L’illusion de la relance budgétaire : l’exemple allemand

Les élections fédérales allemandes auront lieu le 24 septembre. C’est l’occasion de se pencher sur la situation de l’économie allemande, qui est un défi à la pensée économique dominante.

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Angela Merkel à Davos (crédits : World Economic Forum, licence Creative Commons)

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L’illusion de la relance budgétaire : l’exemple allemand

Publié le 7 septembre 2017
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Par Jean-Yves Naudet.
Un article de l’Iref-Europe

La situation budgétaire allemande a de quoi laisser rêveur le gouvernement français. Au moment où celui-ci cherche péniblement, à coup d’artifices ou de prélèvements obligatoires, comment limiter son déficit budgétaire à 3% du PIB cette année et le réduire à 2,7% en 2018, voici que l’Allemagne annonce des excédents budgétaires records.

En 2016, l’ensemble des comptes publics (budget fédéral et ceux des États, des communes et des caisses de sécurité sociale) avait terminé l’année avec un excédent de 23,7 milliards d’euros, (dont 7,7 milliards pour le seul budget fédéral), le plus important depuis la réunification. Cela représente 0,8% du PIB allemand. C’était la troisième année de suite que l’Allemagne dégageait un excédent.

En 2017, l’excédent sera plus élevé, puisque l’office fédéral des statistiques vient d’annoncer, pour le seul premier semestre, un excédent record pour l’ensemble des comptes public de 18,3 milliards Il est donc quasi certain que pour l’ensemble de l’année l’excédent de 2016 sera largement dépassé.

Certes, les partis autres que la CDU critiquent (campagne électorale oblige) : le SPD, en bon parti social-démocrate, propose avant tout d’accroître les dépenses publiques, mais, associé au gouvernement actuel et plus sensible aux réalités économiques que ses homologues français, il exclut de revenir au déficit budgétaire.

La CDU d’Angela Merkel se félicite de la situation et propose certaines baisses d’impôts, limitées, tout en conservant un excédent, tandis que les libéraux du FDP proposent 30 milliards de baisse d’impôts pour la prochaine législature, ce qui ne pourrait qu’encourager l’offre et la croissance.

Pour des keynésiens cela devrait amener chômage et récession

La théorie keynésienne, largement répandue dans la classe politique française, devrait conduire ses adeptes à se désoler de cette situation. Pour eux, un excédent budgétaire freine l’activité et accroit le chômage, tandis que la relance, par le déficit budgétaire et la hausse des dépenses publiques, devrait booster la croissance et l’emploi.

Avec un excédent budgétaire de près de 1% du PIB, l’Allemagne devrait être en récession, avec un chômage élevé, tandis que la France, avec 3% de déficit, devrait avoir une croissance record et un chômage au plus bas.

Et cela d’autant plus qu’il ne s’agit pas d’un accident d’une année, mais que l’Allemagne n’a cessé de réduire son déficit, puis de le faire disparaître au profit d’un excédent depuis 4 ans, tandis qu’en France, il faut remonter à 1974 pour avoir un budget excédentaire. Avec 43 ans de déficits ininterrompus, la France est le bon élève de la classe keynésienne.

Mais la croissance est soutenue

La réalité est à l’opposé de ces illusions. Le PIB par habitant, base 100 en 2000, est en 2016 à 118,3 en Allemagne (plus que la moyenne de l’OPDE, à 116,5), contre 107,8 en France. L’OCDE a publié le 28 août les chiffres trimestriels de croissance. Le PIB a augmenté en France de 0,5% au premier trimestre 2017 et également de 0,5% au second trimestre. Les chiffres correspondants en Allemagne sont de 0,7% et 0,6%. Sur un an, la hausse est de 1,8% en France et de 2,1% en Allemagne.

Et le chômage au plus bas

L’écart est plus impressionnant en matière de chômage. Selon les derniers résultats de l’OCDE (communiqué du 11 juillet ; prochains résultats le 12 septembre), ce qui permet des comparaisons homogènes, le taux de chômage est tombé à 3,9% de la population active en Allemagne contre 9,6% en France ! L’écart se passe de commentaires.

De plus, le taux d’emploi pour les 15-64 ans est de 74,9% en Allemagne contre 64,3% en France. Comme quoi, être plus nombreux (en part relative) à vouloir travailler n’aggrave pas le chômage, au contraire, ce qui devrait calmer les ardeurs des malthusiens.

D’ailleurs, le taux d’activité des plus jeunes (15-24 ans) est de 28,3% seulement en France contre 45,9% en Allemagne ; dans certains cas, entrer plus vite sur le marché du travail, au lieu de faire des études sans débouchés, est une meilleure protection contre le chômage.

D’autres points de comparaison seraient accablants, comme le commerce extérieur : 34,3 milliards de déficit commercial au premier semestre 2017 en France contre 121,2 milliards d’excédent en Allemagne.

Bien entendu, les esprits chagrins diront, comme vient de le soutenir un quotidien français, que certains emplois allemands sont précaires ou atypiques ; mais vaut-il mieux un emploi, parfois moins bien payé, qui conduira, l’expérience aidant, à un meilleur emploi, ou, comme en France, être au chômage (parce que les emplois sont bien payés, mais qu’à ce tarif-là les entreprises ne peuvent pas embaucher) ou encore survivre avec des emplois aidés, qui ruinent le contribuable et pénalisent toute l’économie ?

