L’Italie, sur la pente glissante du déclin

En Italie, la classe politique ne prend pas la mesure du déclin économique et démographique que connaît le pays.

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Italie emprunts (Crédits : René Le Honzec/Contrepoints.org, licence Creative Commons)

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L’Italie, sur la pente glissante du déclin

Publié le 6 mars 2017
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Par Daniel J. Mitchell

Début janvier, je m’inquiétais du chaos fiscal en Italie menant tout droit au défaut et aux renflouements. Pour le dire simplement, je crains que l’Italie, parmi d’autres pays du « Club Med », ait dépassé le point de non-retour en matière d’étatisme, de déclin démographique et de dépendance sociétale. Et cela signifie que, tôt ou tard, les Italiens pourraient finir sur les rotules.

L’Italie dans le pétrin

Et cela pourrait bien arriver plus tôt qu’on ne le pense. Même si je ne suis pas toujours d’accord avec ses recommandations politiques, je lis régulièrement Desmond Lachman de l’American Enterprise Institute parce que c’est l’une des personnes les mieux informées de Washington sur le désordre économique et fiscal d’Europe.

Et, pour le dire crûment, l’Italie est dans le pétrin.

Voici ce que Desmond a récemment écrit sur l’économie du pays.

Si l’euro peut très bien survivre à une sortie de la Grèce, il ne pourrait certainement pas tenir dans sa forme actuelle si l’Italie, en pleine crise économique et financière, en venait à faire défaut sur sa montagne de dette publique. (…)

L’une des raisons pour lesquelles on devrait grandement s’inquiéter d’une crise économique italienne est que l’Italie a une économie beaucoup plus importante que la Grèce. Troisième plus grande économie de la zone euro, l’économie italienne représente environ 10 fois celle de la Grèce. Autre fait tout aussi préoccupant : l’Italie possède le troisième marché mondial des obligations souveraines avec une dette publique de plus de 2000 milliards de dollars. Une grande partie de cette dette est détenue par le système bancaire fragilisé de l’Europe, ce qui augmente le risque qu’une défaillance de la dette souveraine italienne ébranle le cœur du système financier mondial. (…)

Depuis 2008, les performances économiques du pays ont sombré de façon abyssale. En effet, les niveaux de vie italiens sont aujourd’hui environ 10% inférieurs à ce qu’ils étaient il y a 10 ans. Durant ce laps de temps, le système bancaire italien a été très perturbé et son niveau d’endettement public est désormais le deuxième plus élevé de la zone euro en pourcentage du PIB.

Et voici un extrait de ce qu’il décrivait à la fin de l’année dernière :

Aujourd’hui il semble y avoir autant de raisons de s’inquiéter de l’économie italienne qu’il y en avait de se soucier de l’économie grecque en 2009. Comme pour la Grèce d’alors, il y a actuellement beaucoup trop de voyants au rouge pour l’Italie qui pourrait vivre une véritable crise économique et financière dans les deux prochaines années. (…)

L’économie italienne est aujourd’hui à peine supérieure à son niveau de 1999 lorsque le pays adoptait l’euro comme monnaie. Pire encore, depuis la grande crise économique mondiale de 2008-2009, l’économie italienne a connu une triple récession qui a plongé son économie à environ 7% en dessous de son plus haut niveau d’avant la crise de 2008, avec un taux de chômage bloqué à plus de 11%. (…) Les déficiences d’un marché du travail sclérosé contribuent considérablement à la très faible productivité du pays. Par conséquent, depuis l’adoption de l’euro en 1999, les coûts salariaux unitaires de l’Italie ont augmenté d’environ 15 points de plus que ceux de l’Allemagne. (…)

Les banques italiennes ont aujourd’hui environ 360 milliards d’euros de créances douteuses, soit une part importante (18%) de leur portefeuille de prêts. Et comme si cela ne suffisait pas, les banques italiennes détiennent également un pesant montant de la dette publique italienne, qui représente aujourd’hui plus de 10% de leur actif global. (…) Le niveau d’endettement public du pays est passé de 100% du PIB en 2008 à 133% du PIB à l’heure actuelle.

Les chiffres partagés par Lachman sont vraiment déprimants. Il n’est pas le seul à souligner que l’économie italienne est au fond du trou. L’année dernière, j’avais diffusé un graphique montrant la stagnation lancinante de l’Italie.

Évolution du PIB de 7 pays de l’UE (2000=base 100)

Résoudre les problèmes de l’Italie avec des slogans

Alors, que propose le gouvernement italien pour résoudre ces problèmes ? Une baisse des taux d’imposition ? Une réduction du poids de l’État ? Une simplification des formalités administratives ? Bien sûr que non. Les politiciens aggravent les choses ou se livrent à de vaines diversions.

Par exemple, je ne peux m’empêcher de rire de la campagne du gouvernement italien pour augmenter les taux de natalité. Voici quelques-unes des informations rapportées par le New York Times :

Une action de l’État concerne la promotion de la « Journée de la fertilité » le 22 septembre, une campagne visant à encourager les Italiens à avoir plus de bébés. (…) L’Italie a l’un des plus bas taux de natalité du monde. (…) La taille des familles italiennes s’est contractée depuis des décennies. En 2015, 488.000 bébés sont nés en Italie, le chiffre le plus faible depuis l’unification du pays en 1861. L’Italie détient l’un des taux de natalité les plus bas d’Europe, avec 1,37 enfant par femme, contre une moyenne européenne de 1,6 selon les chiffres d’Eurostat.

