Sécu, le marché des idées est-il verrouillé ?

Le secteur des entreprises est trop peu impliqué dans le monde des idées. Il n’y fait pas suffisamment valoir ses alternatives. Faut-il y voir un lien avec le fait que nos élites économiques sont issues du moule public ?

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Sécu, le marché des idées est-il verrouillé ?

Publié le 21 décembre 2016
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Par Erwan Le Noan.
Un article de Trop Libre

Sécu, le marché des idées est-il verrouillé ?
By: Julian SantacruzCC BY 2.0

Depuis qu’il est désigné candidat à la présidentielle pour son camp, François Fillon est sous le feu des critiques, visé pour ses propositions d’accorder un rôle plus important aux complémentaires santé. Ministre ouvertement en campagne, Marisol Touraine n’y est pas allée avec le dos de la cuillère. Dès le 24 novembre, elle réagissait sur Twitter : « Vous proposez la privatisation de la santé ». La bombe lâchée, la multiplication des caricatures a fait effet et dès le 13 décembre, l’ancien Premier ministre, tentant de clarifier sa position, a battu en retraite.

Personne, pas même dans le camp de François Fillon, n’a osé contre-attaquer sur le fond. Personne n’a rappelé que la Cour des comptes (à qui l’on peut reprocher beaucoup de choses, mais pas vraiment d’être un repaire de libéraux) a consacré, dans un rapport de septembre, tout un développement sur l’idée que « le champ d’intervention de l’assurance maladie pourrait être réexaminé ». Personne n’a tenté de rappeler qu’il n’existe pas de correspondance parfaite ni incontournable entre « protection sociale » et « sécurité sociale » et que la première peut très bien être (au moins partiellement) assurée sans la seconde.

Bénéfice collectif

Personne n’a pris la peine de répondre à Marisol Touraine, pour lui rappeler que l’affirmation « recours au privé = privatisation » est fausse, comme l’est l’égalité « service public = entité publique = fonctionnaires = monopole public ». Il ne faut pas confondre le bénéfice « collectif » d’une prestation et la nature juridique de son prestataire, ni son mode d’exploitation ! En France, de multiples services publics sont pris en charge par des personnes privées (comme des ligues sportives, des associations, etc.).

Mieux, un grand nombre d’entre eux est assuré par des entreprises privées à but lucratif (ramassage des déchets, distribution d’eau, transport urbain, etc.) et en concurrence, dans le cadre de « délégations », sous le contrôle des personnes publiques. En France, chaque jour, des centaines d’entreprises et de salariés privés participent au bon fonctionnement des services publics et du pacte social !

Mais, pourquoi personne ne l’a donc dit ? Où étaient les voix du secteur privé pour se faire entendre ?

Une première réponse pourrait être que la droite a cessé de réfléchir profondément à ses projets politiques en général et au rôle de l’État en particulier. Elle est pragmatique et programmatique, pas doctrinale. La littérature est assez pauvre sur le sujet et il faut aller chez nos voisins anglo-saxons pour trouver des idées stimulantes1.

Une seconde piste est qu’en France le débat public est asphyxié par la puissance publique. C’est au sein de l’État que se pensent les politiques publiques, car il a seul les moyens de financer les expertises, de multiplier les structures de réflexion, d’accéder aux données utiles.

Quand il ne produit pas lui-même, il se distingue par son implication très forte dans la vie des idées : en France, tout le débat public est façonné (financé) par la puissance publique2.

Au final, l’argent public chasse l’argent privé. Les propositions publiques aspirent les idées privées. Le secteur des entreprises est trop peu impliqué dans le monde des idées. Il n’y fait pas suffisamment valoir ses alternatives. Faut-il y voir un lien avec le fait que nos élites économiques sont issues du moule public ?

