Vivre l’échec entrepreneurial : faire face et se transformer…

S’approprier l’échec est une opportunité de renaissance, la possibilité d’acquérir une plus grande maturité, une intelligence de soi, de ses ressorts parfois restés dans l’ombre, et des enjeux de sa propre vie.

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Vivre l’échec entrepreneurial : faire face et se transformer…

Publié le 25 février 2017
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Par Marie-Josée Bernard.
Un article de The Conversation

L’échec n’est pas un état, pas un statut, pas un attribut propre à certains, « les perdants », c’est une étape possible dans tout parcours de vie, et dans une vie d’entrepreneur l’échec est naturellement lié à la prise de risque.

Tous les entrepreneurs n’ont pas le même rapport à leur(s) entreprise(s), cependant tous ont un rapport avec la réussite et l’échec. Perdre l’entreprise que l’on a créée c’est d’abord une blessure personnelle, narcissique, intime, c’est souvent une épreuve traumatisante sur bien des plans.

Une épreuve personnelle

Ce type d’échec n’est pas vécu de la même façon selon le contexte, l’âge de chacun, l’écosystème de l’entrepreneur lui-même, nous avons pu constater cependant qu’il est vital de pouvoir trouver une valeur d’expérience à l’épreuve pour passer à une autre étape, celle de la reconstruction. Les entrepreneurs qui témoignent d’un apprentissage réel sur eux- mêmes semblent plus en mesure de retrouver l’énergie d’un nouveau challenge quel qu’il soit.

Vivre la liquidation de l’entreprise c’est vivre la fin d’une aventure, la fin d’une expérience, la fin d’un engagement, parfois d’un rêve, c’est aussi une mue nécessaire pour transformer son parcours, devenir un autre entrepreneur ou prendre une autre route.

Il existe des approches culturelles de l’échec, mais nous ne sommes pas dans la Silicon Valley… ! Dans notre pays le rapport à l’échec est ambigu, teinté parfois d’un double discours d’apparent soutien et de compréhension et de sanction sociale et financière…

Une réalité concrète : la perte de l’entreprise c’est souvent des pertes multipliées, argent, activité, relations, statut, honorabilité, et aucune couverture sociale…

Des pertes et la perte

Il est parfois difficile d’affronter la nécessité de renoncer à la perte de l’entreprise et il est parfois vital de pouvoir le faire. La confrontation à cet événement est source de nombreuses réactions émotionnelles douloureuses : il peut y avoir de la sidération, un sentiment de désespoir, de la détresse, de la colère, de la culpabilité, de la honte.

La perte de l’entreprise peut être appréhendée de différentes façons, selon l’expérience, la personnalité, le profil psychologique, le contexte de chacun et de chaque entreprise.

Pour faire face à cet événement, il peut y avoir deux postures, deux approches :

Soit l’évitement de la souffrance par le refus de la notion d’échec : vivre la perte en pratiquant la minimisation de celle-ci, par une forme de déni de son impact. En réduisant l’effet de la perte il est possible d’atténuer la douleur, le sentiment possible de honte ressenti par certains, une forme de désespoir mais ceci n’empêche pas la réalité des conséquences d’exister. Il faudra faire face à la démarche, trouver les mots pour expliquer la décision à ses collaborateurs, à ses fournisseurs, à ses partenaires, à son réseau, à sa famille… Et il sera peut-être plus difficile de se mobiliser pour affronter les différentes étapes de l’épreuve.

Soit le face à face avec la réalité de la notion d’échec : accepter la situation et l’affronter avec sa propre douleur, ses émotions, l’effet d’effondrement possible, les moments de sidération, l’épuisement et le sentiment pour certains d’infamie. La stratégie du faire face permet cependant de sortir différemment de l’épreuve et de créer les conditions d’un véritable apprentissage, y compris par la confrontation aux émotions négatives.

Cette approche favorise une autre forme de rebond possible. Le processus de résilience implique le fait d’affronter la crise, le choc, l’accepter aussi parfois dans sa violence pour mieux y faire face, exprimer ses émotions, parfois sa colère, sa détresse.

