Par Sophie Auzerau.
Toi qui crois que le retour d’expatriation est un processus pénible, sache que c’est faux. En vrai, c’est pire. L’impatriation is a bitch.
Toi qui me crois en train de remplir des cartons avec amour et papier bulle, sache qu’il n’en est rien.
Je râle et je panique, en alternance, toute la journée.
Je panique parce que j’ai l’impression que ces cinq années sont passées trop vite. J’ai encore beaucoup trop de choses à voir, à manger et à faire pour que ce soit déjà fini. C’était hier que je croyais partir pour trois ans et que je m’angoissais à l’idée que ça allait être « beaucoup trop long »!
Je râle, parce que c’est dans mon ADN. D’ailleurs si tu étais en vacances à Chicago l’été dernier et que tu as entendu une Française râler que le GPS de son téléphone ne fonctionnait pas au milieu des buildings. C’était moi !
Je m’inscris à tous les groupes d’expatriés et de retour d’expatriation dans l’espoir de trouver des réponses aux questions que je ne me pose pas encore.
Je contemple avec effroi la plupart de ces sites où des pauvres âmes en peine ont erré avant moi, et où elles ont laissé une trace de leur passage comme un appel au secours dessiné dans le sable d’une île déserte. Demain, il y aura d’autres appels au secours qui les recouvriront par vague. Et tu m’oublieras, moi et ma question, comme dans une chanson de Larusso.
Toutes ces questions que l’on pose à ceux qui ont survécu au retour dans l’espoir qu’ils nous disent que c’est indolore et que tout va bien se passer.
Et la Sécu ? Et l’école de mon fils ? Et mon chat ? Ah, celle-là, elle est de moi. Mon chat texan qui va quitter son pays à tout jamais dans un sac en bandoulière sous un siège d’avion, comme un malpropre.
Pour ceux qui seraient venus trouver du réconfort dans cet article, circulez, y’a rien à voir.
Pas d’inquiétude, la p’tite dame va s’en sortir. Si elle n’a étranglé personne avec son papier bulle d’ici le départ.
La propriétaire a mis la maison en vente et a trouvé acquéreur en trois jours alors que nous, nous ne savons même pas encore où nous allons poser nos valises en arrivant en France.
Je te passe le bonheur des visites, du va-et-vient de ces inconnus que je surveille d’un sale oeil alors qu’ils déambulent dans MA maison, MES meubles et MA vie. Je te passe les hurlements que j’ai poussés lorsque j’ai trouvé trois jardiniers en train d’élaguer des arbres dans mon jardin, alors que ma proprio les avait embauchés et qu’ils n’ont pas cru bon de me prévenir ou de sonner avant d’entrer.
Je te passe aussi ma surprise quand un agent immobilier est entré sans sonner (une clé est placée dans un boitier à code sur la porte d’entrée pour les clients qui acceptent les visites en leur absence) alors qu’il savait que la maison était habitée. Je te passe aussi les rendez-vous annulés avec 24 heures de retard. Et les recommandations de l’agent immobilier m’enjoignant de quitter ma maison lors des visites parce que ça gêne les hypothétiques acheteurs.
Je ne te parlerai pas non plus de l’inspection (sorte de diagnostic) qui va durer quatre heures, demain, chez moi, et je te le donne en mille : une fois encore on nous a conseillé de quitter la maison pour ne pas gêner.
Un dernier pour la route parce que je suis au 36è dessous et que je viens de fermer ma porte sur eux : ceux qui débarquent avec toute la famille maternelle et paternelle quand tu prépares ta quiche, l’air impassible. Le plus marrant c’est que ma présence ne les a pas empêchés de tourner autour de moi en débattant de l’éclairage de la cuisine et de la couleur de la porte des placards.
J’ai l’impression d’être dans The Truman show.
Ou bien je vis dans un appartement témoin.
Les gens entrent et sortent, certains sans même un bonjour, ils pénètrent dans notre vie, observent notre façon de vivre et comparent sûrement. Ils pourront dire à leurs amis que « la Française cuisine mais a l’air revêche » et que « le Français est radin sur la clim ».
Ce n’est qu’un début et je sais, l’amertume, c’est moche.
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Sur le web
Pas grand chose sur l’impatriation ici, mais beaucoup sur le fait de quitter une location aux Etats-Unis, si j’ai bien compris. L’Américain qui déménage fait face aux mêmes difficultés.
Par contre, la suite risque d’être difficile, bon courage à vous (et profitez bien de la première année, où vous ne serez pas imposable !)
Oui, aucun rapport avec le titre de l’article.
Lorsque j’ai quitté mon appartement à Melbourne (AU) je me suis plié aux procédures de visite qui étaient clairement prévues dans le bail et vu que j’avais rompu ce bail en cours (bail à durée fixe), j’ai été très content de n’avoir eu à payer que 3 jours d’inoccupation + $200 de frais de pub, quittant l’appartement un vendredi, le locataire suivant arrivant le lundi.
Bien content donc d’avoir vu (ou pas vu) les candidats défiler dans l’appartement, ayant laissé les clefs et une autorisation illimitée à l’agence immo.
Un peu d’honnêté dans cet article ne ferait pas de mal.
Votre retour en France va être infiniment plus pénible, car c’est à l’administration française que vous aurez affaire!
Surtout si elle commence déjà à chougner, alors qu’elle n’est pas encore rentrée.
Contrepoints est-il victime d’une telle crise éditoriale qu’il soit obligé de publier des trucs aussi vides ?
J’ai vécu les même choses que vous aux US, qui se sont beaucoup dégradés sous Obama, au point que mes amis “liberals” mais sincèrement américains ont voté pour Trump. Ce n’est rien à côté de ce qui vous attend à votre retour en France, croyez en mon expérience. Préparez vos médocs contre la gastrite de stress administratif et sociétal.
Pour anticiper les commentaires éventuels, oui, Bush ne valait pas mieux!