Aujourd’hui 15 mars, Trump bute sur le plafond de la dette

Washington se dirige vers un grave problème du plafond de la dette d’ici le milieu de l’été.

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Donald Trump by Gage Skidmore(CC BY-SA 2.0)

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Aujourd’hui 15 mars, Trump bute sur le plafond de la dette

Publié le 15 mars 2017
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Par David Stockman.

Les mêmes forces qui ont empêché Reagan « d’assainir le marigot » empêcheront aussi Trump d’en faire autant.

En 1985, j’ai quitté le Cabinet de Ronald Reagan complètement dégoûté. La Révolution Reagan avait conquis Washington pour « assainir les marigots » ; c’est-à-dire réduire les dépenses, diminuer la taille du gouvernement et rendre le pouvoir au peuple et aux marchés libres.

Cela n’eut pas lieu. Au contraire, les marécages se sont approfondis et leurs eaux sont devenues plus stagnantes que jamais. J’ai donc écrit mon premier livre, The Triumph of Politics [« Le triomphe de la politique », NDLR] en 1986. Je voulais montrer comment les « créatures du marigot » à Washington avaient rendu impossible toute tentative d’assainissement.

Conflits partisans à prévoir

C’est exactement ce qui s’est passé les 30 premiers jours de l’administration Trump. Et ce n’est qu’un avant-goût de ce qui nous attend. La Maison Blanche de Trump sera engluée par des conflits partisans et des crises tout au long des quatre prochaines années.

Je me souviens de l’année 1980. En tant que membre du Congrès, j’étais le « sparring partner » de Ronald Reagan pour le préparer aux débats pour la présidence. Puis Reagan me nomma directeur du budget. Comme Trump, Reagan fut mal accueilli par la cour de Washington. Mais je me souviens que même le député Ron Dellums, qu’on pourrait qualifier de marxiste, assista à sa prestation de serment.

Cette première vague de cordialité de la part du parti démocrate n’était pas simplement formelle. Dans mon propre cas, je me souviens du président de la Chambre des Représentants Tip O’Neill m’invitant personnellement dans son immense bureau pour rencontrer toute son équipe et sa série de présidents de comités peu de temps après l’inauguration.

À l’époque, je considérais l’assemblée réunie dans le bureau du président de la Chambre comme le politburo de l’État-providence. Je savais qu’ils n’avaient aucune sympathie pour le plan de Ronald Reagan visant à diminuer fortement le budget intérieur et à réduire les taux d’imposition sur le revenu de 30%. Toutefois, ils étaient prêts à écouter ce qu’on avait à dire et à nous donner le bénéfice du doute.

Je me souviens de Tip O’Neill m’invitant à m’asseoir dans une des deux énormes bergères de son bureau (il remplissait bien plus la sienne que je ne remplissais la mienne !). Puis, pendant les nombreuses heures qui suivirent, tout le monde m’écouta, avec bienveillance. Tip finit même par admettre par la suite : « Nous nous rendons compte que certaines vieilles habitudes doivent changer… Nous ne sommes pas d’accord avec tout mais il est évident que ce jeune homme sait de quoi il parle. »

Le temps des débats loyaux est une époque révolue

Ce qui à l’époque était un débat équitable sur le fait de savoir si, par exemple, les repas scolaires subventionnés par le gouvernement devaient être fournis aux familles qui gagnaient le double ou plus du seuil de pauvreté a été étouffé par l’émergence depuis 35 ans d’un gouvernement omniprésent et par l’explosion de la dette nationale qui rend ces discussions aujourd’hui banales en comparaison.

Donald Trump est destiné à être celui qui écope d’une dette budgétaire monumentale. Pourtant, ces mêmes politiciens de Washington qui sont à l’origine de cette dette s’emploieront à critiquer sans merci chaque étape de sa présidence. Je ne parle pas seulement de l’opposition partisane des représentants démocrates au Congrès.

Tout Washington est ligué contre Donald Trump. Y compris l’establishment républicain et les représentants républicains au Congrès. Le président de la Chambre a refusé d’apparaître avec Donald Trump le week-end qui a précédé l’élection dans son état du Wisconsin, alors même que Trump était sur le point de remporter une victoire inattendue dans un État démocrate qui n’avait pas voté républicain lors d’élections présidentielles depuis 1984. Qu’est-ce qui lui aurait fait changer d’avis en sept jours ?

Trump sans majorité républicaine face à des factions

L’idée pour Wall Street qu’il y a à présent un gouvernement républicain qui contrôle la Maison Blanche et les deux chambres du Congrès et qu’il pourrait mettre en oeuvre des changements radicaux de politique est erronée. Il n’y a pas de « majorité » républicaine au Congrès. Il n’y a que de multiples factions qui formeront un peloton d’exécution autour du président Trump. Les républicains feront tout pour stopper le programme législatif de Trump avant même qu’il ne soit lancé.

Un exemple ? La promesse de campagne de Trump d’abroger et remplacer l’Obamacare peu de temps après l’inauguration. Elle n’a pas été tenue. Et elle ne le sera certainement pas au cours des 100 premiers jours. Ni même cette année ou la suivante. La soi-disant majorité républicaine se divisera et embourbera le processus législatif par des manoeuvres et des querelles.