La comparaison avec la France démontre l’échec du keynésianisme

Les bons résultats allemands ont de nombreux facteurs explicatifs, à commencer par les courageuses, mais efficaces, réformes du marché du travail, ou encore par des taux de prélèvements obligatoires et de dépenses publiques bien inférieurs aux nôtres.

Mais ils démontrent deux choses : d’abord, que ce n’est pas par la facilité et le laxisme qu’on surmonte les difficultés (et en matière de difficultés, l’Allemagne en a connu davantage que la France, à commencer par le coût faramineux de la réunification) ; ensuite que les thèses, souvent présentes en France chez les hommes politiques, de l’efficacité de la relance keynésienne par les dépenses publiques et les déficits sont, au mieux, des fantasmes, au pire, le prétexte à l’étatisation de l’économie.

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  • Hé oui! l’Allemagne souffre des fadaises pseudo intellectuelles (et autres moulins à vent) qui la ravagent presque autant que notre pauvre République Sociale et Populaire de France. Mais elle préserve un tabou qui la protège du pire: elle ne déteste pas son industrie et la réussite de ses entrepreneurs qui en garantit le développement. A partir de là tout est clair. L’Allemagne à accouché du Marxisme et la France du Libéralisme. Nous avons échangé les enfants à l’âge adulte.

    • Sorry my dear, mais ce sont les anglo-saxons qui ont inventé le libéralisme, en France au XVIIIe siècle certains intellectuels n’ont fait que suivre, mais pas la nation!

      • C’est vrai que j’ai un peu forcé le trait pour les besoins de la comparaison avec l’Allemagne, mais la contribution française est considérable, tant au plan politique (c’est connu) qu’économique (ce l’est moins), et largement mésestimée. Cela est sans doute dû, comme vous l’indiquez, par l’absence d’adhésion d’une nation droguée depuis toujours à la jalousie sociale, et en phase d’overdose!

  • +plus de 17 %de la population est pauvre…un bémol.. svp…
    le minimum de salaire horaire 7.85 euros…
    le nombre important de travail à mi-temps de 700 euros par mois …
    si bien que des associations ont été créé pour que les gens puissent avoir une chambre pour dormir !!!
    en France il y a le RMI (rsa)..cest un moyen de dire aux gens l’on vous file du fric ..fermer vos gueule…
    mais si la France est ce qu’elle est devenue ..les politiciens de tout bord sont responsable.et s’empresseront de dire non coupable….

    • Sauf que vu comment est calculé le seuil de pauvreté, le % en question n’indique qu’une pauvreté très relative.
      D’ailleurs il suffit qu’il y ait plus de riche pour que mécaniquement le % de gens en dessous du seuil de pauvreté augmente, c’est stupide.
      Les gens feraient bien de regarder un peu en dehors de l’Europe des fois pour voir ce que le mot pauvreté veux réellement dire….

    • Et d’ailleurs, je vous conseille vivement de lire « La grande évasion » d’Angus Deaton, prix nobel d’économie sur le sujet de la pauvreté

    • Je remets ici le thread donné dans le lien plus haut:
      « Si j’en crois les données d’Eurostat pour 2015, 16.7% des allemands vivent sous le seuil de pauvreté contre 13.6% des français.
      De là, certains concluent que qu’il y a proportionnellement plus de pauvres en Allemagne qu’en France. C’est un peu hâtif.
      Il faut bien comprendre qu’un seuil de pauvreté, c’est une mesure relative. En général, on estime qu’une personne est pauvre si elle dispose d’un revenu inférieur à 60% du revenu médian de son pays (i.e. celui qui coupe la population en deux.)
      Du coup, le nombre de personnes qui vivent sous le seuil de pauvreté dans un pays donné dépend du niveau dudit seuil. Évidemment.
      (Note technique. Les données qui suivent sont en Standard de Pouvoir d’Achat pour tenir compte des écarts de prix d’un pays à l’autre.)
      Voici les seuils de pauvreté utilisés par Eurostat en 2015 (pour une personne seule) :
      France : 11 931
      Allemagne : 12 219
      C’est-à-dire qu’un célibataire qui dispose d’un revenu de 12 000 (cf. note précédente) est pauvre en Allemagne… mais pas en France.
      Pour comparer, il faudrait (par exemple) savoir combien d’allemands vivent sous le seuil de pauvreté *français*.
      Clairement, je n’en sais rien mais à ce niveau de la distribution, il est tout à fait possible que l’écart de taux de pauvreté disparaisse.
      Un autre aspect intéressant, c’est la différence de dynamique entre nos deux pays.
      De 2014 à 2015, le seuil de pauvreté français a augmenté de 3% (ce qui une bonne nouvelle) mais en Allemagne, il a augmenté de 6%.
      Ça signifie que le revenu médian des allemands a augmenté *deux fois plus vite* que le nôtre.
      Et comme le taux de pauvreté allemand est resté stable à 16.7%, on peut en déduire que ça a profité au plus grand nombre.
      (Sachant, rappelons-le, que l’Allemagne absorbe une immigration pauvre massive qui plombe ses statistiques.)
      (À Francfort, par exemple, 49% des non allemands vivent sous le seuil de pauvreté.)
      Chez nous, non seulement le seuil a progressé moins vite mais le taux de pauvreté a augmenté (de 13.3% en 2014 à 13.6% en 2015).
      Bref, avec un peu de malhonnêteté, on peut faire dire ce qu’on veut à une statistique. Avec le même genre de raisonnements, on conclurait qu’il y a plus de pauvres au Luxembourg (15.3%) qu’en République Tchèque (9.7%) »

  • le seuil de pauvreté 977 euros par mois..en France..

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