Mélenchon, Le Pen, Trump, ces nouveaux protectionnistes

Le protectionnisme du programme de Trump, de Marine Le Pen ou de Jean-Luc Mélenchon, même s’il s’habille de formes différentes, reste en fait toujours le même.

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Waiting for Purple Rain By: Garry Knight - CC BY 2.0

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Mélenchon, Le Pen, Trump, ces nouveaux protectionnistes

Publié le 4 décembre 2016
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Par Frédérique Berrod, Antoine Ullestad, Louis Navé.1

Protectionnisme
Waiting for Purple Rain By: Garry KnightCC BY 2.0

Donald Trump, à peine élu, se fait présidentiel et cherche une assise stable à un programme politique bien contradictoire. À l’exception peut-être de ce slogan : America First. Traduction : protectionnisme ; seule véritable constante dans son discours et dans son programme.

La revendication protectionniste apparaît également en France dans le programme du Front national et dans celui de Jean-Luc Mélenchon pour les élections présidentielles de mai 2017. Étrange rapprochement des extrêmes qui laisse penser, à tort, que le protectionnisme se déclinerait selon la couleur politique.

Or, le protectionnisme se traduit sur le plan juridique comme la possibilité de protéger un marché national de la concurrence étrangère par l’édiction de mesures discriminatoires. Qu’il figure dans le programme de Trump, dans celui de Marine Le Pen ou dans celui de Jean-Luc Mélenchon, le protectionnisme, même s’il s’habille parfois de formes différentes, reste en fait toujours le même.

Le protectionnisme guerrier de Trump

Donald Trump défend une version dure du protectionnisme. Une sorte de protectionnisme intégral : prôner la fermeture du marché pour que l’Amérique retrouve de sa superbe et pour qu’elle puisse assurer sa propre sécurité en maîtrisant complètement ce qui entre et ce qui sort de son territoire. Cette fermeture assurerait aussi la protection de l’emploi américain, prétendument érodé par les importations, cette nouvelle chimère supposée détruire les économies nationales. Comme si ériger la discrimination en principe de politique économique était la seule et unique solution pour résoudre la crise de compétitivité de certaines entreprises nationales.

La logique de Trump repose sur un postulat : les importations seraient « malsaines » et « désastreuses » parce qu’elles seraient imposées par le dogme du libre-échange. Étrange vision : les importations et les exportations n’existent que lorsque deux États au moins ont intérêt à commercer. Le fait que se développent des accords de libre-échange est bien la preuve que le commerce ne peut pas être une obligation.

Pour Trump, sortir de ce prétendu dogme implique de renégocier ou supprimer (c’est selon) les grands accords de libre-échange et de ré-instaurer des droits de douane élevés pour emmurer le marché américain. Ou au moins donner une priorité d’achat aux produits américains, sauf s’ils sont vraiment trop onéreux : le commerce international doit passer après le commerce national. Ce qui revient, ni plus ni moins, à renverser le principe du commerce international en vigueur depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

L’option préconisée par le nouveau président des États-Unis est une version très classique du protectionnisme. Elle est fondée sur des thèmes récurrents du repli sur soi : d’un côté, le nationalisme et, de l’autre, l’hégémonie politique et commerciale. Ce qui soulève deux principaux problèmes.

Partir de l’idée que tout ce qui est américain doit être privilégié est d’abord une manière de prôner une politique industrielle et commerciale nationaliste qui oublie que chaque pays au monde, même les États-Unis, a besoin d’importations et profite de ses exportations. Mettre en œuvre des politiques protectionnistes implique ensuite d’anticiper la réaction de ses partenaires commerciaux. En d’autres termes, comment fermer son marché sans risquer une guerre commerciale ?

La solution de Trump est à nouveau trop simple. Les États-Unis vont imposer à leurs partenaires, dont la Chine, de commercer aux conditions américaines en les menaçant sinon de fermer leur lucratif marché. Dans sa vision, le protectionnisme est possible parce que les États-Unis sont hégémoniques. Leur puissance rend impensable une guerre tarifaire. Nationalisme et hégémonisme politique sont nécessaires pour que la fermeture du marché n’emprisonne pas les États-Unis.

