Éducation : la paix scolaire doit avoir lieu

Jean-Baptiste Noé nous explique pourquoi son dernier livre pourquoi l’autonomie et la liberté sont les deux remèdes à la crise contemporaine de l’éducation nationale.

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Éducation : la paix scolaire doit avoir lieu

Publié le 15 février 2017
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Par Jean-Baptiste Noé.

Education : la paix scolaire doit avoir lieu
By: Najat Vallaud-BelkacemCC BY 2.0

Rebâtir l’école. Plaidoyer pour la liberté scolaire, mon dernier livre, se veut une contribution à la paix scolaire, pour mettre un terme à la guerre scolaire qui frappe continuellement la France depuis les années 1880. Ce n’est pas un pamphlet, ni une charge contre qui que ce soit – institutions ou personnes.

Ce livre analyse le malheur français en matière scolaire : pourquoi, en dépit de dépenses de fonctionnement de plus en plus importantes, les résultats ne cessent de se dégrader ? Pourquoi les enfants ne sont-ils pas heureux à l’école ? Pourquoi plus personne ne veut travailler dans l’Éducation nationale ? Pourquoi les parents ne sont pas satisfaits du système scolaire ?

La réponse tient dans l’existence d’un monopole scolaire. Le monopole uniformise, il empêche toute créativité pédagogique, toute innovation ou invention. Il formate et il contraint les enfants à recevoir la même éducation au même âge et au même moment.

Or chaque enfant est différent. Pourquoi alors les écoles ne seraient-elles pas différentes ? Le monopole scolaire cherche l’uniformisation. C’est un credo de mort et de stérilisation intellectuelle. Je n’ai rien contre l’Éducation nationale. Je m’oppose à l’existence d’un monopole scolaire.

Peu m’importe qu’il soit aux mains d’une école d’État, d’une congrégation religieuse, d’une entreprise privée : le monopole est mauvais en soi. Si demain le monopole scolaire était entre les mains d’un ordre religieux ou d’une entreprise privée, je le combattrais avec autant de force que je le combats aujourd’hui qu’il est entre les mains de l’État.

Le monopole engendre la pénurie, l’insatisfaction, l’échec et la frustration. Il engendre la guerre scolaire, qui est une forme de guerre sociale. En mettant fin au monopole, on pourra rétablir une société de confiance, une société apaisée entre les parents et les professeurs, et établir ainsi les fondements de la paix sociale.

L’ouvrage est fondé sur de nombreux chiffres et documents émanant de l’Éducation nationale : rapport de l’Inspection générale, rapports annuels, rapport de la Cour des Comptes ou de France Stratégie… Je n’invente rien. J’indique la source et l’origine de tous les chiffres et faits que je fournis. Les chiffres donnés sont publics, ils émanent de rapports que je lis depuis de nombreuses années ; je ne fais que les rendre plus accessibles.

Le droit à l’éducation n’est pas respecté

L’éducation est un droit fondamental, rappelé par le code de l’éducation et la déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen. Ce droit à l’éducation, en France, est peu respecté. Les parents n’ont pas les moyens leur permettant de choisir librement l’école de leurs enfants. Les tristes résultats scolaires, sanctionnés par les rapports Pisa ainsi que les rapports de la Journée Défense et Citoyenneté (JDC), démontrent que ce droit est théorique, mais que l’État est incapable de le fournir dans les faits.

Quand 30% des jeunes de 18 ans ne savent pas lire correctement un programme de télévision, où est le respect du droit à l’éducation ? Quand plus de 60% des bacheliers échouent en licence, parce qu’ils ont été mal préparés au lycée, où est véritablement le respect du droit à l’éducation ? La France célèbre des valeurs et des grands principes qu’elle n’est pas capable de faire respecter dans les faits. Là réside l’origine de la défiance des Français à l’égard de la politique et de la démocratie.

Il ne sert à rien de parler de l’école de la République et des valeurs de la République quand le système scolaire rejette chaque année 200 000 jeunes sans formation, quand le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les jeunes, quand 30% d’une classe d’âge est illettrée. Nous voulons des faits, non des palabres ! Nous voulons une vraie formation, non des logorrhées sur les valeurs de la république que l’État n’est même pas capable d’honorer.

