La politique monétaire absente de la campagne présidentielle

Le rôle de la monnaie et la politique de la BCE n’ont jamais été abordés durant cette campagne : il serait pourtant urgent de se pencher sur le problème !

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La politique monétaire absente de la campagne présidentielle

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 24 mars 2017
- A +

Par Eddie Willers.

Mon ambition ici n’est pas de faire une analyse politique de la présidentielle ni de savoir lequel des onze candidats a le programme qui convient pour redresser la France. Non, au travers de cet article, je souhaite juste partager mon étonnement sur l’absence totale lors de cette campagne d’un sujet majeur : la politique monétaire.

J’ai évidemment pu manquer certains débats ou certaines interviews, cependant le rôle de la monnaie et la politique de la BCE n’ont de mémoire jamais été abordés durant cette campagne. Pourtant nous parlons d’économie : de savoir s’il faut travailler plus ou moins, de la façon dont il faudrait redistribuer les richesses, des niveaux de taxation, etc. Mais jamais n’est évoqué ce que la BCE fait actuellement.

La politique monétaire n’enthousiasme pas les foules

Pourquoi donc ? À mon sens, la politique monétaire a toujours été vue comme un sujet très technocratique, froid et qui n’est pas du genre à faire soulever les foules. Autrement dit, c’est assez peu vendeur à l’heure où les électeurs souhaitent des choix simples et des idées simplistes. D’autre part, la BCE est une institution indépendante, donc nos politiques se disent : « de toute façon elle est indépendante, elle vit sa vie dans son coin et c’est aussi bien ainsi. »

Pourtant la BCE est en train de planter les germes de la prochaine crise financière et économique. En déversant des quantités gigantesques de liquidités sur les marchés financiers, cette dernière a brouillé tous les signaux qui permettent aux investisseurs de faire des choix intelligents.

L’argent est devenu si peu cher que tout projet devient rentable. La notion de risque disparaît d’une part parce que l’emprunt coûte peu et donc l’échec a des conséquences moins graves, d’autre part parce que quand les affaires tournent au vinaigre, les États viennent vous renflouer (avec l’argent gratuitement imprimé par Francfort).

Une gigantesque bulle d’actifs

Il en résulte la création d’une gigantesque bulle sur toutes les catégories d’actifs. Dans le même temps, l’inflation (qui n’est rien d’autre qu’une taxe sur l’épargne) frôle les 2% dans la zone euro, soit la limite en dessous de laquelle la BCE doit la contenir.

Pour autant Mario Draghi continue le plus sereinement du monde à acheter des dettes sur les marchés, que ce soit pour des entreprises publiques ou des entreprises privées et à déverser ses billets. La BCE a littéralement nationalisé les marchés financiers, si bien que personne ne comprend plus rien au risque ni aux valorisations dans cet immense jeu de dupes.

Et évidemment cela va mal finir, comme en 2008. Et comme en 2008, les journalistes et les politiques nous diront que c’est la faute du capitalisme financier si nous en sommes arrivés là.

La politique stupide de la BCE

À aucun moment, un homme politique français ne vociférera contre la politique proprement hallucinante de stupidité de Draghi et ses sbires. Alors que la colère monte en Allemagne contre l’inflation et que Wolfgang Schaüble s’énerve publiquement contre la politique de la BCE, en France rien ne bouge.

Pourquoi ? Parce que la France est malade, malade de son addiction à la dette et la BCE est son principal dealer. Jamais elle ne lui demandera d’augmenter ses prix ni de baisser son offre. De plus, comme elle refuse obstinément la voie de la cure de désintoxication, elle finira à un moment donné par crever d’une overdose.

J’espère sincèrement que ce thème sera abordé d’ici le premier tour afin de voir si certains candidats ont compris les enjeux de cette augmentation massive de la masse monétaire opérée depuis 2012. Je ne me fais cependant pas d’illusions : tel un toxicomane, la France est dans le déni, incapable de se rendre compte du danger dans lequel elle se trouve.

L’important n’est pas la chute, c’est l’atterrissage.

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  • Je partage totalement le point de vue de cet excellent article, mais il faut quand-même remarquer que les principaux candidats​ abordent le problème de la politique de la dette. Melanchon fait une croix sur les remboursements comme l’ont fait les bolcheviques, Marine Le Pen et Dupont Aignan remboursent en monnaie de singe en sortant de l’Euro et sèment le chaos monétaire, Hamon comme Melanchon annule la dette mais à partir de 2008, Macron ne s’exprime pas sur le sujet mais il continue le shoot en travaillant à la marge sur les économies budgétaires, seul Fillon présente un véritable programme de désintoxication. En résumé la plupart des candidats ont un projet de politique monétaire, démagogique, irréaliste, à la hauteur de cette campagne

    • @ Crunch
      Je doute que le problème soit aussi simple qu’expliqué, ni d’ailleurs, qu’il soit plus honnêtement traité par la BCE: oui, la France augmente sa dette, ni en or, ni en actions, en billets libellés en €: l’€ risque donc de devenir la « monnaie de singe », mais parallèlement, on a vu les U.S.A., la Chine (qui a, elle, augmenté sa réserve d’or) et même la Suisse imprimer plus aussi. La £ a paradoxalement résisté assez bien, pour le moment, à une dévaluation importante, suite théoriquement logique du brexit.