La rhétorique de Trump est simpliste, et c’est certainement ce qui fait son efficacité. Elle est surtout complètement erronée : comment penser que le protectionnisme – ou la mise sous cloche des industries nationales – arrêtera la mondialisation ? Le raccourci est tout aussi hasardeux que d’avancer que les murs ont arrêté les migrations.

Trump a beau nourrir une aversion particulière pour le libre-échange, le protectionnisme n’arrêtera pas la mondialisation. La mondialisation continuera avec ou sans le concours et la participation des États-Unis.

Le « protectionnisme intelligent » du Front national

En France, les partis populistes ont adopté une version apparemment plus nuancée du protectionnisme. Marine Le Pen annonce en effet ne pas vouloir refermer le marché national sur lui-même. Elle préfère le protéger des « désordres du monde ». Le protectionnisme devrait être intelligent, c’est-à-dire ciblé, pour ne protéger que les secteurs stratégiques.

La rhétorique est adroite. La logique l’est moins. Le FN vante a priori un protectionnisme moderne qui gagne à ne pas être systématique, au moins dans son discours. Mais cette option soulève surtout de nombreuses questions, à commencer par celle de la détermination de ce qu’est véritablement un secteur stratégique. Est-ce le maintien d’une base industrielle ou l’émergence des nouvelles économies qu’il faut anticiper ? Le FN ne répond pas à cette question.

En filigrane, on devine que le secteur économique est stratégique parce qu’il est national. Le protectionnisme est davantage patriote qu’il n’est ciblé, puisqu’il s’agit très souvent de la protection d’industries vieillissantes et peu innovantes, uniquement parce qu’elles sont françaises. Là encore, le patriotisme est un faux nez. Ce protectionnisme ne fait que poser un glacis fixateur sur l’état des industries nationales, sans garantir ni l’innovation ni le développement de nouvelles économies.

À moyen terme, le protectionnisme nationaliste mène invariablement à une désindustrialisation accélérée. Penser qu’il est possible de soustraire certains secteurs à la mondialisation par le rétablissement de frontières sélectives est une illusion bien fugace. Elle illusionne parce qu’elle parle de protection. Elle est fugace parce que, à l’évidence, porter à bout de bras des industries menacées par la mondialisation est un coup de bluff.

Pour gagner, il faut être prêt à lancer une guerre douanière généralisée qui ne sera bénéfique qu’à très court terme. Si on pose la question à tout consommateur de savoir s’il est prêt à payer le maintien des emplois nationaux par une augmentation des prix, sa réponse sera immanquablement négative.

Marine Le Pen use finalement du même artifice que Donald Trump : faire croire que le libre-échange oblige un État à importer. Et que le protectionnisme ciblé permet d’éviter la perte des emplois et de garantir la cohésion sociale de la France. Or, le libre-échange n’oblige pas un pays à renoncer à ses normes essentielles ; leur protection en est au contraire une condition. Aucun traité international ne peut imposer à un État de sacrifier la protection de ses salariés ou de diminuer les efforts qu’il souhaite fournir pour préserver l’environnement.

Un État signe un traité et accepte son contenu sans que rien ni personne ne le force à quoi que ce soit. Un traité de libre-échange organise les importations parce que chaque État signataire l’a bien voulu. L’Union européenne n’est pas une exception. Elle ne déroge bien évidemment pas à cette règle. Le libre-échange fonctionne s’il est régulé. Et dans ce cas il devient gagnant-gagnant. Le protectionnisme ne permet pas de réguler ni de protéger. Il exacerbe l’arbitraire des relations internationales. Cette subversive inversion de perspective le légitime faussement. Le protectionnisme du FN est le même que celui de Trump. Une politique nationaliste et guerrière.

