La guerre contre les propriétaires continue

La France est-elle réellement ce pays de rentiers immobiliers qu’Emmanuel Macron promet de surtaxer ? Il est permis d’en douter puisque, selon Eurostat, le taux de propriétaires en France est inférieur à celui dans l’UE.

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La guerre contre les propriétaires continue

Publié le 19 juillet 2017
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Un article de l’Iref-Europe

Les propriétaires français doivent s’acquitter annuellement de la taxe d’habitation, de la taxe foncière et, éventuellement, de l’Impôt sur la Fortune (ISF), lesquels ont fortement augmenté au cours des dernières années.

À titre d’exemple, le taux de taxe foncière voté par les départements a augmenté en moyenne de 1,5% en 2011, 1,9 % en 2012, 1,8 % en 2013 et même 5 % en 2016 (66 % dans les Yvelines), d’après le Forum pour la gestion des villes et des collectivités territoriales ; à ce taux s’ajoute celui voté par les communes et qui a augmenté en moyenne de 2,8 % en 2010 et 1,8 % en 2015.

De surcroît, les propriétaires doivent s’acquitter de l’impôt sur les plus-values immobilières lorsqu’ils cèdent leurs résidences secondaires1. Or, celui-ci a récemment été renforcé, de sorte que les plus-values sont désormais imposées au taux de 34,5 %2.

Pour mémoire, celles-ci ont été imposées au taux de 28,1 %3 jusqu’en 2010, puis au taux de 32,5 % jusqu’en 2012. À cela s’ajoute, depuis 2013, une taxe supplémentaire[8] qui s’applique en cas de plus-value supérieure à 50 000 euros, et dont le taux s’échelonne de 2 % à 6 %. Au reste, ces plus-values ne sont dorénavant exonérées qu’après 30 ans de détention4 et non plus de 15 ans.

 

Les propriétaires français seront à l’avenir taxés davantage

Au cours de sa campagne présidentielle, Emmanuel Macron n’a pas manqué de viser directement les propriétaires, en promettant d’imposer davantage ce qu’il nomme leur « rente immobilière ».

Pour ce faire, le nouveau président compte instaurer dès 2018 un Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI), lequel devrait correspondre en pratique à l’actuel Impôt sur la Fortune (ISF), mais concentré sur les biens immobiliers.

Reste toutefois à savoir quel sera le champ d’application de ce nouvel IFI, puisque la frontière entre biens mobiliers et immobiliers peut être ténue, si ce n’est purement théorique, et quelles seront les modalités d’imposition : les tranches et le barème d’imposition (allant actuellement de 0,5 % à 1,5 %) resteront-ils identiques ?

Une autre mesure phare devant être instaurée dès 2018 pourrait également avoir une incidence négative sur la fiscalité des propriétaires : il s’agit de l’exonération de taxe d’habitation pour 80 % des Français. Pour comprendre le lien entre cette mesure et les propriétaires, il est nécessaire de rappeler qu’il existe en France deux types d’impôts locaux : la taxe d’habitation, due au titre de l’occupation d’un logement, que l’occupant soit ou non propriétaire et la taxe foncière, due exclusivement par les propriétaires.

L’exonération quasi-généralisée de taxe d’habitation devrait, à terme, porter atteinte aux recettes fiscales des collectivités locales tant il est dans l’habitude de l’État de limiter progressivement les compensations qu’il leur promet.

Celles-ci seraient alors contraintes d’augmenter, soit la taxe d’habitation pour les 20 % de Français occupants non exonérés, lesquels devraient majoritairement être des propriétaires, soit la taxe foncière pour les 65 % de Français qui sont propriétaires.

 

Des arguments qui confinent à la mauvaise foi

Pour comprendre les raisons qui conduisent Emmanuel Macron à vouloir imposer davantage les propriétaires, il convient de se reporter à l’un des rapports de France Stratégie[11], organisme public dont il s’est beaucoup inspiré ; et pour cause, puisque son ancien Commissaire général (Jean Pisani-Ferry) est devenu le directeur du programme économique d’En Marche. Dans ledit rapport intitulé « Quelle fiscalité pour le logement ? », France Stratégie considère que le statut de propriétaire freinerait la mobilité de ces derniers, ainsi que l’offre locative ; par suite, il recommande d’imposer davantage les propriétaires, afin de les inciter à devenir locataires.

Outre le caractère foncièrement dirigiste de cette recommandation, les arguments sur lesquels elle repose confinent à la mauvaise foi, dès lors qu’ils trouvent en réalité leur origine dans un excès d’imposition et de réglementation, lesquels sont directement imputables à l’État.

La mobilité des propriétaires est en effet réduite par les frais de notaires très élevés qui varient entre 7 % et 8 % du bien acheté ; sachant que ceux-ci sont constitués à 80 % de droits dus au Trésor Public notamment au titre des droits de mutation5.

