La relation franco-américaine : constantes et anicroches

La relation franco-américaine a des hauts et des bas, mais les deux pays sont liés par leurs alliances au cours de l’Histoire.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0
Emmanuel Macron et Donald Trump, 14 juillet 2017 by Chairman of the Joint Chiefs of Staff(CC BY 2.0)

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

La relation franco-américaine : constantes et anicroches

Publié le 17 juillet 2017
- A +

Par Frédéric Charillon1.
Un article de The Conversation

La présence de Donald Trump au défilé militaire du 14 juillet 2017 a illustré à merveille un aspect important de la relation entre les deux pays : en dépit des brouilles (fréquentes), le poids de l’Histoire demeure. Le lien franco-américain est d’abord structuré par des tendances lourdes, pas toutes positives. Il est ensuite souvent fragilisé par des querelles plus anecdotiques, mais qu’il faut veiller à ne pas laisser devenir destructrices.

Les piliers de la relation franco-américaine

Paris et Washington sont d’abord des alliés historiques dont la coopération militaro-politique est irremplaçable, dont les philosophies politiques sont proches mais avec des nuances importantes, et placés dans une relation économique et commerciale qui peut être féroce.

L’alliance franco-américaine est suffisamment connue pour qu’on ne s’y attarde pas. Les deux pays n’ont jamais été en guerre l’un contre l’autre – tel n’est pas le cas de l’Angleterre, de l’Espagne, de l’Italie ni naturellement de l’Allemagne. La France a joué un rôle majeur dans la naissance des États-Unis face à l’Angleterre, et les États-Unis dans la survie de la France face à l’Allemagne.

C’est d’abord cela qui était célébré ce 14 juillet, centième anniversaire de l’arrivée en renfort des troupes américaines dans la Première Guerre mondiale, tout comme on fête régulièrement le débarquement du 6 juin 1944 en Normandie, sans lequel…

Aujourd’hui, du Sahel au Proche-Orient, la coopération militaire, politique et de renseignement entre la France et l’Amérique reste primordiale, et le savoir-faire français en Afrique est admiré outre-Atlantique (Mali 2013, Centrafrique la même année, pour ne prendre que deux exemples récents).

Par ailleurs, autre trait connu : les deux pays sont des puissances démocratiques et libérales, dont Tocqueville a abondamment commenté les différences, mais qui se sont toujours retrouvées face aux autoritarismes, même lorsque les chefs d’État semblaient distants.

Comme le rappelait le général de Gaulle en 1965 dans un entretien avec Michel Droit :

En réalité, qui a été l’allié des Américains, de bout en bout, sinon la France de De Gaulle ? […] Si le malheur devait arriver, et si la liberté du monde était en cause, qui seraient automatiquement les meilleurs alliés, de nature, sinon la France et les États-Unis ?

Ce qui n’empêche pas la tradition rousseauiste de l’intérêt général – souvent vue aux États-Unis comme une insupportable contrainte à la liberté individuelle – de faire mauvais ménage avec la tradition madisonienne de la coexistence d’intérêts particuliers – souvent vue en France comme un insupportable obstacle à l’égalité.

Ces intérêts particuliers, industriels ou autres, ont fait de l’Europe et des États-Unis des concurrents, des rivaux féroces sur le plan commercial ou financier. Au point que c’est sans déplaisir que nombre de décideurs américains verraient bien disparaître des secteurs stratégiques européens pourtant alliés (comme l’aéronautique de défense). Au point que les coups bas pour obtenir des parts de marché ou affaiblir des concurrents font fi de l’alliance politique, sous-tendue par une vision de monde commune, démocratique et libérale.

Pas de meilleur allié de rechange

L’histoire récente (sous la Ve République) des bisbilles au sommet entre les deux régimes présidentiels est pour le moins fournie. On peut certes y voir un facteur protocolaire propice au choc des egos : la France et les États-Unis sont représentés par le chef de l’État dans les grands sommets, tandis que les principaux autres alliés sont représentés par un chef de l’exécutif qui n’est « que » Premier ministre ou chancelier. Querelle d’étiquette qui peut se trouver accentuée par les caractères ou les sensibilités politiques individuelles : De Gaulle et Johnson, Chirac et Bush Junior, Sarkozy et Obama…

On peut y voir, plus profondément, l’obsession française de montrer à son grand Allié qu’elle est « amie, alliée mais pas alignée », selon les mots de Hubert Védrine, ou l’agacement américain face à ce petit partenaire aux moyens réduits mais qui revendique l’égalité souveraine.

Mais les périodes de tension forte ont été, en réalité, pour la plupart générées par des divergences de fond sur les grands dossiers internationaux. À Phnom Penh en 1966, en pleine guerre du Vietnam, le général de Gaulle avertissait les Américains que l’Asie ne se soumettrait pas à leur volonté.

En 2003, menaçant d’user de son droit de veto aux Nations Unies, Jacques Chirac s’opposait à la guerre américaine en Irak, prévoyant une déstabilisation forte du Proche-Orient, et dénonçant l’ultimatum américain contre Saddam Hussein comme une pratique dangereuse pour les relations internationales. Le même Jacques Chirac s’était opposé, au sein de l’OTAN, aux plans de bombardements américains sur Belgrade lors de la guerre du Kosovo (1999). Entre Emmanuel Macron et Donald Trump, la divergence sur l’importance de la question climatique est aujourd’hui totale, et profonde.

