La fausse querelle du « coup de pouce » au SMIC

Débat surréaliste sur l’augmentation du SMIC, car son calcul même comporte un « coup de pouce » au-delà de l’inflation et l’existence même du SMIC, surtout au niveau actuel, est un non-sens économique qui crée du chômage.

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La fausse querelle du « coup de pouce » au SMIC

Publié le 20 décembre 2016
- A +

Par Jean-Yves Naudet.
Un article de l’Iref-Europe

Chaque année, un comité d’experts, consultatif, conseille le gouvernement sur le niveau du SMIC, qui doit être revalorisé au 1er janvier.

C’est une manie de l’étatisme que de fixer des formules arbitraires (comme pour le taux du Livret A) et de demander l’avis d’experts pour savoir s’il faut respecter ou non la formule : à l’arbitraire de la formule s’ajoute l’arbitraire de la décision. Cette année, comme l’an dernier, les experts suggèrent de s’en tenir strictement à la formule, sans « coup de pouce » supplémentaire, et le gouvernement suivra cette recommandation.

Voilà qui semble sage, compte tenu du niveau élevé du chômage. Mais la sagesse n’est qu’apparente.

D’abord, le SMIC français n’est pas seulement indexé sur l’inflation. Il est aussi revalorisé de la moitié de l’augmentation du pouvoir d’achat du salaire horaire de base ouvrier ; la hausse est donc supérieure à l’inflation, ce qui veut dire que la formule utilisée, même strictement appliquée, comporte en elle-même un « coup de pouce » permanent.

Cela explique que, loin d’être une simple « voiture balai », le SMIC français concerne un nombre très élevé de salariés (13 % de la population active), contribuant à resserrer la hiérarchie des salaires.

 

Un niveau du SMIC artificiellement élevé

Ces débats sur la revalorisation du SMIC cachent l’essentiel : le niveau du SMIC en France est anormalement élevé et le principe même du SMIC est contestable.

Le graphique ci-dessous montre la diversité des niveaux de SMIC en Europe (et aux USA). Pour la seule Union européenne, le SMIC va d’à peine plus de 200 euros (en Bulgarie) à plus de 1900 euros (au Luxembourg). Ceux qui rêvent d’un SMIC européen unique provoqueraient une catastrophe sans précédent et une explosion du chômage : le salaire ne peut se fixer arbitrairement, sans tenir compte du niveau de productivité dans chaque pays.

La France fait partie du groupe 3, c’est-à-dire des pays ayant le SMIC le plus élevé.

Si on fait abstraction du cas particulier du Luxembourg, nous sommes dans le groupe de tête, aux côtés de l’Allemagne, de la Belgique, des Pays-Bas, du Royaume-Uni et de l’Irlande, les autres pays étant nettement en dessous. Mais, même avec ceux qui ont un salaire minimum proche du nôtre, la comparaison est discutable.

Par exemple, l’IREF a montré l’an dernier que le SMIC allemand représentait 50 % du salaire médian, alors que le SMIC français en est à 62 %, ce qui signifie que si, en apparence, le SMIC allemand est un peu plus élevé que le nôtre (en valeur absolue), en réalité, il est nettement plus élevé en France en termes relatifs (c’est-à-dire par rapport aux autres salaires).

Salaire minimum mensuel (2016 – en euros- selon Eurostat)

Le SMIC : « voiture balai » ou réduction des inégalités ?

Notons également que plusieurs pays d’Europe n’ont pas de salaire minimum national (Danemark, Italie, Chypre, Autriche, Finlande et Suède), sans que pour autant leurs salariés s’en portent plus mal.

L’Allemagne elle-même n’avait pas de SMIC, jusqu’à ce que la nécessité d’une grande coalition (CDU/SPD) oblige Angela Merkel à faire cette concession aux sociaux-démocrates. Mais, jusque-là, les salariés allemands n’avaient guère à se plaindre de l’absence de salaire minimum, tandis que le chômage était au plus bas.

Il y a donc un débat sur le niveau même du SMIC.

Beaucoup de pays qui l’ont adopté, comme les États-Unis, le fixent à un niveau très faible par rapport au salaire moyen, ce qui fait qu’il ne concerne que très peu de salariés, essentiellement les plus jeunes et les moins formés, une sorte de salaire de démarrage, dont ils s’éloignent rapidement dès que leur carrière progresse.

En France, au contraire, le SMIC a toujours été utilisé comme un « instrument de réduction des inégalités », c’est-à-dire comme un moyen de réduire les écarts de salaires, artificiellement, par décision étatique.

 

Du SMIC jeune à la liberté contractuelle

Résultat : la hiérarchie des salaires est artificiellement écrasée, ce qui n’incite pas les salariés à progresser, tandis que les entreprises préfèrent, à ce niveau élevé, embaucher des salariés plus productifs.