L’offre locative restreinte s’explique, quant à elle, par l’existence d’une multitude de réglementations qui s’imposent aux propriétaires, les dissuadant ainsi de mettre leurs biens en location. À titre d’exemple, la loi Alur6 de 2014 a récemment mis en œuvre l’encadrement des loyers, l’obligation de fournir des documents supplémentaires aux locataires (notice d’information, diagnostics de gaz et d’électricité) et même un permis de louer délivré par les communes !

Enfin, le manque d’investissement dans l’économie productive est directement imputable aux taux d’imposition confiscatoires sur les plus-values mobilières et les revenus de valeurs mobilières instaurés en 2012, ceux-ci allant jusqu’à 62 % !

 

Moins de propriétaires en France que dans le reste de l’UE

La France est-elle réellement ce pays de rentiers immobiliers qu’Emmanuel Macron promet de surtaxer ?

Il est permis d’en douter puisque, selon Eurostat, le taux de propriétaires en France est inférieur à celui dans l’UE. Il y a ainsi seulement 64 % de propriétaires français contre environ 70 % dans l’UE ; avec néanmoins de fortes disparités selon les pays, dans la mesure où l’on compte seulement 52 % de propriétaires en Allemagne, alors que ce taux s’élève à 96 % en Roumanie.

Les anciens pays communistes comptent le plus de propriétaires

La Roumanie est loin de constituer un cas isolé dès lors que l’ensemble des pays de l’ancien bloc communiste enregistrent un taux élevé de propriétaires ; celui-ci s’élève ainsi à 90 % en Croatie, 89 % en Slovaquie et en Lituanie, 86 % en Hongrie, 84 % en Pologne, 82 % en Estonie et en Bulgarie, 81 % en Lettonie, 78 % en République Tchèque et 76 % en Slovénie.

Comment expliquer un taux si élevé de propriétaires dans ces pays ?

Cela s’explique tout d’abord par un besoin fort et légitime de posséder chez ceux qui, jadis, ont été injustement dépossédés, ou qui n’ont même jamais possédé. Cela s’explique ensuite par un fort sentiment de défiance vis-à-vis d’États qui ont été amenés à se muer en États autoritaires et spoliateurs. À cet égard, on ne saurait trop rappeler que le statut de propriétaire constitue le meilleur rempart contre ce type de dérives !

Joseph Proudhon l’avait déjà parfaitement compris au XIXe siècle ; aussi a-t-il très justement écrit :

« La propriété est la plus grande force révolutionnaire qui existe et qui se puisse opposer au pouvoir […] Où trouver une puissance capable de contre-balancer cette puissance formidable de l’État ? Il n’y en a pas d’autre que la propriété […] La propriété moderne peut être considérée comme le triomphe de la liberté […] La propriété est destinée à devenir, par sa généralisation, le pivot et le ressort de tout le système social » – Théorie de la propriété, 1862.

Sur le web

  1. Les plus-values réalisées sur les résidences principales sont exonérées, du moins pour le moment.
  2. Taux forfaitaire de 19 %, auquel s’ajoutent 15,5 % de prélèvements sociaux.
  3.  Taux forfaitaire de 16 %, auquel s’ajoutaient 12,1 % de prélèvements sociaux.
  4. 22 ans pour l’impôt sur le revenu et 30 ans pour les prélèvements sociaux.
  5. Ces droits se décomposent en plusieurs droits proportionnels perçus par le département (4,5 % du prix du bien) la commune (1,20 % du prix du bien) et l’État (2,37 % du montant du droit départemental).
  6.  Loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, publiée en 2014.
Voir les commentaires (19)

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  • Ce qui est vrai, c’est que les plus gros propriétaires ont été dorloté.
    La plupart des grosses niches fiscales concernent l’immobilier (pour la re-loc, crédits écolo, prêt à taux 0…), sans parlé des APL, qui finissent indirectement dans leurs poches.
    Je pense que le problème de la France ne vient pas tant de sa productivité au travail, mais plutôt du fait que les « rentiers » ont été davantage incités à s’intéresser à la pierre qu’aux entreprises.

    • Avant de beneficier d’un pret à taux zero, il faut vraiment avoir des ressources limitées. Les crédits écolos concernent tous les propriétaires pas uniquement les bailleurs.
      Après c’est comme toujours en France, on incite à coups de fiscalisation et une fois bien ferré, on change les règles du jeu

    • Mouais, pas assez Madurien l’état français 🙁

    • Tigrou, il y a un point essentiel que vous oubliez. Les « rentiers » dont vous parlez n’ont, pour la plupart pas volé l’argent qui a constitué leur épargne puis qui,leur a servi aux investissements immobiliers locatifs.
      Par ailleurs, cette connotation méprisante et négative des « propriétaires rentiers » a fait avec eux ce que la lutte des classes contre les « patrons rentiers » a fait auparavant : elle les a découragés à investir.
      L’excès de protection des salariés est comparable à l’excès de protection des locataires.
      Conséquence, les mêmes idéologies produisant les mêmes effets : explosion du chômage et manque chronique de logements à louer.
      Aucun espoir à attendre de l’Etat français sur ces deux points tant que le terme « rente » sera utilisé de cette façon.

