Quand l’État-providence rejette les étrangers

La spirale de rejet des étrangers en France n’est pas (qu’)un sursaut de la droite traditionaliste : elle est mue par le socialisme et son culte de l’Etat-providence.

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Quand l’État-providence rejette les étrangers

Publié le 26 janvier 2017
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Par Erwan Le Noan.
Un article de Trop Libre

Quand l'État-providence rejette les étrangers
By: NicolásCC BY 2.0

Le 4 janvier, le procureur de Nice a requis huit mois d’emprisonnement à l’encontre de Cédric Herrou, à qui il est reproché d’avoir apporté son soutien à des personnes présentes illégalement sur le territoire français. Politiquement, son procès a nourri une colère à gauche, notamment parmi ceux qui s’indignent qu’il puisse avoir lieu sous un gouvernement socialiste : cette initiative serait la preuve que la France vit un dangereux glissement vers la droite, voire qu’elle est menacée par un « fascisme rampant ».

À bien y regarder, le mouvement qui nous menace en matière de rejet de l’immigration semble être toutefois de nature très différente et probablement largement répandu au sein de l’échiquier politique français. Il réside dans un totem de la gauche et de tous ceux ayant développé avec le temps une vision stato-centrée – et stato-obsédée – de la politique et de la société : la menace, c’est l’État-providence (non la protection sociale, mais son modèle étatisé).

L’État-providence est fondé sur l’idéal de redistribution : mu, paraît-il, par un idéal de justice, il répartit les revenus, les opportunités, et les place aux plus défavorisés en régulant ou taxant les mieux lotis. Cette logique généreuse a semblé fonctionner aussi longtemps que l’appareil administratif était un peu géré et la croissance forte. Mais dès lors que l’État s’est retrouvé « en faillite » et l’économie à plat, la dynamique redistributive s’est grippée : s’il n’y a plus d’ingrédients pour faire grandir le gâteau, son partage s’en retrouve plus périlleux.

Pour y faire face, les gouvernants ont fait le choix de mettre en place des politiques de restrictions : la France a tenté de réduire les parts de chacun, par exemple en partageant le temps de travail ; elle a aussi entrepris de limiter le nombre de convives autour de la table, par exemple en réduisant l’immigration. Les politiques anti-migratoires sont ainsi les filles directes et nécessaires de l’État-providence.

Passager clandestin

De leur côté, les citoyens déjà assis autour de la table se sont angoissés. La menace de disette les inquiétait déjà. Ils ont donc développé la dernière énergie pour se battre et espérer obtenir quelques miettes : hors de question qu’elles leur échappent, surtout en faveur de ceux dont ils ont l’impression qu’ils se nourrissent sans contribuer (comportement que les économistes qualifient de « passager clandestin »).

Assez logiquement, les plus défavorisés sont les premiers à s’être défendus, car ils étaient les premiers menacés. Ce n’est pas un hasard s’ils votent aujourd’hui pour le FN (ni si celui-ci adopte des positions économiques toujours plus à gauche). Même Jean-Luc Mélenchon l’a compris, dont les positions sur l’immigration se sont durcies, provoquant l’incompréhension dans ses rangs à la fin de l’été 2016.

La spirale de rejet des étrangers en France n’est pas (qu’)un sursaut de la droite traditionaliste : elle est mue par le socialisme et son culte de l’État-providence. La gauche, si généreuse éthiquement, peut souhaiter faciliter l’immigration – les libéraux la soutiennent généralement car elle est bénéfique économiquement1 –, mais elle se trompe profondément si elle croit que cette politique est compatible avec un statu quo de l’État-providence, voire avec son existence même.

  • Article initialement publié sur l’Opinion le 15 janvier 2017.

Sur le web

  1. Voir, encore récemment, F. Jaumotte, K. Koloskova, S. C. Saxena, Immigration and economic prosperity, VoxEU, janvier 2017.
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  • On reconnait bien là la doctrine diffusée à science po (mon fils fait science po). La grande usine à conditionner fonctionne à plein régime, contre l’histoire, contre les faits et contre les évidences de l’observation objective. L’idéologie socialisante se diffuse subrepticement dans tous les interstices.
    Je m’étonne de plus en plus par contre – sauf sur les questions économiques (et encore. Voir le revenu universel) – de la proximité de pensée entre ceux qui se réclament du libéralisme et le socialisme d’aujourd’hui, défendus par les rebelles fonctionnaires (pardon, les intellectuels).
    Dans Contrepoint d’ailleurs, il y a quelques mois, de nombreux articles ont été publiés pour essayer de convaincre que le libéralisme avait ses racines à gauche.
    La situation est plus grave que je ne le pensais.

