Par Chloé Lourenço.
Un article de Trop Libre

Pour comprendre le parcours de Mariano Rajoy, il faut revenir sur la création de son parti, le Parti Populaire. Fondé en 1976 par d’anciens franquistes, l’Alliance Populaire comme il s’appelait alors, est dirigé pendant de nombreuses années par Manuel Fraga, ministre du Tourisme sous Franco. En à peine dix ans, il réussit le tour de force de remettre la droite espagnole en selle.
Il faudra néanmoins attendre 1996 pour que l’Alliance Populaire devenue PP arrive enfin au pouvoir, le temps certainement, que les Espagnols acceptent de revoter à droite. C’est José Maria Aznar qui devient alors chef du gouvernement pour deux mandats successifs, jusqu’en 2004. Ayant annoncé qu’il n’effectuerait pas plus de 2 mandats, il choisit Mariano Rajoy, vice-président de la Région de Galice comme successeur. En dépit de sa décision de soutenir l’invasion de l’Irak alors que 80% des Espagnols étaient contre, Mariano Rajoy est donné vainqueur. Les attentats de Madrid en mars 2004 viendront tout faire basculer : la désignation hâtive et péremptoire de l’ETA comme responsable est perçue par la population comme une tentative de manipulation. José Luis Rodriguez Zapatero du PSOE, le parti socialiste espagnol, remporte donc la victoire.
Ce n’est que sept ans plus tard, en 2011, que le PP cessera d’être dans l’opposition et retrouvera les bancs de la Moncloa. Cependant, après 4 ans d’austérité, Mariano Rajoy ne parvient pas à retrouver une majorité absolue en 2015, ce qui plonge le pays dans une grave crise gouvernementale.
10 mois de blocage
Après la déroute des élections générales de décembre 2015, un nouveau scrutin est mené en juin 2016. Bien que le PP soit arrivé en tête (33% des suffrages), son avance est trop courte pour constituer un gouvernement et aucun accord n’est trouvé avec le PSOE pour former une coalition.
En juillet 2016, après des consultations politiques comme le veut la Constitution de 1978, le Roi Felipe VI propose Mariano Rajoy comme candidat à l’investiture du gouvernement, ce que refuse catégoriquement Pedro Sanchez, alors chef du PSOE. Pendant 10 mois, une véritable guerre de position prend place en Espagne : personne ne souhaite lâcher du terrain. Situation inédite, on envisage même de recourir à une troisième vague d’élections, tant la situation semble inextricable.
Un rebondissement a toutefois eu lieu fin octobre 2016, lorsque Pedro Sanchez a démissionné de son poste à la tête du PSOE. Au moment du Congrès pour l’investiture du nouveau chef du gouvernement, le PSOE s’est finalement abstenu de voter, débloquant la situation. Par conséquent, le 31 octobre dernier, Mariano Rajoy a été investi par le Roi Felipe VI pour un deuxième mandat.
Une situation inédite lourde de conséquences
Si la vie politique espagnole a repris depuis un cours normal, rien n’est pourtant joué d’avance. Rajoy a certes gagné une bataille, mais pas la guerre. Il a obtenu le droit de gouverner, mais les cadres du PSOE, qui avaient promis à leurs électeurs que Rajoy ne briguerait pas un nouveau mandat, ne s’avouent pas vaincus.  « Nous n’allons pas voter le budget 2017, ni aucun autre budget du gouvernement minoritaire de monsieur Rajoy », affirme Javier Fernandez, chef du parti par intérim dans un article du Monde. Cela place le nouveau chef du gouvernement dans une position délicate, dans la mesure où il compte sur les voix du PSOE pour que ses lois soient votées.
Sur le plan national, cette petite crise aura coûté beaucoup d’influence aux différents partis politiques, toute couleur confondue. Beaucoup d’Espagnols ont désormais du mal à faire confiance à leurs élus.
La vacance de gouvernement a également plongé l’Espagne dans une grave crise au niveau européen. Pendant 10 mois, le gouvernement par intérim ne s’occupait que des affaires courantes, et ne répondait pas à Bruxelles, qui s’inquiète de voir les promesses de l’Espagne concernant la réduction de son déficit tomber à l’eau.
Tout reste à faire désormais pour Mariano Rajoy, qui va rapidement être mis au défi. Il doit en effet faire adopter sa loi de finances en respectant les demandes de l’UE : économiser 5,5 milliards d’euros. Le chef du gouvernement, allergique aux compromis, devra pourtant faire preuve de diplomatie.
—
Laisser un commentaire
Créer un compte