    • Si vous alliez débiter vos sottises sur le site de l’Humanité. Les 65% de français, dans leur grande majorité de la classe moyenne, sont des rentiers? Les prêts à taux zéro ne concernent que les salariés avec des revenus minimes!

      • Mais bien sûre… C’était vrai pour les fortunes s’étant constituées après guerre. Aujourd’hui, en dehors de l’acquisition du premier logement (quoique de moins en moins de jeunes acquièrent leur 1er logement sans un apport familiale), la plus grosse partie de l’épargne et du patrimoine est hérité.
        A vous lire vous êtes libéraux un peu quand ça vous arrange. Ces niches fiscales n’ont rien à faire dans ce marché, coupez-les, et à part dans les gros centres villes où le marché sature, le marché s’effondre, l’épargne sera bien obligé d’aller s’investir ailleurs.

      • Les plafonds du taux zéro sont exactement au revenu moyen.

    • En France, les groupes qui correspondent aujourd’hui à la définition précise de rentier sont :
      – les retraités bénéficiant d’un régime de retraite par répartition
      – les bénéficiaires des aides sociales sans activité

      Tous les autres obtiennent leurs revenus en contrepartie d’un travail, qu’il s’agisse d’un travail directement rémunéré ou de la rémunération d’un travail épargné et investi. Ces revenus sont les salaires, indemnités, dividendes, plus-values, loyers, bénéfices, etc. Ces revenus dans leur ensemble ne sont pas des rentes, ni de près ni de loin.

      • Mais bien sûre… C’était vrai pour les fortunes s’étant constituées après guerre. Aujourd’hui, en dehors de l’acquisition du premier logement (quoique de moins en moins de jeunes acquièrent leur 1er logement sans un apport familiale), la plus grosse partie de l’épargne et du patrimoine est hérité.
        A vous lire vous êtes libéraux un peu quand ça vous arrange. Ces niches fiscales n’ont rien à faire dans ce marché, coupez-les, et à part dans les gros centres villes où le marché sature, le marché s’effondre, l’épargne sera bien obligé d’aller s’investir ailleurs.

  • la proprieté pour s’opposer au pouvoir…..ben il faut croire que c’est justement ce qui emmerde profondément ledit pouvoir ….moins de propriétaires , plus de pouvoir……

    • Tout à fait. Ce fut la revendication principale des révolutionnaires de 1789, qui ont inscrit le droit de propriété dans la Constitution. Ils avaient bien compris que c’était le seul moyen qui permet d’échapper à l’arbitraire de l’Etat et des puissants, qui peuvent vous spolier à tout instant. C’est bien pour cette raison que les communistes la supprime.

    • Propriétaire, mais pas en fRance, de quoi que ce soit.
      Là, les polytocards, vous les entubez à fond 🙂

  • Les propriétaires sont « soignés » par le fisc parce qu’ils ne peuvent pas le cacher. Il est plus sûr d’être lourdement taxé si on a investi dans une ville, et dans un de ses meilleurs quartier. Il vaut mieux s’installer dans un petit village, où, par contre, on ne peut espérer un bon loyer.
    Quant aux propriétaires des ex pays communistes, on peut encore les plaindre. Ils avaient été tout simplement spoliés, sous forme d’une confiscation . L’Union Européenne a posé comme condition d’adhésion un retour au respect de la propriété. Dans quel état ces biens ont ils été rendus?

  • J’ai comme l’impression qu’il faut être un véritable bœuf, voire une oie pour investir quoi que ce soit en fRance.

    Investir dans tout pays d’Europe sauf la fRance est un bon choix. Au Luxembourg, les prix s’envolent…

    • C’est bien la raison pour laquelle de plus en plus de français s’exilent, jusqu’en Thaïlande pour certains. Il ne restera bientôt plus que des pauvres et des chômeurs… et les fonctionnaires s’apercevront qu’il n’y a plus d’argent pour payer leur salaire!

  • oui il ne faut plus investir en France c ‘est clair

  • Ce qui doit être encourager, c’est la prise de risque. Un investissement dans l’immobilier des grandes agglomérations, ce n’est pas risqué. Ce sont les multi-propriétaires qui louent (les rentiers) qui doivent être taxés, pas ceux qui achètent leur logement.
    Investir dans un appartement haussmannien à Paris, ce n’est pas pareil qu’investir la même somme dans une PME qui fait de l’innovation technologique. Le risque n’est pas le même et ce n’est la première solution qui créera des emplois et qui fera avancer l’économie du pays.

  • La moyenne UE, c’est une moyenne des pays ou une moyenne pondérée ?

  • « par suite, il recommande d’imposer davantage les propriétaires afin de les inciter à devenir locataires. »
    Locataires de qui ? Il faut bien des propriétaires ? A moins que le but inavoué soit d’inciter à revendre leur bien à ceux qui aurons les moyens de payer tout cela, c’est à dire les super-riches… Même principe que l’ISF, un outil permettant aux très riches de racheter les biens de ceux qui ne peuvent le payer, et donc de concentrer les richesses aux mains des mêmes. Macron est à leurs bottes.

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