4 leçons que la Légion étrangère pourrait donner aux entreprises

La Légion étrangère enseigne plusieurs leviers que les dirigeants d’entreprise peuvent activer afin d’assurer croissance et pérennité.

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Légion étrangère by Florent Bouteillier(CC BY-NC-ND 2.0)

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4 leçons que la Légion étrangère pourrait donner aux entreprises

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 10 septembre 2017
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Par Beatrice M. Chretien.

De nombreuses entreprises sont confrontées à des indicateurs de performance inquiétants : manque de motivation, ralentissement du chiffre d’affaire, absence de décision se retournent contre l’organisation. Le manque à gagner induit, la défiance, le cynisme sont immédiatement captés par les clients et la concurrence.

À défaut de s’interroger sur la perte de sens en entreprise, les dirigeants tentent d’y répondre ponctuellement par le biais de séminaires, formations, coach bien-être ou team buildings dont le contenu reste souvent discutable. Dans ce dernier cas, l’enjeu est de dissoudre en quelques heures l’individualisme désigné comme responsable de tous les maux, tandis qu’un animateur à l’entrain de circonstance s’évertue à éveiller un semblant de solidarité dans le groupe au cours d’un jeu de zombies ou de méditation sous tipi.

Certaines organisations sont malheureusement plus avancées dans le degré d’obscurcissement des indicateurs psychosociaux et la baisse des résultats. Aussi, un développeur de jeux vidéos embauché par un leader du courrier rend ludiques les tâches quotidiennes que les salariés rechignent à faire. Tel un hochet que l’on agite devant eux, ces derniers redeviennent des nourrissons pour l’occasion, et les dirigeants en un temps rassérénés devant le sourire à trois quenottes, espèrent atteindre les objectifs fixés, tout du moins provisoirement.

De retour à la sévère réalité puisque le sens ne se décrète pas, nous nous sommes penchés sur le rayonnement de la Légion étrangère qui attire les talents du monde entier. Comment expliquer qu’une institution qui forme des soldats d’élite à 90% étrangers de parcours disparates, qui vont servir sous notre drapeau dans des conditions rudes au péril de leur vie avec un salaire modeste, connaisse autant de succès ? Dès sa création en 1831, la Légion ne cesse de mettre les hommes au coeur de ses préoccupations afin de remporter des victoires et motiver ses troupes. Elle s’appuie sur des leviers puissants pour y exceller, en particulier : son identité forte, son leadership, sa formation.

Mission et identité de la Légion

La mission de la Légion est claire, ambitieuse et très simple : servir la France. Le fait de servir, par le biais de missions petites ou grandes, anime chaque légionnaire par le biais du Code d’Honneur : 7 articles qui fondent cet esprit de corps unique. Tous le connaissent par coeur et sont le reflet des valeurs d’honneur, solidarité, loyauté, discipline, rigueur, modestie, mission sacrée et amour du travail bien fait.

Par ailleurs, la commémoration par tous du mythe fondateur, la bataille de Camerone, contribue à enraciner les légionnaires dans une vision héroïque de leur rôle. Chaque 30 avril “apporte une légitime confiance, renforce le sens du devoir et exalte les âmes et les coeurs, en vue des missions qui attendent les légionnaires” précise le Général Maurin.

De plus, les nombreuses traditions, rites, coutumes, fêtes sont autant de points d’ancrage forts qui évoluent au fil du temps et assurent cohésion et fierté de servir dans cette unité. Par exemple, l’uniforme, les chants, la cérémonie d’engagement solennelle, Noël et tant d’autres particularités consolident ce sens d’appartenance à un corps d’excellence de l’Armée.

La fabrique à leaders

Alors que nos quartiers d’affaires sont gorgés de bons managers bac+5 soucieux de mettre le process au coeur de leurs priorités, les leaders de la Légion mènent les hommes en opération et les placent au coeur de leurs préoccupations. Et le contraste est saisissant : énergie, regard direct, franc-parler et propos en parfaite cohérence avec ceux de l’état-major.

Le rôle principal du leader à la Légion est de définir la réalité auprès des équipes : plus besoin d’interprétation via l’intranet quand vous patrouillez avec 50 kg d’équipements sur le dos ou de tergiversation sur la pertinence d’un process quand l’ennemi lance l’assaut.