Cela dit, je félicite le gouvernement de reconnaître que la baisse de la natalité est un problème. Non pas parce que les femmes devraient se sentir obligées d’avoir des enfants si ce n’est pas ce qu’elles désirent. Mais plutôt parce que l’Italie dispose d’un lourd État-providence fondé sur un système de redistribution qui nécessite une population de travailleurs en constante augmentation (autrement dit, des contribuables) pour financer les prestations des retraités. Et le fait que les personnes âgées vivent plus longtemps tandis que les taux de natalité sont au plus bas signifie qu’il n’y aura pas assez de contribuables pour soutenir ce système de Ponzi étatique.

Mais si on peut féliciter le gouvernement d’avoir identifié le problème, on peut s’en moquer de penser que des slogans vides feront la différence.

En outre, il y a également un problème dans la mesure où les électeurs italiens ont tellement été conditionnés à recevoir l’aumône publique qu’ils pensent que la réponse au problème est encore plus d’État !

Le problème ne réside pas dans un manque de désir d’avoir des enfants, affirment les critiques de la campagne, mais plutôt dans le manque de soutien significatif fourni par l’État et nombre d’employeurs. « Je trouve toujours cela très choquant », déclare Vittoria Iacovella, 37 ans, journaliste et mère de deux filles de 10 et 8 ans. « L’État nous encourage à avoir des bébés, et le principal système d’aide sociale en Italie reste toujours l’appui des grands-parents. » (…) Le gouvernement italien a tenté d’aider les familles avec une prestation de 80 à 160 euros pour les ménages à revenu faible ou modeste et a adopté des lois sur le travail accordant davantage de flexibilité en matière de congé parental.

Mme Iacovella est folle d’imaginer que davantage d’impôts, de dépenses publiques, de réglementations et de contrôles rendront les choses meilleures. Eh oui, même les gens de gauche admettent désormais que de telles lois minent l’emploi, et nuisent particulièrement aux femmes en les rendant moins attrayantes pour les employeurs.

Pendant ce temps, le gouvernement italien  a pris beaucoup d’autres mesures insensées. Notamment, la création d’un nouveau droit pour les adolescents, comme le rapportait un article du Telegraph de cet été :

Les jeunes Italiens qui sortent du système scolaire se retrouvent confrontés à la sombre perspective d’un chômage des jeunes de 40%, mais au moins peuvent-ils prétendre à un « pass culture » de 500 €, offerte par l’État. À partir du mois prochain, tous les jeunes de 18 ans auront le droit de réclamer cet argent et de le dépenser dans des activités enrichissantes sur le plan culturel : se rendre au théâtre, au musée et dans des concerts, visiter des sites archéologiques ou acheter des livres, par exemple. Ce programme, qui débutera le 15 septembre, profitera à 575 000 adolescents, pour un coût de 290 millions d’euros.

Serez-vous étonné d’apprendre que les adolescents italiens ont attendu cette aumône avec intérêt ?

La mesure a été bien accueillie par les jeunes de 18 ans, confrontés à un contexte économique difficile quand ils quittent l’école : un taux de chômage élevé, des contrats précaires et une économie en berne depuis une décennie. « Bien sûr que nous sommes contents… », s’est exclamée Angelica Magazzino, une adolescente du sud de la région des Pouilles qui aura 18 ans en novembre.

Si vous lisez toute l’histoire, vous apprendrez que l’État justifie ce nouveau droit en affirmant qu’il permet de combattre le terrorisme.

Voici le meilleur pour la fin, une anecdote surprenante : CNN révèle que l’État favorise également l’expression d’une autre forme de « culture » italienne.

La plus haute juridiction italienne a statué que la masturbation en public n’est pas un délit, à condition qu’elle ne soit pas exercée en présence de mineurs.

Non, ce n’est pas une blague.

La décision a été rendue par la Cour suprême italienne (…) à l’occasion d’une affaire concernant un homme de 69 ans. (…) L’homme a été condamné en mai 2015 après avoir commis l’acte devant des étudiants sur le campus de l’Université de Catane, selon les documents officiels déposés auprès de la Cour suprême. L’homme a été condamné à trois mois de prison et à une amende de 3 200 euros. Cependant, l’avocat de la défense a fait appel devant la plus haute Cour du pays, qui a statué en faveur de l’accusé en juin, mais qui vient seulement de rendre publique sa décision. Les juges ont estimé que la masturbation publique sans présence de mineurs n’a plus lieu d’être considérée comme une conduite délictuelle en raison d’une modification de la loi l’an dernier qui dépénalise l’acte.

Super. J’ai hâte d’effectuer un prochain voyage en Italie. Encore que je suppose qu’il est agréable de voir les séniors italiens rester actifs au sein de leur communauté.

Plus sérieusement, c’est la raison pour laquelle j’ai de la sympathie pour les Italiens qui sont amenés soit à resquiller discrètement, soit s’insurger publiquement face à un État dépensier et insensé.


Sur le web. Traduction : Raphaël Marfaux pour Contrepoints.

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