plus de recettes et de taxe et plus de dépense. ..
    plus d’aide pour créer de l’emploi et plus de chômage et de précarité. ..
    faire une loi..d’accord …il faut réfléchir aux dérives et quand elles arrivent …
    mais là c’est compliqué. ..

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