Cela, à son tour, bloquera le reste de l’agenda de Trump concernant la réduction des impôts, les infrastructures, le contrôle des frontières et beaucoup d’autres sujets au cours des mois à venir ; si ce n’est indéfiniment.

Dans une émission diffusée sur Fox Business Network avec Neil Cavuto, j’ai résumé ainsi mes perspectives pour l’administration Trump : beaucoup d’espoirs, aucune foi.

La défaite cinglante que Donald Trump a administrée aux élites dominantes le 8 novembre dernier fut le seul événement politique prometteur de ce siècle encore naissant. Il pourrait même éclipser la victoire surprenante de Ronald Reagan en 1980.

Mais j’ai déjà vu scénario auparavant, de mes propres yeux.

36 ans plus tard assainir les comptes publics est encore plus difficile

La vérité est que si Ronald Reagan n’a pas pu assécher le marigot à l’époque, comment Donald Trump pourrait-il le faire aujourd’hui, après 36 ans de croissance massive du gouvernement et de la dette ?

Ce que cela implique pour le « Grand Perturbateur » ne pourrait être plus clair. Ses prédécesseurs ont dilapidé tous les comptes publics du pays. Reagan a hérité d’un ratio dette/PIB de 30%. Il avait un large espace ouvert pour générer sans le vouloir des déficits géants. Donald Trump n’a aucune marge de manoeuvre, avec un ratio dette/PIB de 106%.

L’économie américaine ne va pas soudainement se réveiller et connaître une croissance de 4% ou 6%, comme certains conseillers gâteux de Trump l’ont laissé penser. Je pense plutôt que l’économie américaine plongera bientôt dans une période prolongée de stagnation et de récession. Et cela après 92 mois de reprise économique bidon sous Obama, une reprise qui a pu être maintenue par la Réserve fédérale juste assez longtemps pour arriver jusqu’aux élections de 2016.

Plafond de la dette

Washington se dirige vers un grave problème du plafond de la dette d’ici le milieu de l’été. En octobre 2015, afin de ne pas s’auto-gêner pour les élections de 2016, le Congrès a discrètement suspendu le plafond de la dette jusqu’au 15 mars 2017.

Cela a permis au ministère de l’Économie et des Finances d’Obama d’emprunter à volonté. Et il ne s’en est pas privé ! Au cours des 16 derniers mois, la somme exorbitante de 1 800 Mds$ s’est ajoutée à la dette nationale. Mais lorsqu’on reviendra au plafond de la dette le 15 mars prochain, le Congrès va recevoir un grand choc. Les républicains du Tea Party et du Freedom Caucus qui sont réellement effrayés par la forte augmentation de la dette publique seront particulièrement choqués.

La dette s’élève à 19 960 Mds$. C’est environ 400 Mds$ de plus qu’au début de l’année budgétaire actuelle, au 1er octobre. L’administration d’Obama empruntait au rythme de 5 Mds$ chaque jour ouvrable. Cela signifie également que selon la loi, le plafond de la dette sera automatiquement gelé à environ 20 100 Mds$ au 15 mars.

À ce moment, le Trésor américain aura plusieurs centaines de milliards de dollars en cash et quelques petits gadgets de court terme pour retarder de quelques mois le jour du jugement denier.

Mais il y a un hic. D’ici le 4 juillet prochain, jour de la fête nationale américaine, l’administration Trump n’aura plus de cash, alors que la politique dite de « stimulus » — réduction des impôts, infrastructures, augmentation de la capacité militaire et mur mexicain/contrôle des frontières — sera refoulée dans une impasse politique/législative attendant une action du Congrès pour augmenter le plafond de la dette d’au moins 2000 Mds$. C’est ce qui serait nécessaire en plus des 20 100 Mds$ que nous aurons au 15 mars pour tenir compte des gigantesques déficits déjà engrangés — plus l’énorme coût potentiel du « stimulus Trump. »

Je vous le dis, cela n’aura pas lieu.

La Cité impériale entrera dans une longue période de paralysie et de querelles politiques qui non seulement prendront des mois à être résolues mais qui finiront également par mettre fin à l’idée folle propagée par les courtiers de Wall Street après le choc du 8 novembre que Donald Trump est un second avènement de Ronald Reagan.


Pour plus d’informations de ce genre, c’est ici.

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  • J’entendais récemment monsieur Bernard Kouchner défendre François Hollande, en prétextant que le pouvoir des « hommes politiques » ne pouvait rien contre ; la mondialisation…le libéralisme….la finance…! Ils ont pu, ces mêmes hommes créer des déficits budgétaires ( ce qui n’est pas la mêmes chose que des dettes), ce qui a réduit ipso facto leurs possibilités ! Imagine-t-on un individu dépensant plus qu’il ne gagne se plaindre des autres et de ne plus avoir d’autres choix que de rembourser ses créanciers ?
    Quelque soit l' »élu » providentiel, il n’aura d’autre choix que de payer…payer…Autant dire que « les programmes » doivent être minimalistes.

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