En raison d’un encadrement resserré, 1 sous-officier pour 3 militaires de rang, et d’une forte proximité, les leaders connaissent très bien chacun de leurs hommes et les encouragent à s’améliorer tout en veillant sur leur forme physique et morale. Les gratifications sont proportionnelles au mérite et personnalisées. De même, les comportements qui ont mis en danger les autres sont sanctionnés.

Aussi, les hommes sont traités avec équité car l’avancement est à la valeur des actes. Ceux qui ont pris du grade ont accompli des actes méritoires et sont regardés comme des exemples.

La montée en compétence par l’apprentissage en situation

Tous vos collègues vous le disent : 90% du contenu de la formation en stratégie commerciale il y a 3 mois est déjà oublié. Et pour cause : le gros classeur qu’on ne sait pas où ranger rempli d’évidences déconcertantes, l’instructeur qui ânonne en pilotage automatique ses préceptes innovants d’il y a seulement 10 ans et étayés d’exemples tirés de son terroir natal. À quoi bon retenir une réalité qui n’est pas la vôtre ?

Quel que soit le grade ou la spécialisation, les légionnaires bénéficient d’un savoir-être, d’un savoir faire et d’un savoir faire-faire, d’excellence et sur-mesure. La formation est centralisée afin de garantir le niveau de qualité de l’enseignement d’environ 2000 stagiaires par an. Elle s’adapte en temps réel au planning et aux besoins opérationnels du régiment concerné. À peine arrivés, les nouveaux engagés suivent une formation exigeante pour intégrer un régiment opérationnel en 4 mois seulement.

Les formateurs issus de la maison prennent le temps auprès de chacun pour s’assurer que la leçon est bien intégrée. L’assimilation durable des compétences se fait par des exercices de simulation sur le terrain, suivis de débriefings jusqu’à maîtrise parfaite. Ainsi, chacun a confiance en ses capacités, celle des autres et connait parfaitement sa partition en opération, quel que soit le scénario.

Enfin, la puissante cohésion des hommes est fondamentale pendant et après la formation, au delà des divergences d’origine, de culture, de religion. Dès leur intégration, les légionnaires apprennent à s’entraider afin que la force des uns compense la faiblesse des autres à un moment donné. Ils sont d’ailleurs régulièrement évalués sur ce point.

La Légion : un exemple à suivre

Tout comme l’Armée, les entreprises doivent composer maintenant avec un environnement incertain, complexe et ambigu. Les réponses courantes proposées par les experts externes ne s’appuient ni sur ses talents/ressources ni sur l’identité de l’organisation. Pourtant ce sont les seuls véritables points d’appui de son développement à moyen et long terme. Des valeurs partagées, une culture forte, la montée en compétences des équipes en situation réelle, une mission explicite et vécue sont les fondations nécessaires au succès de l’entreprise.

Au Fort de Nogent, nous avons croisé une multitude de visages aussi radieux que confiants. À table avec les supérieurs, nous avons parlé innovation, leadership, meilleures pratiques de management dans une qualité d’écoute et bienveillance étonnantes. Les échanges étaient empreints d’authenticité, et c’est peut-être ça l’innovation de rupture.

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  • Mette un Colonel du 3ème REI à la tête de la SNCF/RFF avec quelques anciens adjudants ! J’entends déjà CGT et SUD et les 10 ans (pour punir le gouvernement) de blocages de tous les transports publics !

    • Et pourtant, je me souviens dans les années 1990, d’anciens militaires aux postes de DRH ou de responsables d’entreprises. Ils mettaient ces quatre principes en oeuvre. C’était frustrant pour les intellos, mais bénéfique pour les entreprises. Ça avait l’avantage de confronter les syndicats aux réalités sur le long terme, et de les recadrer
      C’est difficile de trouver une entreprise anglo-saxonne où ces règles de base ne sont pas respectées. Sur ce point, les managers français ont un retard à rattraper: simplifier, concrétiser, préparer et provoquer les changements, et surtout, valoriser l’authenticité dans les rapports humains dans l’entreprise.
      Votre analyse est, à mon image, très créative (la Légion Étrangère est rarement prise en exemple) parfaitement justifiée.

  • Peut être rajouter le principe de la Préparation.
    Si il est appliqué dans la Légion (notamment dans la Formation), il semble être inconnu de beaucoup en France: se préparer , anticiper le changement, préparer des solutions aux problèmes qui pourraient survenir. Les réunions qui se font sans aucune préparation des participants sont courantes en entreprise (impensable chez les anglo-saxons).
    Sans polémiquer, la situation provoquée par l’ouragan sur les îles des Caraïbes permet de voir 2 approches: la France qui réagit après le désastre, avec beaucoup de difficultés; et les autres pays qui anticipent l’événement par des mesures d’évacuation (vols à prix dérisoires des USA, des Hollandais et des compagnies sud américaines), des stockages de vivres et de moyens, la mobilisation a priori des forces armées.

