Par Frédéric Jollien.
Dans le cadre d’une invitation des jeunes libéraux lituaniens, j’ai eu la chance de retourner dans ce pays que j’avais déjà pu apprécier quelques années plus tôt. C’était l’occasion de retrouver passablement d’amis, d’activistes politiques et de découvrir plus en profondeur ce pays, la richesse de sa culture et ses spécificités locales.
Notre principal port d’attache était Vilnius, la capitale historique de Lituanie qui fut également pendant de nombreuses années une ville polonaise et biélorusse.
Vilnius surprend par ses contrastes entre son quartier des affaires où l’on voit fleurir des immeubles modernes, sa vieille ville historique magnifiquement conservée et ses banlieues plus modestes construites lors de l’époque soviétique.
Un endroit devenu agréable à vivre
Comme bon nombre de villes ayant effectué une transition vers le libre-marché, certains quartiers à l’abandon sont réaménagés par des artistes bohèmes comme le quartier d’Užupis qui a créé sa propre communauté avec sa Constitution, son drapeau et sa monnaie.
C’est aujourd’hui un endroit agréable où les passants et les touristes viennent se prélasser au bord de la rivière et goûter aux bières locales sous la statue d’un ange soufflant dans une conque, symbole d’une liberté d’expression retrouvée.
Si les Lituaniens ont leur propre langue, on trouve encore une large communauté polonaise et biélorusse. Les tensions historiques entre ces populations se sont largement apaisées mais cela reste un sujet tabou que les habitants de Vilnius ne souhaitent pas évoquer.
Nostalgie du royaume de Pologne
Quelques graffitis évoquent encore avec humour la nostalgie de certains Polonais du temps de l’appartenance de Vilnius au royaume de Pologne. L’histoire de la Lituanie et de la Pologne est très liée et si ces deux nations sœurs ne partagent pas la même langue, leur nourriture et leur culture se sont largement entremêlées.
Tout comme la plupart des pays d’Europe centrale et des pays baltes, au sortir du régime communiste la Lituanie a dû amener des changements drastiques dans ses institutions politiques. La mentalité de la population était tournée vers le changement, vers l’Europe et le monde occidental.
Il a fallu rebâtir un régime politique et légal basé sur les principes de propriété privée et de respect des libertés des citoyens. Le processus n’a pas été simple car la Lituanie dépendait largement de la production provenant de Russie, et la privatisation a été entachée de nombreux scandales et d’erreurs.
La transition progressive de la Lituanie
Contrairement à la Tchécoslovaquie, la Pologne ou l’Estonie, la Lituanie fit une transition progressive (bon nombre d’entreprises restèrent en main publique) avec un grand nombre de restrictions sur les nouvelles propriétés privées.
Alors que l’Allemagne de l’Est mettait aux enchères ses biens publics et que la Tchécoslovaquie distribuait des coupons-actions aux citoyens sur les nouvelles entreprises privatisées, la Lituanie a préféré retrouver les propriétaires légitimes, ce qui entraîna des procédures judiciaires interminables minant le moral des citoyens et ralentissant la transition.
Bon nombre d’erreurs ont été effectuées par le nouveau gouvernement au pouvoir mais les Lituaniens finirent par rejoindre, au début des années 2000, l’ardente croissance des pays baltes.
Système électoral mixte
La nouvelle république de Lituanie possède aujourd’hui un parlement monocaméral de 141 députés appelé le Seimas. Le système électoral mixte (mi proportionnel, mi majoritaire) favorise la multiplicité des partis. Aujourd’hui il existe plus de 39 partis officiels dont 10 sont représentés au parlement. Un adage populaire dit que deux Lituaniens forment trois partis différents.
La Lituanie panse encore les plaies de plusieurs décennies de communisme mais ressemble aujourd’hui à s’y méprendre aux autres social-démocraties occidentales. On peut y trouver quelques aberrations législatives typiques d’un État interventionniste paternaliste.
Ainsi, à partir de 22h il n’est pas possible de vendre de l’alcool sous forme de bouteilles fermées. La raison est que le législateur souhaitait restreindre la consommation d’alcool mais ne pouvait pas décemment interdire sa vente dans les bars et les clubs nocturnes.
Absurde législation sur l’alcool
Par conséquent, les dépanneurs et autres petits marchands vendent de l’alcool après 22h mais ouvrent les bouteilles devant leur clients en refusant de leur fournir un moyen de fermer la bouteille pour le transport. Aberration évidente qui amène les jeunes à se forcer à finir leurs boissons pour éviter le gaspillage et à boire durant le trajet pour éviter de s’en mettre plein les doigts.
L’alcoolisme semble être un sujet de préoccupation du gouvernement lituanien qui cherche en gesticulant des solutions législatives visant à prohiber la vente d’alcool aux jeunes n’ayant pas atteint l’âge de 20 ans. Les libéraux lituaniens tâchent aujourd’hui d’expliquer à ces politiciens les multiples conséquences secondaires qu’entraîneraient ces mesures en organisant des conférences et des débats.
Des jeunes indépendants
Comme vous le voyez, les tendances politiques semblent bien proches de celles des pays de l’ouest. Cependant, il y a de bonnes raisons d’avoir bon espoir : les jeunes sont fortement attachés à leur indépendance et à la liberté des citoyens. Ils veulent retrouver la Lituanie libre de ses fondations : un grand pays qui rayonnait par ses libéralités et qui accueillait les cerveaux de toute l’Europe.
J’ai pu rencontrer les jeunes libéraux lituaniens ainsi que les membres de Students for Liberty Vilnius et le dynamisme de leur activisme est incomparable au niveau européen. Festival, camps organisés en été et au printemps pour discuter des sujets politiques actuels et des prochaines actions à mener.
En mars dernier ils effectuèrent une opération de distribution de bananes dans la rue pour montrer aux citoyens leur chance de vivre dans un pays sans « déficit » ni rationnement et où l’on peut librement acquérir des produits provenant de toute la planète.
Si la Lituanie est évidemment loin de la perfection, sa population semble avoir compris certaines leçons de l’échec du communisme et cherche de plus en plus à s’inspirer de ses voisins baltiques ou occidentaux tout en prenant conscience de leur prospérité nouvellement acquise.
Il faut voir les divers avatars de la Pologne, Pologne + Lituanie ou Lituanie “toute seule”. Il existe des animations avec cartes géographiques mouvantes sur les derniers siècles, très édifiant !
Vilnius n’a jamais été une ville polonaise ou russe! Entre le Moyen-âge et la disparition de la Pologne en 1793, celle-ci était liée à la Lituanie par l’accession de la dynastie lituanienne des Jagellons au trône de Pologne. Ensuite ce fut la République des 2 nations!
Virgile : Vous remontez trop loin 😉 Après la première guerre mondiale les forces polonaises ont occupé la ville de Vilnius, elle était séparée de la Lituanie administrativement. Beaucoup de polonais s’installèrent dans la ville et elle garde encore cette emprunte dans la population de la ville.