      La dévaluation de l’€, probablement réelle et concrète, est masquée par celle des autre monnaies « DTS ».

      « L’argent pas cher » va évidemment favoriser les investissements importants couverts par des obligations à long terme: investissements rentables plus rapidement avec des obligations qui elles, sont un pari sur l’avenir, moins intéressant, quand les taux d’emprunt finiront par augmenter, alors que la plupart des pays européens se seront plus ou moins habitués à la discipline européenne, selon les critères dette, budget, inflation, de la BCE. On voit ces pays discrètement redécoller: ce sera évidemment moins le cas, en France qui voudrait plus de solidarité européenne mais sans les efforts vécus ailleurs!

      C’est bien cet appel à la solidarité de l’€-zone, par l’harmonisation sociale et fiscale, censée protéger la production et l’exportation françaises, qui en est clairement le symptôme.

      Qui ne connait pas ce beau principe que « l’égoïste, c’est celui qui ne pense pas à « moi » »?

  • la BCE a accordé 233 milliards d’euros de prêts à long terme à intéret nul , qui rapporte aux banques , lesquelles se sont voracement jeté sur cette manne ( la tribune )

  • Vous croyez vraiment que les gens de la BCE sont stupides ?
    Si vous les croyez stupides c’est sûrement que vous ne comprenez pas leur but ,but qui si il est atteint est une preuve d’intelligence , non?

  • Il me semble que la politique monétaire est loin d’être absente de cette campagne, mais ce n’est peut-être pas pour les bonnes raisons. Regardez simplement les propositions du Front National, une des mesures phares qu’il proposent est de « retrouver notre souveraineté monétaire », en mode « c’est chez nous qu’on doit faire chauffer la planche à billets ». Si je ne me trompe pas on trouve des propositions similaires chez Mélenchon et Hamon, avec des histoires de « on va quand même pas rembourser tout ça aux marchés financiers apatrides, on va faire défaut, ça sera plus simple ». Sans parler des candidats rigolos qui sont encore plus communistes que ceux que j’ai cités.

    • Je suis d’accord, même si je trouve aussi que la stratégie monétaire de la BCE est dangereuse, ce qui est proposé par nos chers (chères?) politiques l’est bien plus.

  • Quel rapport entre la France accro à la dette et la planche à billets européenne qui arrose les banques ?
    Aucun.
    La dette pour les états est indispensable pour penser les équipements de l’avenir. Un peu comme quand on s’endette pour acheter sa maison. C’est un investissement.
    Les banques sont sensées redistribuer cette manne dans l’économie réelle, ce quelle font très peu. Ce qui conduit à une bourse en complet décalage avec l’économie réelle et à la formation de bulles qui nous peteront au nez.
    Et je suis d’accord avec vous pour dire que la planche à billets telle quelle est utilisée aujourd’hui est une fuite en avant qui n’a qu’un mur en bout de course.
    Quand au programme FI, la grosse différence est que les investissements se feront dans l’économie réelle, créant ainsi un cycle positif sur le moyen et long terme, avec certes une inflation un peu plus importante qu’aujourd’hui. Mais de quoi se plaint on, l’inflation est le meilleur moyen de rembourser une dette, en tout cas la partie qui est légitime.

  • Pourquoi en parler…
    Ceux qui sont pour le maintien dans l’UE voire plus d’intégration voient que la BCE, en plus des dettes souveraines, rachète désormais de la dette privée de certaines entreprises (notées à minima BBB-). Ce qui est pas mal pour la France dont les entreprises se financent davantage sur le marché obligataire. Et le tout ad vitam, qu’ils pensent, donc tout va bien…
    Ceux qui sont contre l’UE voire pour la sortie de la zone, considèrent que la rupture sera bénéfique et qu’en passant on pourra s’asseoir sur nos dettes ou très fortement les réduire. Et le tout sans dommage…
    Maintenant, la seule perspective qui importe à cette cour de récré de candidature à la Présidence est de savoir « qui qui va piquer toutes les billes » quand la sonnerie de fin va retentir. Une pour l’immunité, deux pour les tunes, trois pour le carnet d’adresses, quatre pour les voyages…

  • pas stupides juste totalement dénués de sens moral

  • Les commentaires sont fermés.

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