 

Sur le web

  1. J Micklethwait, A Wooldridge, The Fourth Revolution : the Global Race to Reinvent the State, Penguin, 2014.
  2. J Campbell, OK Pedersen, The National Origins of Policy Ideas, Princeton, 2014.
Voir les commentaires (9)

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  • En France, le débat public est surtout asphyxié par les médias, majoritairement collectivistes. Quand ils veulent créer l’opinion publique, il suffit qu’ils ne donnent pas (ou peu) d’écho aux idées contraires. On l’a vu pour la loi travail et plus récemment, sur cette affaire de protection sociale. Les explications ne pouvaient pas passer. Avez-vous entendu de nombreuses interviews de Fillon pour qu’il explique son programme à ce moment?
    Il faudrait que les hommes politiques de droite cessent d’assimiler ce que disent les médias et ce que pensent leurs électeurs pour rester fidèles à leurs idées. Et, idéalement, s’ils reviennent au pouvoir, prendre des mesures pour favoriser le pluralisme. Vaste programme!

  • Il faut supprimer la Sécurité Sociale. Point barre. Beaucoup trop de gens y pratiquent des « trafics de détournements de fonds ». Des pharmaciens récupérant d’anciens médicaments, sans doute obsolètes, s’amusent à les remettre sur le ou leur marché. Il en est de meme de certains médecins généralistes, qui visitant un patient dans une maison de retraite, en profitent pour « effectuer » pleins de consultations dans cette maison de retraite, afin de rentabiliser son parcourt. Et on n’oubliera pas des sociétés de soins infirmiers, qui facturent à l’Assurance Maladie, des prestations de soins fictives, et dont les montants payés par les assurances médicales de leurs clientèles peuvent atteindre les 2 millions d’euros.
    Et je ne parle même pas de l’Aide Médicale aux Étrangers, qui nous coutera bientôt plus d’un milliard d’euros. Ajoutons y les accords médicaux dont bénéficient les « algériens » pour se faire soigner gratuitement en France.
    En voulant régenter la santé des français, tous les gouvernements nous ont « appauvris » et au final, le français moyen est moins soigné dans son pays que son voisin allemand, belge, suisse ou espagnol.
    Le secteur de la santé doit être laissé à la responsabilité de son propriétaire. L’État socialisant doit s’en défaire. D’autant que la ministre en charge de la Santé dans la gauche de gouvernement, lançant son fameux « En 2017, le « trou de la Sécu » aura disparu », fait preuve d’un sacré culot pour annoncer cela.
    Comme d’habitude avec la Gauche, de l’enfumage pour le français moyen.
    La Droite ferait bien de libéraliser le secteur de la Santé publique, et laisser les Mutuelles privées ou publiques se charger de protéger leurs sociétaires suivant les risques qu’ils estiment courir de leur plein gré.
    A quoi sert de souscrire une assurance contre un risque de cancer des poumons, pour un non fumeur, alors, à quand la libéralisation complète de ce secteur économique non régalien de la république?.

    • « Et on n’oubliera pas des sociétés de soins infirmiers, qui facturent à l’Assurance Maladie, des prestations de soins fictives, et dont les montants payés par les assurances médicales de leurs clientèles peuvent atteindre les 2 millions d’euros. »
      À chaque fois que quelqu’un ressort cette sombre histoire de soins infirmiers fictifs le montant augmente…
      Je connais plutôt bien le contexte en question. Les actes infirmiers sont facturés depuis plus de 10 ans via des logiciels agréés, impliquant des normes de calcul sophistiquées et la présence de la carte Vitale des patients.
      L’ensemble est transmis aux systèmes informatiques des différentes caisses, a un format très codifié.
      Ces caisses disposent en temps réel de statistiques d’activité de chaque profession de santé, pour chaque région, département, etc.
      En gros, en temps réel, une Caisse « sait » par exemple qu’à tel endroit une infirmière libérale facture en moyenne pour 60.000€ dans l’année.
      Vous imaginez bien que quand cette infirmière frauduleuse (ça peut arriver) facture plus de, disons 100.000€ dans l’année, les alertes informatiques sonnent de partout sur les écrans des administrateurs de la Caisse.
      Et vous n’êtes pas surpris qu’il faille 2, 3 ans et des sommes hallucinantes de facturation fictive pour que la Caisse agisse ? De qui se moque-t-on ?