    • Le libéralisme peut très bien avoir ses racines à Gauche. Dès lors où on ne confond pas Gauche et socialisme.
      Les analyses de Philippe Fabry sur les définitions de Gauche, droite et de leurs extrêmes éclairent bien le sujet, justement.
      Pour ce que j’en comprends, libéralisme et progressisme (donc Gauche, selon la grille proposée par Fabry) sont plutôt convergents.

      • Merci pour votre contradiction exprimée avec courtoisie.
        Je connais cette thèse de Philippe Fabry. Personnellement, je n’y adhère pas du tout.
        Lorsque l’on regarde l’histoire des hommes et des idées, aussi loin que l’on puisse remonter dans le temps (depuis l’antiquité) et jusqu’à aujourd’hui, nonobstant les nuances, il n’existe aucun penseur, aucun courant, aucun pouvoir que l’on pourrait qualifier comme étant « à gauche » qui ne se soit pas, à un moment ou un autre, imaginé en situation de devoir imposer ses idées, conçues comme un aboutissement, sur le reste de ses semblables.
        Certains n’ont pas dépassé les concepts, beaucoup sont passés à l’acte.
        Il existe bien des tentatives visant à élaborer d’autres clés de lecture du monde. Plus que leur pertinence, je crois qu’elles révèlent l’ego de leur initiateur. Il existe aussi des stratégies visant à brouiller les repères pour asservir les individus (le relativisme en est une).

        Je pense que la définition rappelée par Jacques Attali pour décrire la façon dont les hommes se partagent depuis toujours en deux ensembles opposés est toujours d’actualité.

        Certains, ne accommodant pas de la réalité, souhaitent la façonner, pour eux-mêmes et tous les autres, suivant leurs fantasmes (on trouve dans cet ensemble essentiellement les individus « de gauche », mais pas uniquement) ; d’autres la considèrent comme une donnée et construisent à partir d’elle.
        La différence entre progressistes (ce terme est pour moi impropre, je le reprends par facilité) et libéraux a donc un caractère – c’est mon opinion – irréductible.
        A la lecture de commentaires d’internautes sur certains articles de Contrepoint, je pense ne pas être le seul à penser de la sorte.

        • j’adhère plutôt à votre point de vue. En effet, souvent(toujours ?) les hommes de « Gauche » ont cherché à imposer aux autres leurs propres visions. Et donc en opposition définitive avec le libéralisme tel que je le comprends aujourd’hui.
          Pourtant, pour avoir lu quelques écrits de Bastiat, et ce que j’en dit n’engage que moi, il me semblait avoir une vision plutôt « de gauche » et libérale, en étant très fermement opposé au socialisme.
          C’est cette approche de la gauche (celle qui n’oublie pas les hommes et ne néglige pas les démunis, par exemple, ou celle qui propose des améliorations de la société sans chercher à les imposer par la force) qui me semble compatible avec le libéralisme.
          Pour ma part, enfin, la description de Philippe Fabry me fournit une grille de lecture simple et efficace, même si elle est certainement critiquable, à laquelle j’adhère volontiers.
          Enfin, être le seul à penser comme je le fais m’est familier : c’est ce qui me permet parfois de ne pas me fondre dans la masse, mais aussi qui me laisse une considérable marge de progression pour les cas où ma position est « bancale ».
          Être autodidacte en libéralisme, ça demande des efforts constants !
          Merci pour votre retour ci-dessus.

  • Je suis étonné que cet article de Contre-Point reprenne à son compte, avec trop peu de distance, le vocabulaire de propagande digne de « 1984 » qui
    – appelle « défavorisé » ceux qui reçoivent; et « favorisés » ceux qui subissent la confiscation
    – parle de « logique généreuse » là où personne n’est généreux, surtout pas qui les partisans de cette logique qui y gagne pouvoir et argent (en postes de fonctionnaire notamment)

    Sinon, d’accord avec le fond.

  • Je ne comprends pas comment est posé la question de l’immigration en France. J’entends dans le brouhaha médiatique qu’un seul choix binaire, immigration sans limite ou absence d’immigration. Bref, deux visions extrémistes. Je note aussi l’évolution sémantique dans l’article, d’abord on parle de rejet de l’immigration pour faire un glissement à la fin avec la notion de rejet de l’étranger. Cet amalgame est justement là pour polariser le débat et le rendre extrémiste.

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