Ces oppositions, que l’on aurait donc tort de réduire à de simples affrontements symboliques entre « people » (la poignée de main Trump-Macron), peuvent nourrir un sentiment profond d’incompatibilité de part et d’autre. Le « French bashing » n’est jamais à exclure aux États-Unis, pas plus que la tentation française pour une tendance révolutionnaro-tiers-mondiste parfois réémergente (l’alliance bolivarienne de Jean‑Luc Mélenchon…), mais surtout pour un rapprochement fort avec Moscou, encore prôné par de nombreux candidats aux élections présidentielles de 2017, notamment par trois des quatre arrivés en tête (Le Pen, Fillon, Mélenchon encore).

Le rappel du passé n’est donc jamais inutile, pas plus que le rappel du constat selon lequel, dans de nombreux domaines, ni les États-Unis ni la France n’ont de meilleur allié de rechange. Ces perspectives l’emportent encore sur les frictions individuelles, ou sur les sujets de divergence pourtant réels. Tel est sans doute le sens de l’invitation de Donald Trump à Paris, qui dépasse de loin sa personne.

Sur le web-Article publié sous licence Creative Commons.The Conversation

  1. Professeur de science politique, Université Clermont Auvergne.
Voir les commentaires (6)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (6)
  • bof on a eu une génération qui d’un coté mâchait du chewing gum portait des jean écoutait de la musique US tout en vouant l’es usa aux gémonies… Non l’amitié franco américaine ne va pas de soi..en outre l’indépendance stratégique et politique de la france non plus…On ne peut pas penser français et vouloir pousser l’intégration politique de l’europe plus avant… Du moins ce me semble.

    • @ jacques lemiere
      « On ne peut pas penser français et vouloir pousser l’intégration politique de l’Europe plus avant… »: effectivement, raison pour laquelle « l’interlocuteur valable » des USA (+/- 325 millions d’habitants) est l’Union Européenne (+/- 445 millions d’habitants sans l’U-K). Les 2 entités fédérées pourraient ainsi avoir des relations « fédérales » et d’autres, « d’état à état ».
      Si on rappelle que le parlement européen voit ses prérogatives augmenter (lentement) alors que le conseil européen des chefs d’état et de gouvernement freine des 4 fers, alors que le système européen est plus démocratique que le système de nombreux membres, et bien sûr de principes libéraux encore trop lourdement bureaucratiques.

  • La France n’est ni démocratique, aucune séparation des 3 pouvoirs, et encore moins libérale, car étatique et socialiste. Ce prof de science politique devrait se renseigner sur ce que sont la démocratie et le libéralisme, notion inconnue en France ainsi qu’il le démontre par cette bévue!

  • Les usa n’ont pas d’allliés mais des vasseaux….et on sait comment tout cela se terminera si ils continuent à les traiter comme ils le font.

  • les deux pays sont des puissances démocratiques et libérales,

    Sérieusement ❓ Il me semble que c’est de moins en moins vrai, et que la fRance vire vers le bolchevisme revisité 🙁

    Rêver, un peu, mais point trop ❗

  • La France et les Etats-Unis ont été dans une situation de guerre larvée – limitée à quelques escarmouches navales, heureusement -, entre 1798 et 1800. C’est court, 2 ans, sur 240 ans d’Histoire, mais c’est bien réel quand même.

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don
7
Sauvegarder cet article

Notre nouveau et brillant Premier ministre se trouve propulsé à la tête d’un gouvernement chargé de gérer un pays qui s’est habitué à vivre au-dessus de ses moyens. Depuis une quarantaine d’années notre économie est à la peine et elle ne produit pas suffisamment de richesses pour satisfaire les besoins de la population : le pays, en conséquence, vit à crédit. Aussi, notre dette extérieure ne cesse-t-elle de croître et elle atteint maintenant un niveau qui inquiète les agences de notation. La tâche de notre Premier ministre est donc loin d’êtr... Poursuivre la lecture

La campagne de Joe Biden ne se déroule pas bien. Bien qu’il semble se diriger vers la nomination de son parti, sa cote de popularité ne cesse de chuter, laissant croire que Donald Trump le vaincra s'il obtient la nomination. Son bilan économique mitigé ne sera pas la seule raison pour laquelle plusieurs de ses électeurs en 2020 s’abstiendront ou changeront de camp.

En effet, le récent rapport d’un procureur spécial affirme que Biden a bel et bien été négligent avec des documents confidentiels qu’il a conservés secrètement. Et à l’insta... Poursuivre la lecture

Le fait pour un gouvernement de solliciter et d’obtenir la confiance de l'Assemblée contribue à la prévisibilité, la stabilité et la sincérité de l’action publique, et cela devrait être reconnu comme indispensable.

Le 30 janvier dernier, Gabriel Attal a prononcé son discours de politique générale, sans solliciter la confiance de l’Assemblée, avant qu’une motion de censure soit soumise, puis rejetée le 5 février. Le gouvernement Attal, comme le gouvernement Borne avant lui, a donc le droit d’exister, mais sans soutien de la chambre.

... Poursuivre la lecture
Voir plus d'articles