    • @Bago
      En France on ne se prépare à rien. Quand on a un problème nous devons composer les numéros d’urgences. Il ne faut pas oublier qu’en France c’est l’Etat qui sait tout mieux que nous.

  • certe il y a des choses a prendre partout
    certe il y a des invariants humain et psychologiques

    mais comparer la légion et une entreprise c’est comparer la bataille au bridge.

    de la période de ma vie ou j’etais officier j’ai retenu que l’armée d’aujourd’hui est un empilement de tpe ( moins de 30 personnes) que l’on charge de missions a court terme, simple dans leurs définitions et sans s’embararasser de l’influence de l’action sur l’avenir (ça c’est le role de l’état major) ni de l’environnement ( les autres sections ont leurs propres missions et l’intendance suivra)

    au contraire, de ma période de gestionnaire, j’ai tiré qu’ une entreprise est une structure complexe dans laquelle chacun est tributaire des autres; et de la qualité de leurs travail, dans laquelle les décisions ont un résultat immédiat, mais surtout des conséquences sur la situation future.

    • Vision un peu caricaturale de la « tpe » militaire (30 personnes = une section d’infanterie par ex.). Aucun groupe n’est un bloc homogène parfait. Une section est composée de plusieurs spécialités et son niveau opérationnel dépend souvent du moins fort. La solidarité interne joue alors pour assurer la mission.
      Par ailleurs, chacun dépend de la compétence et du souci des autres éléments. Enfin la prise en compte de « l’environnement » n’est pas réservé aux état-majors. Dans les crises actuelles, où un coup de feu malheureux peut avoir des conséquences politiques, le plus petit exécutant doit avoir suffisamment conscience du cadre général de sa mission pour faire preuve d’ « intelligence de situation » pour avoir les réactions et initiatives adaptées à la situation, souvent imprévue, du moment.

  • La perte de sens en entreprise se traduit par des indicateurs de performance inquiétants. J’observe que cette perte de sens vient de la perte de sens du travail. Or le sens du travail a été perdu au cours du débat politique conduit par les socialistes pour faire voter la loi sur les 35h. Les motivations avancées par la gauche pour justifier le vote de cette loi ont détruit le travail comme valeur. Avant, les gens étaient fiers de travailler. La gauche n’a eu de cesse de détruire cette fierté. Elle a détruit la valeur du travail et par conséquent son sens. C’est sous l’emprise de cette pensée collectiviste que l’Etat français agit comme une entreprise de démolition du sens de toute action. Dans ces conditions, les meilleures méthodes de management ne pourront jamais rien contre l’acharnement de l’Etat français a détruire tout ce qui a de valeur et du sens pour les gens. Vous nous présentez en modèle la Légion étrangère dont la mission est de servir la France. Les entreprises ont pour mission de créer de la richesse pour payer, entre autres, ce genre de service. Tant que l’Etat français déniera aux Français la capacité de créer de la valeur et du sens en créant de la richesse, aucune méthode de management, qu’elle vienne de la Légion étrangère ou d’ailleurs, n’aura la moindre efficacité pour favoriser la création de richesse car, dans ce contexte collectiviste éminemment destructeur de tout sens, c’est mission impossible.

  • le gros problème en France pour les sociétés. .les gens ne sont pas passionnés par leur travail…ils travaillent pour un chèque à la fin du mois…
    l’entreprise en France est archaïque. .
    si ,en temps qu’employé vous faites une suggestion pour améliorer le fonctionnement a un cadre ..il pense tout de suite que vous voulez sa place mais par contre 2 mois après il l’a propose comme si lui, il l’avait trouvé. ..
    Et l’autre fléau c’est le copinage qui est destructeur de l’entreprise…
    quelqu’un qui cautionne une personne si celle-ci est mauvaise les deux doivent être virer…
    Et l’augmentation des salaires collectifs ..
    où est la motivation !!!

  • A jean-M64
    il faut pas exagérer. ..dans les chefs de corps ..il y a des bons et des mauvais…..
    dans la Légion il y a des officiers qui servent et d’autres c’est une carte de visite!!!!
    c’est le reflet de la société. ..

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