Un article de Trop Libre
« J’ai peur de la libanisation de la France ».
Voilà ce qui inaugure cet ouvrage. Le ton est donné, l’auteur citant également dès les premières lignes Alain Finkielkraut selon lequel le camp de ceux qui se sentent « devenir étrangers sur leur propre sol » n’est plus circonscrit à l’extrême droite ou aux électeurs du Front national.
On perçoit alors aisément la volonté de l’auteur, journaliste et essayiste, de montrer que la question identitaire percute désormais notre société, et qu’il va falloir en débattre, sans détour. C’est l’objectif que propose l’auteur de cet essai passionnant, abordable et d’utilité publique, mené de façon courageuse, franche et sans détour.
Déferlement de la mouvance identitaire
Dès le titre La France identitaire, le ton et le sujet sont clairement annoncés. Le sous-titre quant à lui, Enquête sur la réaction qui vient traduit indéniablement l’idée d’un déferlement de la mouvance identitaire, phénomène désormais inséparable de la pensée politique et intellectuelle de notre pays.
Si ce phénomène dépasse largement les frontières du territoire français, l’auteur limite toutefois globalement son étude à la France. L’essayiste se propose ainsi, sans tabou, d’enquêter, d’analyser objectivement ce phénomène, à partir, et c’est là que résident l’originalité et l’intérêt de ce livre, de cas précis, de rencontres, d’entretiens et de témoignages sans filtre.
L’obsession de l’identité dans une France meurtrie, inquiète, angoissée, malmenée par les bouleversements du XXe et du XXIe siècle constitue dès lors le fil directeur de cette enquête qui donne la parole, de chapitre en chapitre, à tous les tenants de ce propos identitaire.
Au-delà de l’extrême droite
Le journaliste nous amène à constater que les mentalités ont évolué vers l’obsession identitaire, et que cette tendance n’est pas limitée comme tout un chacun pourrait le croire à l’extrême droite ou aux électeurs du Front national. Au contraire, ce livre, et c’est sa force, démontre le glissement de cette thématique dans tous les camps et les débats politiques.
Ainsi chaque chapitre est construit autour d’un groupe identitaire ou tout simplement politique, d’une personnalité intellectuelle ou politique marquante. Si parfois les propos cités ont de quoi donner la nausée, c’est de façon lucide que le journaliste dessille page après page, les yeux souvent fermés de ses lecteurs.
De fait les chapitres « La complainte des Français de souche » ou le pouvoir des « petits blancs » s’appuient sur les remarques et les confidences de Pierre Sautarel, fondateur et animateur du site Fdesouche qui revendique entre 80 000 et 120 000 visiteurs par jour : le site sélectionne des faits divers dans les médias et ne produit aucun contenu propre, les internautes s’en chargent. Le racisme le plus violent s’y exprime, nous dit Éric Dupin et la conception « racialiste de la société » s’y exprime.
Génération identitaire
L’ouvrage présente aussi « L’agit-prop de Génération identitaire » qui a succédé en 2012 aux Jeunesses identitaires, groupement créé par Philippe Vardon : le journaliste explique que la visibilité médiatique de Génération Identitaire est assurée par des opérations soigneusement organisées susceptibles de déclencher des réactions telles que le 20 octobre 2012 avec l’occupation du chantier de la future mosquée de Poitiers.
Si une place est réservée aux individus, les idées ne sont pas en reste dans cet ouvrage.
L’auteur évoque avec toujours autant de recul, sans jamais manifester une prise de position, les pionniers du combat identitaire dans leur grande diversité avec l’idée de remigration, la thèse du grand remplacement de Renaud Camus, le culturalisme d’Alain de Benoist et la critique de la Mêmeté, l’identité malheureuse ou la déculturation d’Alain Finkielkraut qui espère un sursaut car notre mode de vie n’est pas négociable.
Droite et gauche dans le même bateau
Plus intéressant encore, ce passage où l’essayiste nous montre que le thème de l’identité nationale n’est pas l’apanage de l’extrême droite. Ainsi, pour le journaliste, « La question identitaire n’a pas fini de tarauder la droite face à la concurrence du Front national ».
De l’autre côté, l’auteur aborde aussi une gauche embarrassée, fragmentée. Une gauche multiculturaliste s’oppose alors à une gauche républicaine. Le malaise est perceptible entre les courants, dès lors qu’il s’agit d’entrer dans ce débat dangereux pour une gauche française qui n’a toujours pas réussi à trancher cette question.
Toujours dans cette idée, le livre se termine sur les « Identitaires d’en face » avec par exemple le Parti des Indigènes de la République, fondé en 2010, dont son leader Houria Bouteldja, prône une vision racialiste virulente de la société qui s’aligne, selon le journaliste, sur celle « des identitaires gaulois les plus enragés » et cherche à en finir avec « l’universalisme blanc » avec par exemple le camp d’été colonial interdits aux Blancs…
La crise identitaire française
On l’aura compris ce livre s’attache à nous présenter la photographie d’une France engluée dans une crise identitaire qui la dépasse, un contexte explosif sans précédent , une mutation ethnique en un laps de temps relativement court.
Cela a de quoi inquiéter et faire réfléchir.
C’est dans la conclusion que l’auteur apporte un regard plus personnel en proposant des solutions reposant sur l’analyse profonde et scientifique de la société française : « le slogan du vivre ensemble » étant largement démenti, l’auteur propose une vision universaliste et plurielle prenant en compte les ancrages ethniques et prônant « la plus grande fermeté dans le respect des valeurs républicaines », autour « d’un projet politique fédérateur, ambitieux capable de dépasser la crise sociale , économique et politique. »
En définitive, voilà un livre qui se donne pour ambition d’explorer et non de dénoncer, de comprendre et non de juger. Voilà un livre permettant de concevoir ce qui a été longtemps inconcevable : comment ces idées sont parvenues à s’imposer dans le paysage politique du pays des droits de l’Homme.
Éric Dupin, La France identitaire. Enquête sur la réaction qui vient, éditions La découverte, 2017, 250 pages.
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