Présidentielle 2017 : et le troisième tour ?

Quel que soit le prochain locataire de l'Elysée, le troisième tour social, habitude française, promet d'être particulièrement musclé.
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Belgique manifestation du 6 novembre 2014 - Credit secoursrouge(dot)org

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Présidentielle 2017 : et le troisième tour ?

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 21 avril 2017
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Décidément, ces élections ne sont comparables à nulle autre. Oh, bien sûr, la Cinquième République aura eu précédemment son lot de surprises, mais jamais scrutin n’aura semblé aussi ouvert, aussi imprévisible que celui qui s’annonce dimanche. Mais au-delà de la surprise de dimanche soir, il restera cependant quelques invariants.

Ces invariants sont esquissés, à demi-mots, dans un précédent billet : quel(le) que soit l’élu(e) désigné(e), la France devra ainsi toujours se coltiner une dette abyssale, un système de retraite archaïque, un niveau de prélèvement stratosphérique, une panoplie de services publics de plus en plus déglingués et des partenaires sociaux, tant côté patronal que salarial, englués jusqu’au cou dans les paradigmes idéologiques d’un autre siècle.

Bref, le nouvel occupant de l’Élysée aura fort à faire s’il compte effectivement appliquer son programme.

Pour Macron et Fillon, la question mérite d’être posée puisque l’un comme l’autre ont montré une certaine pusillanimité, tant lorsqu’ils étaient aux commandes de leurs portefeuilles respectifs que pendant la campagne où ce qu’ils proposaient a été sujet à des variations notables d’une semaine à l’autre.

Pour Mélenchon et Le Pen, on ne doute guère qu’ils voudront effectivement appliquer le bricolage rigolo pour enfants déficients qu’ils ont l’audace d’appeler programme. Mais des éléments extérieurs pourraient bien les en empêcher vivement : l’un comme l’autre, ennemis fièrement annoncés de la finance apatride capitaliste ultralibérale turbo-mondialisée (qui sonne foutrement mieux que « les étrangers » ou « les bourgeois », vous me l’accorderez), n’en sont pas moins à préconiser une relance vigoureuse des dépenses publiques à grands renforts d’argent des autres, ceux-là même qu’ils entendent combattre. Cela promet d’ores et déjà quelques petits moments surréalistes lorsqu’il faudra composer avec les ennemis (Hollande, le joyeux fossoyeur de ces élections, en sait d’ailleurs quelque chose et pourra filer quelques tuyaux de xyloglotte à nos deux tribuns ).

Mais dans tous les cas, que le peuple français ait pioché dans les clowns extrêmes ou les oints tièdes, tout le monde semble oublier, pour le moment en tout cas, ce troisième tour social qui a fait la spécificité et tout le charme de la République française, une, indivisible, citoyenne et festive.

Citoyenne et Festive, depuis 1789

Eh oui : une fois élu, le nouveau locataire devra impérativement faire avec les contingences évidentes du pays. Or, cela promet quelques parties de plaisir, vu l’état déplorable dans lequel Hollande l’a laissé (et même si ce dernier affirme le contraire, toute honte bue et avec l’aplomb consternant que seuls les cuistres et les traîtres cyniques peuvent prodiguer).

Mélenchon président, c’est l’assurance que tous les petits pioupious de la République, maltraités par la gauche demi-molle et « turbolibérale » de Hollande, viendront pleurnicher aux portes du palais présidentiel pour réclamer la fin des hostilités. Jamais les sprinklers à pognon ne seront ouverts avec autant de vigueur et l’intermittence du spectacle n’existera plus : il sera permanent, chamarré et dans toutes les rues. Les baltringues et troubadours de l’indigence économique seront de sortie, cela va ripailler sévère les premières semaines.

Marine présidente, c’est un festival de hurlements de toutes les pleureuses médiatiques, de tout ce que l’administration, l’Éducation, la Culture ou la Justice contiennent de fiers résistants à l’hydre faââasciste qui combattront, soyez en sûrs, la trop grande fécondité du ventre de la beuhête immonheudeu. Le troisième tour social prendra toutes les formes possibles, grève incluse.

Si, avec Mélenchon et Macron, on peut raisonnablement parier sur la continuité d’un tranquille développement de la lutte permanente pour la « justice sociale », permettant à coup sûr d’importer des États-Unis la fine fleur des « penseurs » de ces théories fumeuses dans nos campus, nos entreprises et nos politiciens, l’avènement d’un Fillon ou d’une Le Pen à l’Élysée promettent que cette même herbe folle se mette immédiatement à entrer en transe, ses hurlements montant rapidement dans les ultrasons. Il n’est absolument pas exclu de constater des actions de plus en plus violentes, ces adulescents aux hormones mal contrôlées n’étant pas à un paradoxe près.

Mais il ne faudrait pas se réjouir trop vite d’une élection de Fillon ou Macron.

