Par Bernard Zimmern.
Les accords entre partenaires sociaux prévoient depuis longtemps que les journées d’absence pour maladie-maternité soient payées au salarié ; mais c’est une tentation offerte pour allonger les week-ends ou les ponts et, dans le secteur privé, figurent depuis longtemps trois jours de carence non payés au début de toute absence, sauf convention particulière.
Ces journées de carence ne figurent pas dans les statuts des fonctions publiques, et des enquêtes menées par l’iFRAP et publiées en 1998 à partir des bilans sociaux (absentéisme déclaré par les administrations) ont montré que l’absentéisme dans les fonctions publiques nationales, locales et de santé, était entre deux et trois fois plus important que dans le secteur privé.
Plus de chiffres sur les absences de la fonction publique
À la suite de cette publication, les fonctions publiques d’État ont cessé de publier les chiffres d’absentéisme maladie dans leurs bilans sociaux (ce qui est illégal) mais l’iFRAP a pu continuer à les suivre pour les fonctions publiques locales et celle de santé. Alors que cet absentéisme représente environ 3 % du temps annuel travaillé dans le secteur privé, il atteignait en moyenne plus de 6 % dans les secteurs publics avec des pointes à 18 % dans le personnel de municipalités comme Aix.
L’exposé de ces résultats dans la revue Société Civile et à la radio par la directrice de l’iFRAP, Agnès Verdier-Molinié, a été entendu par un député de la majorité Sarkozy, Dominique Tian, et, par amendement dans une loi de finances, il a introduit une journée de carence pour l’ensemble des fonctions publiques à compter du 1er janvier 2012.
Cette simple mesure a immédiatement entraîné une réduction des journées d’absentéisme isolées d’environ 40 %, les fonctionnaires cessant par exemple de prendre des mercredis pour s’occuper des enfants, ou des lundis ou vendredis pour allonger les week-ends, entraînant une économie pour les finances publiques évaluées à 160 millions.
La suppression surprise du jour de carence
Cela a été donc une surprise lorsqu’au printemps 2013 Marilyse Lebranchu, ministre de la Réforme de l’État, de la décentralisation et de la Fonction publique a proposé de supprimer cette journée de carence dans la prochaine loi de finances au motif qu’un rapport DARES de février 2013 montrait que l’absentéisme dans le secteur public n’était pas différent de celui dans le secteur privé.
Pour justifier cette suppression, elle s’appuyait, en effet, sur une étude de la Dares sortie en février 2013, reprenant les chiffres de l’enquête emploi de l’INSEE.
L’une des justifications de la ministre était en effet que :
« Il n’y a pas de problème. Une étude récente de la Dares sur les absences au travail pour raison de santé en 2011, c’est-à -dire avant la mise en place du jour de carence, démontre que les comportements ne sont pas différents entre fonctionnaires et salariés en CDI en matière d’arrêt de travail. L’enquête Dares fait état d’un taux d’absentéisme de 3,7 % pour les salariés en CDI de plus d’un an et de 3,9 % pour les fonctionnaires. »
Donc, puisque les conventions collectives du secteur privé couvriraient d’après elle, 80 % du paiement des jours de carence des salariés du privé, pourquoi pénaliser le public avec une journée de carence non payée ?
Les limites de l’enquête INSEE
L’enquête emploi de l’INSEE sur laquelle s’appuie la DARES est une enquête phare pratiquée chaque trimestre et qui suit les définitions et règles d’Eurostat. Mais c’est une enquête réalisée par téléphone et qui laisse une certaine part d’appréciation à l’enquêteur.
Comme relaté par Emploi-2017, une explication remarquablement embarrassée du directeur de l’INSEE, Jean-Luc Tavernier, devant le bureau du CNIS, l’organe de contrôle de l’INSEE, n’a pas permis de lever le doute qui plane sur l’honnêteté de l’enquête emploi de l’INSEE1dont les résultats sont manifestement contraires aux résultats de l’absentéisme pour maladie tels qu’ils ressortent des bilans sociaux publiés par les diverses administrations ou même d’autres enquêtes INSEE.
En annonçant que la journée de carence va être rétablie pour les fonctions publiques, le gouvernement d’Édouard Philippe s’inscrit dans une triple revendication des Français :
- Lutte contre le déficit public
- Administration davantage au service des contribuables
- Égalité des traitements entre public et privé
À noter que l’introduction d’une seule journée de carence contre trois dans le secteur privé laisse encore une marge de progression à Gérard Darmanin, le ministre en charge du budget.
-  Sur la qualité des publications INSEE, voir la dizaine d’articles publiés par emploi-2017. ↩
Pourquoi s’arrêter à une journée ? Remettre pour TOUS (sans conditions) , 2 jours de carence et ne pas permettre dans le privé, une couverture par les conventions collectives une prise en charge des jours de carence.Ce sera un premier pas vers la valorisation du travail, qui ,depuis les 35 heures, a été considéré comme une contrainte.