La révolte de la génération du mensonge

J’ai passé le bac en 2001. J’appartiens donc à la première génération de bacheliers du XXIe siècle. J’appartiens à cette génération du mensonge à qui la génération précédente laisse un système de retraite par répartition qui est une pyramide de Ponzi, une sécurité sociale qui est fondée sur le vol et la spoliation, un défi migratoire immense à relever et un système scolaire en ruine qui n’a jamais cherché ni à nous former ni à nous instruire.

Je remercie chaleureusement mes professeurs de m’avoir instruit, et dont j’ai découvert ensuite que pour cela il leur avait fallu braver les directives du Ministère. Non content de nous voler et de nous ruiner, il fallait en plus que nous soyons analphabètes. Et aujourd’hui, on découvre subjugués qu’une large majorité de la jeunesse court vers les extrêmes. De quoi voulez-vous qu’elle vous remercie ?

Il est normal que des personnes qui ne sont pas capables de comprendre un programme de télévision puissent se laisser berner par tous les démagogues. La ruine du système scolaire engendre non seulement un immense gâchis financier, mais elle menace l’existence même de notre démocratie et de notre société de droit. Hayek a raison quand il explique que toutes les libertés sont liées. Là où il n’y a pas de liberté scolaire, il n’y a pas non plus de liberté intellectuelle et donc pas de liberté politique. Si l’on ne rénove pas notre système scolaire, nous courrons tout droit vers la tyrannie.

L’école de Jules Ferry n’était pas le paradis

Contrairement à beaucoup, je n’ai pas la nostalgie de l’école de Jules Ferry et des hussards noirs de Péguy. C’est à Jules Ferry que l’on doit l’instauration du monopole scolaire. Quand il devient ministre, la France est peuplée de nombreuses écoles, présentes dans les villes et les villages, ouvertes à tous, gratuites pour les pauvres ; et tous les historiens de l’éducation s’accordent à dire que l’analphabétisme était vaincu. Qu’a fait Ferry ? Il a fermé des milliers d’écoles et renvoyé des centaines de milliers de professeurs.

La guerre contre l’Église est passée par la guerre contre l’école libre. Le monopole a tué l’immense vivier scolaire de la France. Pour quels résultats ? Le dépouillement des tests lors du service militaire démontre que l’analphabétisme augmente en France à partir des années 1880. De nombreux rapports d’officiers rédigés pendant la Première Guerre mondiale se plaignent que les soldats ne comprennent pas les ordres, qu’ils aient du mal à écrire, qu’ils soient dépourvus d’esprit d’initiative. Trente-cinq ans après les nationalisations, c’est la faillite du système Ferry.

Une faillite dénoncée dès 1899 par Alexandre Ribot dans un rapport resté célèbre. Ribot fut une figure de la IIIe République, plusieurs fois ministre et chef du gouvernement, membre de l’Académie française. Il explique que l’école se meurt, faute de liberté et de possibilité de libre initiative. Il demande à ce que l’on donne davantage de liberté au système scolaire, c’est-à-dire que l’on desserre le monopole. Le rapport resta lettre morte. Après Ribot, de nombreuses tentatives de réformes eurent lieu.

Mais là où il eut fallu mettre plus de liberté, elles mirent plus de contraintes et d’étatisme. Résultat, en 1960, seuls 11,43% d’une classe d’âge obtenait le baccalauréat. L’école de Jules Ferry s’avéra incapable d’éduquer le peuple. Pierre Bourdieu avait raison quand il dénonçait la mainmise des élites et la reproduction sociale du système. Il avait tort quand il défendit le collège unique alors qu’il fallait au contraire créer une école multiple. Il combattit les conséquences, mais il défendit les causes. Aujourd’hui, le système est à bout.

Réformer en trois mois

Il faut peu de chose pour réformer l’école. Le nouveau ministre nommé au mois de mai doit mettre en place un système de crédit d’impôt : déduire de l’impôt sur le revenu la somme que les parents dépensent pour l’école de leurs enfants (école, collège, lycée), dans la limite de 4 300 € pour un écolier et 7 500 € pour un lycéen, par an et par enfant (ce qui correspond à la moitié du coût d’un élève dans une école publique). Si cela représente une somme plus importante que ce qu’ils payent d’impôt, alors l’État doit leur rembourser.

Ainsi, les parents pourront choisir librement l’école de leurs enfants, et les écoles indépendantes pourront éclore. Des écoles où doit s’exercer un minimum de surveillance : il est normal de fermer les établissements salafistes et djihadistes. Ces écoles indépendantes doivent avoir la pleine et entière liberté pédagogique et de recrutement de leurs personnels. Celles qui auront de mauvais résultats n’auront plus d’élèves et fermeront.