Dépasser l’émotion et l’épuisement

De ces deux approches principalement étudiées par les chercheurs anglo-saxons (Shepherd et Cardon, 2009 et 2011, et Wiklund, 2009) nous retenons que la dimension émotionnelle de cet événement ne doit pas être négligée, elle va souvent de pair avec l’épuisement physique d’une période de très grosse mobilisation. La plupart du temps les entrepreneurs passent d’un besoin de minimiser à celui d’assumer la situation parfois aussi de façon excessive. Le plus souvent les entrepreneurs pratiquent une sorte d’oscillation entre ces deux attitudes qui les aident à traverser l’épreuve.

Le dépôt de bilan, la liquidation judiciaire représentent une expérience peu commune qui devient aussi un apprentissage et prend du sens lorsqu’elle est pensée, préparée, communiquée, organisée avec des étapes et avec des soutiens de l’environnement et de l’entourage plus familier.

Lors de notre étude auprès d’entrepreneurs ayant vécu cette expérience nous avons pu constater la force de l’impact de l’événement sur chacun. Dans ce type de contexte, beaucoup témoignent à la fois de leur colère voire de leur dégoût pour certains des acteurs clefs de leur entreprise, qui sont en grande partie liés à l’échec de l’entreprise.

Il leur a fallu cependant dépasser ce ressentiment pour transformer le désastre perçu alors en autre chose. Dans le même temps les savoir-faire mobilisés : l’anticipation, la préparation, la transparence, l’écoute et la bienveillance mises en œuvre à l’égard des partenaires et collaborateurs touchés en chaîne par la défaillance de l’entreprise créent les conditions d’une sortie de crise valorisante pour la personne elle-même.

Neuf étapes clefs

On peut identifier plusieurs étapes pour transformer cet événement en apprentissages :

  • Restaurer sa santé physique et psychologique en prenant le temps du repos et de l’apaisement : accepter sa fragilité momentanée et le besoin d’être aidé et soutenu.
  • Traverser le processus de deuil (pour lequel on peut faire référence au travail de la psychiatre Elizabeth Kübler-Ross et aux étapes du deuil qu’elle a su décrire : le déni, la colère, le marchandage, la dépression et l’acceptation) et qui nécessite une qualité, un sentiment particulier mis en évidence notamment par Shepherd : l’autocompassion. L’auto- compassion s’apparente à la capacité d’attention bienveillante à soi-même dans une situation difficile. Celle-ci est plus vitale pour la transformation de l’événement qu’une violente culpabilité autodestructrice.

Le deuil est plus facile à faire lorsque la démarche de liquidation a été réellement préparée en amont, la mise en place des étapes de pilotage du plan permet une forme de familiarisation qui de fait atténue la violence de l’inattendu.

  • Retrouver l’estime de soi en acceptant aussi de partager son histoire, son expérience, son vécu avec d’autres. Être écouté, entendu autant qu’écouter et entendre d’autres. Nous rendons hommage aux associations telles que 60 000 rebonds, SOS entrepreneur qui créent un environnement d’expression, de soutien et de suivi pour les entrepreneurs dans ce type de situation.
  • Retrouver le sentiment d’auto-efficacité : prendre du recul sur soi, sa propre responsabilité, sur ses propres erreurs et modes de fonctionnement.
  • Reprendre le contrôle interne de sa vie.
  • Repositionner des priorités de vie : sa santé, l’équilibre de vie, la qualité des relations et les moments partagés avec sa famille.
  • Se centrer sur l’avenir, redéfinir un projet.
  • Regarder positivement ses compétences et son parcours.
  • Communiquer sur les épreuves comme source d’apprentissages.

S’approprier l’échec est une opportunité de renaissance, la possibilité d’acquérir une plus grande maturité, une intelligence de soi, de ses ressorts parfois restés dans l’ombre, et des enjeux de sa propre vie.The Conversation

A lire aussi, les vertus de l’échec, par Charles Pépin

Marie-Josée Bernard, Professeure en Management – Leadership — Développement humain , EM Lyon

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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