Le « protectionnisme solidaire » de Jean-Luc Mélenchon

Le protectionnisme est aussi le pari de la gauche française version Mélenchon. Ce protectionnisme nouvelle-vague est présenté comme solidaire. La priorité est d’abord de garantir l’autosuffisance nationale. Chaque État devrait ainsi être mis en capacité de produire ce dont il a besoin, en fonction de ses atouts climatiques, industriels et de son savoir-faire propre. L’État devrait pouvoir retrouver le droit d’utiliser les droits de douane et les quotas, mais aussi d’interdire l’importation de produits qui ne satisfont pas à son niveau de protection sociale ou environnementale, y compris en dénonçant les accords de libre échange.

Une fois les frontières refermées, il serait possible de s’ouvrir au commerce international en choisissant ses partenaires, exclusivement sur la base de la complémentarité et de la coopération. Le marché français ne pourrait donc s’ouvrir que si le produit manque dans le cadre national et si ce produit importé répond aux standards sociaux et environnementaux français. À cette condition, et seulement à celle-ci, le commerce international deviendrait possible parce que solidaire.

Cette version du protectionnisme n’est pas aussi généreuse qu’elle n’y paraît. Elle part d’un postulat qui ne résistera pas plus à l’analyse qu’à l’épreuve des événements : celui d’une coopération fondée sur la protection d’un système national refermé sur lui-même. L’État qui va pouvoir bénéficier de cette solidarité protectionniste est d’abord celui qui a le même niveau de protection sociale et environnementale que la France : peu de partenaires, en somme. Ou celui qui dépend commercialement de la France et a pour unique solution de se plier à cette nouvelle donne commerciale : peu d’États aussi.

On retrouve l’hégémonisme de la logique protectionniste de Donald Trump et de Marine Le Pen. Le protectionnisme n’est pas plus solidaire qu’il n’est intelligent. En agitant le spectre du repli sur soi, Jean-Luc Mélenchon se trompe : la solidarité ne peut pas résulter d’une politique qui considère la solution nationale comme la meilleure. Elle ne peut se concevoir que si les systèmes de normes se rencontrent et apprennent à se connaître pour laisser passer les flux commerciaux. La solidarité de Mélenchon suppose, en fait comme en droit, le libre-échange.

Le protectionnisme n’est ni nouveau ni modernisé quand il est patriote, solidaire ou intelligent. Le protectionnisme est et reste ce qu’il est : une solution de repli, quand elle n’est pas une solution guerrière, qui ne peut pas résoudre la crise que nous traversons. Simplement parce que la réalité du monde ne peut être emprisonnée entre des murs.

L’ironie dans tout cela ? La Chine, contre laquelle tous les protectionnistes s’accordent à élever leurs remparts, se fait le chantre du libre-échange, pour organiser le commerce Asie-Pacifique. Comme l’a déclaré le président Xi Jinping : « Nous n’allons pas fermer la porte au monde extérieur mais l’ouvrir encore plus largement ». À bon entendeur…

The ConversationSur le web-Article publié sous licence Creative Commons.

  1. Frédérique Berrod est professeur de droit public à Sciences Po Strasbourg. Antoine Ullestad et Louis Navé sont doctorants en droit de l’Union européenne à l’Université de Strasbourg.
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  • Le protectionnisme pénalise le consommateur puisque c’est lui qui paye les droits de douane et la hausse générale des prix qui en découle. Les plus pauvres sont les plus touchés car leur budget est déjà serré. C’est curieux que des partis dit populistes s’en prennent ainsi aux classes les plus défavorisées qui sont pourtant leurs électeurs.

    • Un salarié peut payer plus cher du made in France, un type au RSA ne peut même pas se payer à bouffer. Vous avez d’autres « evidences » de comptoir à proposer aux 9 millions de pauvres de France ? Subsidiairement, en les traduisant en anglais, vous pourriez les soumettre aux 20% de pauvres européens.
      C’est curieux, il semble que vous n’ayez pas vu le film liberal de ces 30 derniers années.

      • Si le salarié paye plus cher le « made in France » cela montre que la production française n’est pas compétitive. Je crains alors que le salarié ne perde son emploi.