Pour les écoles d’État, des moyens existent déjà, simples à mettre en place. Il s’agit de délégation de service public (DSP) et de partenariat public / privé (PPP). Les locaux peuvent être la propriété des collectivités locales (commune : école, département : collège, région : lycée). Celles-ci confient à des associations privées le soin de les gérer, dans le cadre de concessions signées entre la collectivité locale et l’entreprise gestionnaire (cela ce fait pour les autoroutes).

Dans les communes, cela existe déjà pour les crèches. Nombreuses sont celles qui ont construit des crèches et qui sont propriétaires des bâtiments, mais dont la gestion est confiée à une association ou une entreprise privée. Généralement, d’ailleurs, le coût est beaucoup moins important que pour les crèches communales, avec un service de meilleure qualité. Cela existe aussi pour les équipements sportifs : les communes construisent un dojo, qui est sa propriété, mais dont l’usage revient au club de judo. Cela fonctionne très bien. Pourquoi des DSP et PPP ne pourraient pas se faire aussi pour les écoles ?

Revivifier la ruralité

Pour les territoires ruraux, cela peut être une bouée de sauvetage. Aujourd’hui, il existe des pédagogies pour faire classe à des enfants d’âges et de niveaux différents. Cela permettrait ainsi de recréer des écoles dans des villages reculés, avec une classe d’une vingtaine d’enfants. On imagine très bien la communauté d’agglomération bâtir l’école et déléguer sa gestion à un groupe privé.

L’école ouvrant, cela permettrait d’attirer des familles, et donc de la vie, ce qui est vital pour le maintien des commerces et éviter que les villages ne meurent. Il faut être vraiment aveuglé par l’idéologie pour s’opposer à ce type de liberté scolaire.

La même chose doit être possible pour l’école à la maison. Ce type d’éducation est très strictement encadré et surveillé, ce qui est une bonne chose pour éviter les embrigadements. Là aussi le crédit d’impôt doit exister. Moins important certes que pour les familles qui choisissent une école, car il y a moins de frais, mais au moins le tiers de la somme, soit entre 1 400 € et 2 500 €.

La liberté revendiquée

Les Français aspirent à la liberté. De récents sondages ont montré qu’ils voulaient plus d’autonomie et de libre choix pour l’école (à plus de 80%) y compris chez les électeurs d’extrême gauche. Je suis convaincu qu’un candidat qui porterait ce programme, simple à mettre en place et de bon sens, recueillerait les faveurs de la population. L’école n’est pas condamnée à être l’otage des idéologies perfides. Elle peut aussi être une source de fierté pour la France et éduquer correctement la population. Des moyens simples et faciles existent. Il faut désormais la lucidité et le courage pour les mettre en place.

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  • Vousss vous êtes voulus rassembleur dans votre livre, mais lorsqu’on entend le discours de madame Belkacem on est anéanti par la vacuité de son discours.ses prédécesseurs s’étaient montrés aussi rigides wet sectaires enfonçant leurs slogans racoleurs dans la tête des analphabètes
    Le collège unique fut une erreur fatale. Je comprends que Bourdieu, ce grand destructeur de l’école était ravi de neutraliser toute tentative d’amélioration de l’école et la création d’une elie non marxiste.
    Je me souviens de La communale post guerre où se mêlaient les bons et les e sens bons du moment. Il y avait une réelle camaraderie entre tous les élèves sous la houlette d’un maître qui aimait son métier en dispensant le n’essaie pour avoir des outils pour son avenir.Je regarde les programmés de ma petite fille. Certains me semblent peu attractifs.
    Je sens que je vais adorer ce livre qui porra éclaire surtout les pedagogistes qui paradent en pensant à leur ego et peu à l’enfant

  • « Le monopole uniformise, il empêche toute créativité pédagogique, toute innovation ou invention »

    Il n’a hélas pas empêché l’introduction des « Maths modernes » ni celle des méthodes « globales » d’apprentissage de la lecture…

  • Et pourquoi pas un systeme de « school vautcher » universel plutôt qu’un crédit d’impot qui sera lui aussi soumis à l’arbitraire idéologique du locataire de la rue de Grenelle ?

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Les auteurs : Nathalie Sayac est Professeure des universités en didactique des mathématiques, directrice de l’Inspe de Normandie Rouen-Le Havre, Université de Rouen Normandie. Eric Mounier est Maitre de Conférences en didactique des mathématiques, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC).

 

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