L’un comme l’autre seront des présidents élus avec une base extrêmement fragile. Pour Macron, la majorité parlementaire semblera difficile à réunir. Pour Fillon, tout le monde s’interrogera, presse et justice en premier, sur la réelle légitimité de ce président aux nombreuses casseroles (réelles ou montées de toutes pièces, peu importe ici). Mais en définitive, chaque tentative de « réforme », aussi timide soit-elle, risque de jeter sur les routes et sous les pavés français des hordes de mécontents pas du tout d’accord avec cette version de la démocratie qui leur impose, zut et flûte, un président vraiment pas comme ils l’avaient prévu.

Autrement dit, si l’été permettra peut-être de ménager un couloir sans trop d’actions merguezo-syndicales, rassurez-vous : septembre 2017 promet déjà de belles luttes (pas du tout finales) pour les acquis saucissiaux du pays qui imposent des grillades dès qu’il s’agit de toucher aux 35 heures, à la retraite, aux dépenses publiques, aux impôts des uns et des autres, ou lorsque le fumet de la gamelle redistributive est par trop appétissant.

On l’aura compris : le troisième tour social aura bien lieu. Ce pays est trop fracturé, trop tendu, trop déchiré par trop de courants antagonistes pour que le quinquennat du prochain élu se passe en douceur ou avec l’assentiment des foules. Bien avant de désigner un gagnant, cette élection fournira une armée de déçus qui, quel que soit son camp, n’entendra rien laisser passer à celui qui aura décroché la queue du Mickey au manège présidentiel.

On sait qu’on aura droit à des manifestations, des protestations fortes, des débordements, des bras de fer plus ou moins légitimes, plus ou moins propres, plus ou moins lucides. Tout aussi certainement, on sait que les forces vives de la nation, ses artisans, ses (auto)entrepreneurs, ses commerçants petits ou grands, ses indépendants, ses professionnels un peu, moyennement ou beaucoup « uberisés », ses bénéficiaires de l’économie numérique ou ses victimes, ses écoles et crèches privées, j’en passe tant et plus, on sait que ceux-là deviendront inaudibles dans le brouhaha qui promet de s’installer dans ce troisième tour social, alors même que ce sont eux qui, tous les jours, créent les richesses que les actuels candidats entendent pourtant distribuer avec plus ou moins de générosité.

La France de mai 2017 promet d’être agitée. Il serait temps que ce soit par ceux qui la maintiennent la tête hors de l’eau. N’y comptez pas trop.


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  • que les forces vives de la nation , toutes à l’unisson , arrêtent de régler leurs cotisations sociales , leur tva et tutti quanti , sans même ouvrir leur bouche ils deviendront audibles et on s’intérressera à eux ……oui je sais , je rêve ……

  • N’y comptez pas trop ? Pour l’inst

  • Je veux bien faire la grève de l’impôt, mais il faut être nombreux pour que ça ait le moindre effet…
    Je veux bien faire la grève des cotisations sociales, mais ça va pas être facile de convaincre mon employeur…

  • moi je suis chaud !!

  • Excellent article. Merci

    C’est effectivement révélateur et inquiétant que la majorité des médias aient peu ou pas du tout souligné que tout engagement de candidats (qui n’engage que ceux qui y croient) était conditionné, sauf appel au 49.3, par une majorité dont il ne faut pas souhaiter qu’elle soit mono-parti vu les graves défauts des candidats en présence

    Avons-nous connu, connaîtrons-nous enfin des personnalités politiques, femmes comme hommes, ayant la sagesse altruiste comme boussole ?
    C’est pourtant bien ce qu’il aurait fallu et faudrait à la France au sein d’une Europe de type fédérale avec une monnaie commune mais pas unique et surtout avec des responsables du même calibre n’ayant pas le droit de se faire réélire par un électorat nettement mieux cultivé économico-politiquement et pas essentiellement crédule et moutonnier.

    • @ SPRIKITIK
      La campagne fut médiocre: ce fut le festival de la parole irréaliste.
      Les citoyens dégoûtés n’iront pas voter. D’autres, mécontents, feront un vote de protestation. Mais avec 4 candidats autour de 20% (marge d’erreur probablement autour de 5% vu le nombre d’indécis et des traditionalistes de droite ou de gauche perturbés) il devrait y avoir 60 % des « votants significatifs » qui ne verront pas leur candidat(e) triompher, donc déçus!
      Quelle sera leur réaction lors des législatives? Une cohabitation imposée est un risque réel, avec les inconvénients prévisibles pour une gouvernance univoque.
      Je souhaite d’ores et déjà bonne chance à votre futur président: il en aura bien besoin!

  • Les commentaires sont fermés.

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Je voudrais revenir ici sur quelques-unes des inepties qui émaillent le programme économique et les discours de madame Le Pen (mais aussi ceux de l'extrême gauche).

 

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