Un SMIC tel que le nôtre est une machine à exclure les moins qualifiés, et tout particulièrement les jeunes sans formation.

Ainsi utilisé, il crée du chômage. Comme l’IREF l’a montré dans son étude récente (22/11/16. Comment faire baisser le chômage des jeunes ?) le coût horaire d’un jeune payé au SMIC est le plus élevé de celui des pays de l’OCDE (à l’exception du Luxembourg), ce qui contribue à expliquer le taux de chômage des 15-24 ans en France : 25,7 % des actifs de cette tranche d’âge. L’IREF démontre qu’un SMIC jeune serait déjà un progrès et réduirait massivement le chômage.

Au-delà, le véritable débat porte sur la liberté contractuelle, seule façon d’éviter tout arbitraire et de coller aux réalités, car chaque entreprise est unique et chaque salarié aussi. L’IREF a montré l’an dernier (21/12/15- Salaire minimum : effets pervers, solutions courageuses) les effets pervers du salaire minimum.

Au-delà de l’idée d’un SMIC jeune, l’absence d’un SMIC étatique uniforme fixé par le législateur permettrait des formules plus souples, depuis le salaire minimum décidé selon les branches, les régions, les qualifications, jusqu’à la liberté contractuelle totale.

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  • Supprimons le smic et mettons en place un revenu universel anti-misère. (Pas d’effet de seuil). Vous verrez qu’il y aura du boulot.

  • Smic = trappe à chômage

  • Mettez au moins comme photo un pouce propre sans ongle en deuil…

  • On a compris : le libéralisme et sa conséquence, le libre-échangisme impose des salaires bas (et pas qu’un peu).
    Or une bonne politique économique donne des salaire correcte DONC le libéralisme est une mauvaise politique.

    Les français veulent pas être tiers-mondisé (car le libéralisme c’est donc cela que ca donne).

    donc le libéralisme est condamné (en tout cas en tant que dogme on pourra conserver si et là de bonne idées mais le libéralisme dogmatique ne marchera jamais) !

    • Constatation, je constate votre « culture » économique. L’échangisme, même libre n’a aucune influence sur le niveau du SMIC. Tiens, au fait, si nous discutions du libre échange dans le cadre de l’Union Européenne ? Bon, ce sera pour une autre fois, je vous l’accorde.

    • Quebec social-démocrate avec SMIC à 10 $ 50 pour 10 à 20 % des salariés; Alberta libéral salaires de base au delà de 13 $ et on ne trouve pas de caissière pour ce salaire là. Voilà la réalité. Suisse tiers-mondisée avec des salaires de caissières à 3000 €, France baignant dans le socialisme 3 700 000 chômeurs SMIC de riche à 1120 €, salaire médian (50 % des salaires) à 1675 brut/ net 1295 €. Constatons…
      Le Libéralisme est une philosophie (observation, réflexion, …). Le socialisme une idéologie.

    • Si vous remplacez libéralisme par socialisme, je suis d’accord 🙂

    • Le libéralisme provoque une pénurie de travailleurs et pousse les salaires à la hausse. Le socialisme provoque une pénurie d’entreprises et donc une abondance de chômeurs et de salariés mal payés.
      Je vous laisse en tirer les conclusions quant à la tiers-mondisation.

  • Quand un patron a le choix pour embaucher entre un salarié expérimenté au chômage et un jeune sans qualification ou ayant très peu travaillé dans ce domaine; tous les deux payés au SMIC, il n’y a pas photo. On a essayé, il y a quelques années; le « SMIC JEUNE ». Les protestations ont été tellement importantes dans le pays que cette loi a été retirée. Résultat : de nombreux jeunes ayant l’opportunité de se faire connaitre et de prospérer dans l’entreprise d’accueil sont donc, « restés sur le carreau » et n’ont pu prouver leur potentialité

    • Ah le vieux serpent de mer qui ressurgit sur Contrepoints , ça ne fera que le 100ème article qui n’apporte en réalité pas grand chose à la réflexion

  • « liberté contractuelle totale »… Arrrrgh! Vous êtes en France, mon bon, où la liberté est ce qui est expressément autorisé par l’Etat…

  • L’idée qu’un salaire minimum élevé serait néfaste à l’économie et favoriserait le chômage repose sur l’idée fausse selon laquelle plus le coût du travail est élevé, moins c’est bon pour l’économie.

    Vous verrez ici la preuve de la fausseté de cette assertion.

    J’irai même jusqu’à dire que lorsque le SMIC est élevé, cela favorise l’innovation, le développement technologique afin de se débarrasser des activité peu productives pour les remplacer par des activités plus rentables.

    Rappelons qu’en France, il y a exonérations des cotisations sociales au niveau du SMIC depuis des années, voire des décennies. Cela a favorisé le maintien d’emplois peu productifs, notamment de services, au détriment de l’industrie.

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