Fraude fiscale : l’administration se modernise

La loi de finances rectificative pour 2016 comporte un important volet « procédures fiscales » comportant une vingtaine de nouvelles mesures venant renforcer l’arsenal répressif déjà bien étoffé de l’administration fiscale.

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Fraude fiscale : l’administration se modernise

Publié le 3 janvier 2017
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Par Virginie Pradel.

Fraude fiscale : l'administration se modernise
By: Renaud CamusCC BY 2.0

Le domaine sensible des procédures fiscales

Les procédures fiscales constituent un domaine on ne peut plus délicat puisqu’il vise à préserver un semblant d’équilibre entre les préoccupations contradictoires de l’État qui s’efforce d’assurer la perception de l’impôt et celles du contribuable qui entend consentir à son obligation fiscale à son exacte mesure et sous certaines garanties procédurales.

Sous le quinquennat de François Hollande, les procédures fiscales ont, dans un premier temps, été profondément remaniées par la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et par les lois de finances pour 2014 et pour 2015. Dans un second temps, la loi de finances rectificative pour 2015 et la loi de finances pour 2016 ont semblé marquer une pause dans cette effervescence législative. Derechef, la loi de finances rectificative pour 2016 modifie de façon substantielle les procédures fiscales.

Florilège des derniers aménagements apportés

Plusieurs sanctions fiscales sont renforcées, notamment celle relative au défaut de déclaration de la détention de comptes bancaires, de contrats d’assurance-vie ou de trusts à l’étranger (portée à 80 % de tous les rappels d’impôts liés à leur détention).

Par ailleurs, une kyrielle de nouvelles procédures ont été instaurées : procédure d’audition dans le cadre de la lutte contre la fraude fiscale internationale, procédure d’instruction sur place des demandes de remboursement de TVA, procédure spécifique de contrôle de la délivrance des reçus fiscaux par les organismes sans but lucratif.

Instauration d’un nouvel « examen de comptabilité »

Surtout, il est introduit, en complément de la « vérification de comptabilité », un nouveau type de contrôle fiscal réservé aux comptabilités informatisées, dénommé « examen de comptabilité ».

Cette nouvelle procédure, justifiée par la nécessité d’améliorer l’efficacité des contrôles sans perturber le fonctionnement des entreprises, aura pour spécificité d’être conduite « à distance », c’est-à-dire dans les locaux de l’administration fiscale.

En pratique, l’administration fiscale devra informer le contribuable de la conduite d’un « examen de comptabilité » par l’envoi d’un avis. Celui-ci sera alors tenu d’adresser, dans un délai de dix jours, à l’administration fiscale une copie des fichiers des écritures comptables (FEC) sous forme dématérialisée qu’elle pourra exploiter dans ses locaux. Les contribuables qui ne se conformeront pas à cette obligation de transmission s’exposeront à une amende de 5.000 € ou, le cas échéant, à une majoration de 10 % des impositions rectifiées.

La garantie d’un débat oral et contradictoire

En matière de « vérification de comptabilité », les tribunaux reconnaissent depuis longtemps la nécessité d’un débat oral et contradictoire entre le contribuable et le vérificateur avant toute rectification des impositions. Ce dernier implique que le contrôle de la comptabilité ait impérativement lieu « sur place », à savoir dans les locaux des entreprises ou de leurs conseils (expert-comptable ou avocat).

La présence physique continue du vérificateur dans ces locaux, lors de la phase de contrôle, présente plusieurs avantages pour le contribuable. D’une part, elle facilite l’instauration d’un dialogue évolutif et constructif avec le vérificateur. D’autre part, elle permet au contribuable d’être dans une situation confortable dans la mesure où il peut suivre l’avancement des vérifications effectuées et réagir en conséquence.

En somme, l’existence d’un débat oral et contradictoire lors du contrôle « sur place » a pour dessein de contribuer à l’apaisement des relations entre les acteurs du contrôle fiscal, lesquelles sont par essence conflictuelles et tendent volontiers à s’exacerber.

Un nouveau nid à contentieux fiscaux

S’agissant du nouvel « examen de comptabilité » qui sera conduit « à distance », le gouvernement a indiqué, de façon surprenante, que « la possibilité d’un dialogue entre l’administration et le contribuable sera totalement préservée, les échanges entre le contribuable et l’administration pouvant s’effectuer, par écrit ou oralement ». Cette précision conduit à s’interroger sur le maintien effectif de la garantie d’un débat oral puisqu’on voit mal comment celui-ci pourrait être conduit… par écrit. S’agit-il là d’une erreur malencontreuse ou d’une véritable brèche ouverte dans les garanties dont bénéficient actuellement les contribuables en cas de contrôle de comptabilité ?

Il est regrettable que les députés n’aient pas donné davantage de précisions quant à la façon dont sera apprécié le fameux « dialogue ». Cette lacune législative met en évidence la fâcheuse propension des députés à voter hâtivement des mesures venant renforcer les prérogatives de l’administration fiscale sans s’intéresser aux modalités pratiques et aux conséquences qu’elles induisent. Une fois encore, celles-ci devront ultérieurement être précisées par les tribunaux, et ce, aux frais des contribuables.

Un risque de détournement de procédure

Si les garanties procédurales entourant le nouvel « examen de comptabilité » venait à être entendues de façon plus bienveillante pour l’administration fiscale que celles entourant la « vérification de comptabilité », il est à craindre que cette dernière procède progressivement à une extension inopportune de la première au détriment de la seconde.

La porte à une telle dérive est grande ouverte dans la mesure où les raisons qui justifient le recours à « l’examen de comptabilité » ne sont pas indiquées avec précision. Le gouvernement a seulement mentionné que celui-ci « n’a pas vocation à s’appliquer aux entreprises qui présenteraient des risques élevés et dont la taille et la complexité des sujets nécessiteraient un contrôle sur place ».

Veiller au maintien des garanties accordées aux contribuables

On assiste depuis plusieurs années à un renforcement notable des prérogatives de l’administration fiscale en matière de contrôle. Bien que ce renforcement soit justifié par la lutte contre la fraude fiscale, ce dernier doit nécessairement se faire dans le respect de l’ensemble des garanties procédurales accordées aux contribuables. À cet égard, la garantie d’un débat oral et contradictoire, lors de la phase initiale de contrôle, doit impérativement être maintenue.

C’est sous cette réserve que le contrôle fiscal ne se transformera pas, à terme, en « inquisition fiscale ».

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  • les pauvres ca ne les concernent pas ,les riches ils sont partis ,les autres vous allez payer !!!

  • Plusieurs sanctions fiscales sont renforcées, notamment celle relative au défaut de déclaration de la détention de comptes bancaires, de contrats d’assurance-vie ou de trusts à l’étranger (portée à 80 % de tous les rappels d’impôts liés à leur détention).

    Surtout qu’en 2017, le Luxembourg pratique l’échange automatique de l’information, solde et plus-values réalisées. En 2018, c’est la Suisse.
    Déjà en 2016, pour les nouveaux comptes.

    Donc pourquoi tabasser les gens qui auraient des trous de mémoires, des erreurs cela arrive ❓ Sinon, l’Europe est bien arrivée à un stade eugénique.
    Vieux ❓ Tu peux crever :mrgreen:

  • Les fichiers FEC à destination de l’administration fiscale, ça existait déjà. Un petit truc à savoir : le format informatique de ces fichiers est un peu alambiqué, et les serveurs de l’administration (Atos) ne savent à ce jour toujours pas les lire !

  • Les commentaires sont fermés.

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