Par Antoine Durant.
Un article de Trop Libre
Le Bitcoin fait encore parler de lui dans l’actualité grand public de ce début d’année, avec un cours dépassant désormais les 2000 dollars, depuis mai 2017. Pour mémoire, celui-ci atteignait à peine 600 dollars l’année dernière à la même date, et 200 dollars il y a deux ans.
Si certains ne voient en l’essor du Bitcoin rien d’autre qu’une nouvelle « crise de la tulipe » comme celle de 1637, pendant que d’autres se mordent les doigts après s’être débarrassés des leurs, les analyses et spéculations vont bon train quant à la pérennité de la cryptomonnaie la plus répandue au monde.
Le Bitcoin démocratisé : quand la blockchain devient mainstream
Et pourtant, parallèlement, il semblerait que le Bitcoin ait bel et bien dépassé les cercles d’avertis pour prendre encore un peu plus la direction du mainstream. Le Japon, par une loi entrée en vigueur en mars dernier, reconnaît officiellement le Bitcoin comme moyen légal de paiement (pas comme une monnaie officielle, cependant, ce qui est nettement différent).
Il devient par la même occasion un objet régulé par l’État, notamment concernant son utilisation pour le blanchiment d’argent.
La définition des cryptomonnaies n’est donc pas encore exactement cernée par tous : celles-ci ne sont en réalité pas de simples moyens de paiement, mais des monnaies alternatives décentralisées, avec toutes les conséquences que cela implique pour le système monétaire « officiel » (des indicateurs statistiques faussés, des politiques monétaires moins efficaces, une mutation du rôle des banques centrales).
La multiplication des distributeurs automatiques de Bitcoin1, permettant leur échange contre de l’argent liquide et inversement, avait déjà contribué à détruire l’image exclusive de la crypto-monnaie.
La popularité du Bitcoin éclipse les centaines d’autres monnaies cryptographiques
Si le Bitcoin est la première implémentation complète d’une cryptomonnaie à une telle échelle, et la plus répandue à ce jour, elle n’est pas la plus aboutie technologiquement, et sa popularité en éclipse aux yeux du grand public des centaines d’autres, au champ d’utilisation souvent plus spécialisé.
Certaines cryptomonnaies sont comparables au Bitcoin de par leurs caractéristiques, tout en étant parfois plus performantes. L’Ethereum, au succès grandissant, en est l’exemple principal : à première vue semblable au Bitcoin, il se distingue par une plus grande rapidité de confirmation des transactions, une plus grande polyvalence, ainsi qu’une absence de limite d’offre sur le marché (alors que seuls 21 millions de Bitcoins peuvent exister au total, ce qui en fait une monnaie en déflation constante) et de limite dans la taille des « blocs ».
La forêt des cryptomonnaies
Mais Bitcoin et Ethereum sont les arbres qui cachent la forêt des cryptomonnaies et de leurs utilisations. Si l’on a plutôt tendance à définir les cryptomonnaies davantage en fonction des algorithmes utilisés que par leur vrai but, elles recouvrent pourtant une immense variété d’usages.
Certaines monnaies ont vocation à rester seulement des moyens de paiement, plus ou moins spécialisés : Paycoin (qui s’est finalement révélée non viable) ou encore Potcoin (dont l’utilisation est orientée uniquement vers l’industrie légale du cannabis) sont deux exemples parmi tant d’autres.
D’autres encore, se définissent par leur lieu d’utilisation, en tant que crypto-monnaies « locales ». Ainsi, Auroracoin se présente comme l’alternative islandaise tant au Bitcoin qu’à la couronne islandaise (deux monnaies fortement régulées par la législation nationale).
L’anonymat peut, lui aussi, être un critère de définition d’une cryptomonnaie, caractéristique que le Bitcoin ne possède pas (dans son cas, on parle seulement de pseudo-anonymat).
Parmi celles-ci, on trouve des monnaies comme Dash (contraction de « digital cash »), dont le projet est de devenir une monnaie virtuelle aussi anonyme et rapide d’utilisation que l’argent liquide.
Révolutionner les transactions… et décentraliser la création monétaire ?
Les cryptomonnaies représentent donc un enjeu économique bien plus important que les simples spéculations sur le cours du Bitcoin. Elles sont un écosystème en pleine expansion, dont les participants sont, certes, plus ou moins viables, mais dont le développement est si fulgurant et la diversité telle qu’on ne peut négliger leur impact sur le reste de l’économie.
Bien sûr, il est nécessaire de se poser les bonnes questions quant à leur viabilité à long terme. L’on sait que les transferts Bitcoin prennent bien moins de temps que des transferts bancaires classiques, mais ils consomment environ 25 fois plus d’électricité.
Aucune fatalité toutefois : l’Ethereum et bien d’autres ont déjà proposé une solution partielle au problème, laissant entendre que c’est la concurrence entre les différentes monnaies qui stimule ces améliorations.
Toujours est-il que le foisonnement de cryptomonnaies qui existe à l’heure actuelle, bien qu’encore spontané et parfois désorganisé, traduit un besoin réel pour des monnaies concurrentielles et décentralisées : c’est une « désétatisation de la monnaie2 » qui semble se confirmer.
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- Les marques Robocoin (ayant depuis cessé son service Bitcoin) et Lamassu ont été les pionniers et principaux fournisseurs de distributeurs de Bitcoin. Une carte mondiale des distributeurs est disponible ici : https://coinatmradar.com/ ↩
- Pour reprendre l’expression de Pascal Salin. Voir : http://www.trop-libre.fr/les-risques-de-l%E2%80%99interventionnisme-politique-dans-les-syst%C3%A8mes-mon%C3%A9taires-modernes/ ↩
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