      C’est le même mécanisme de « coupable idéal » que celui de la SocGen avec Jérome Kerviel.

      Pour les pharmaciens, à ce que j’en sais, cette pratique historique très largement répandue à quasiment disparu, en raison d’une meilleure efficacité des systèmes informatiques et de la tracabilite des produits vendus.

      Mes deux exemples montrent aussi que des algorithmes bien pensés n’ont pas besoin d’être contrôlés et régulés. Et s’il y a contrôle à faire, c’est au sein des systèmes d’informations déficients des organisles publics…

    • « A quoi sert de souscrire une assurance contre un risque de cancer des poumons, pour un non fumeur »
      Pour le fumeur aussi, la question se pose…
      Ce gentil petit cancer peut arriver à tous, fumeurs ou non. Si le fumeur à plus de risques, il faudra bien que le non-fumeur décède de quelque-chose, qui sera dans la quasi totalité des cas une « maladie longue et coûteuse ». C’est à ça que sert une assurance, en définitive. Sinon, bienvenu à Gataca…

  • Et la mise en place de la mutuelle pour tous, si c’est pas un premier pas vers la privatisation, et qui l’a mis en place : Marisol, oh comme c’est bizarre de dénoncer chez les autres ce qu’on a initié.
    Et les réseaux de soins c’est qui : Leroux, notre nouveau brillant ministre de l’intérieur.

  • « en France le débat public est asphyxié par la puissance publique. C’est au sein de l’État que se pensent les politiques publiques, car il a seul les moyens de financer les expertises, de multiplier les structures de réflexion, d’accéder aux données utiles. »
    Et oui. C’est exactement ça. Pas besoin d’aller chercher plus loin.
    Et du coup, seuls les experts et les structures qui ont des interaction positives avec l’État, qui promeuvent son expansion, passent le filtre de la « sélection naturelle régulée par l’État ».
    L’État est un marteau « régulateur », tout expert qui ne montre pas que le problème qu’il examine à la forme d’un clou « à réguler » est forcément mis de coté, en toute bonne foi puisque l’État ne sait pas quoi faire avec autre chose qu’un clou.

    On en revient toujours à la base : tant qu’il existera une « éducation nationale », que la « recherche et l’enseignement supérieur » et les médias seront financés par l’État, et bien les « experts » et les études produits seront étatistes, aussi surement qu’ils seraient catholiques si c’était le Vatican qui tenait les cordons de la bourse.

    On n’arrivera à rien sans suppression de toute supervision par un agent de l’État des financements des média et de l’Éducation. Les français étant accro à la dépense publique, on ne la supprimera pas, mais au moins on peut la faire passer par des mécanismes de crédit d’impôts qui sont neutres.

  • A ce que l’on sache aucun des employés de la CNAV, CNAM, CIPAV, URSSAF, RSI, et autres n’a le statut de fonctionnaire et ce depuis leurs créations. Tous ces organismes sont de droit privé et peu, telle la RAM de mémoire, sont des associations de type loi 1901. Donc la sécurité dociale est de droit privé et, toujours de mémoire, certains de ces organismes paient l’IS sur les bénéfices. Pourquoi personne ne rappelle ces faits quand de tels débats ont lieu. Peut-être parce qu’une partie de ces organismes privés sont gérés par des syndicats de « gôche » si proches des gens sur le dos desquels ils vivent tout comme la presse de « gôche » toujours subventionnée vit sur le dos des contribuables. Mais chuuuuut, la sécu c’est public et la presse est indépendante! Merci à ce site pour ces fabuleux articles qui grattent et parlent du fond avec une approche à part.

    • Et pourtant l’ODAM est déterminé par le ministère de la santé, quelle indépendance alors pour la sécu « privée » ?

    • A ce que l’on sache aucun des employés de la CNAV, CNAM, CIPAV, URSSAF, RSI, et autres n’a le statut de fonctionnaire et ce depuis leurs créations. Tous ces organismes sont de droit privé

      Blabla, c’est de l’argent public et c’est piloté par le politique et administration.

      C’est aussi « privé » que la « République populaire démocratique de Corée » est démocratique.

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