        • Les faits contredisent votre affirmation,
          La suisse est le pays à la plus forte compétitivité au monde d’après le classement de Davos.
          Paradoxalement son salaire médian est, grosso-modo, deux fois plus élevé que le notre, de même que le cout de la vie.
          Le libre échange ne peut exister que si des traités internationaux le régulent,
          Ces traités ne prennent jamais en compte le niveau de vie des pays (prestations sociales etc).
          L’intégration dans ces traités d’une notion de « rééquilibrage social » des échanges par une taxation différentielle aux frontières peut être considérée comme du protectionnisme (mot honni s’il en est) mais c’est l’inverse qui revient à une guerre économique où seule une comparaison par les prix serait pertinente, avec, comme conséquence immédiate et continue, le nivellement par le bas des conditions de vie des salariés.
          D’après votre logique le salarié français a le choix entre perdre son emploi ou sa qualité de vie.
          Après trente ans d’expérimentation il semble que le monde en général soit prêt à changer de paradigme.
          Les peuples aujourd’hui n’acceptent plus le déclassement (pour les uns) et aspirent à des conditions de vie meilleures (pour les autres).
          Le paradigme libéral n’a jamais intégré les aspirations des peuples comme donnée économique.
          Les peuples le rejettent en votant pour, à peu près, n’importe qui leur proposant autre chose.
          On peut tenter de disqualifier une approche, que j’estime plus subtile, de la compétition internationale par le fait que ses chantres actuels ont fait l’objet, à tort ou à raison (pour certains plus souvent à raison j’en conviens), de diabolisation.

          • « Le paradigme libéral n’a jamais intégré les aspirations des peuples comme donnée économique. »

            Il n’y à pas a intégrer l’aspiration de personnes qui souhaitent tordre le bras de leur concitoyens en inversant le rapport entre producteur et consommateur. Car ce sont ce que l’on appelle des voleurs.

        • vous êtes au courant que les progrès en IA sont fulgurants, et que d’ici 10 à 15 ans, les robots auront fait disparaître au bas mot 40% des emplois existant aujourd’hui?

          La lutte contre le chômage ne peut plus être l’alpha et l’omega des politiques économiques.

          Au passage, aucun économiste libéral n’a jamais prétendu qu’un marché à l’équilibre correspondait au plein emploi.

          • Mieux, un véritable économiste ne sait pas se que signifie un marché à l’équilibre. Les faits démontrent que le marché est sans cesse en déséquilibre, dans une dynamique perpétuelle de recherche des prix et des quantités optimales à l’instant t, mais seulement à l’instant t. Comme dans l’espace, l’économie n’offre aucun point fixe auquel se référer, aucun levier pour soulever la Terre. Tout y est en mouvement permanent, tout y est relatif, conformément à l’intuition géniale de Say.

            Au passage, qualifier un économiste de libéral est sans objet puisqu’un économiste qui serait non libéral ne serait pas un véritable économiste, tout au plus un idéologue politique. Bastiat l’avait déjà remarqué en son temps, lui qui distinguait sans ambiguïté les économistes et les socialistes.

      • « C’est curieux, il semble que vous n’ayez pas vu le film liberal de ces 30 derniers années. »

        Eut égard au réalités, c’est plutôt un film socialiste qui s’est déroulé depuis 40 ans.

        Sinon, le consommateur c’est aussi le petit entrepreneur, qui peut grandir grâce à des importations de moyens de production à plus bas coût et donc pouvoir offrir du travail.
        Déjà qu’en France il est exsangue par le SMIC, les charges, le RSI/La sec, les taxes, le code du travail et les faramineuses dépenses publiques.

  • Trump critique les accords de libre échange parce qu’ils favorisent les USA pour les services et les défavorisent pour l’industrie. Comme quoi, ce n’est pas vraiment le libre échange…
    Et vu que les Etats-Unis ont un gros bâton, il y a toutes les chances que ces contrats soient léonins…
    Il faut faire attention au vocabulaire de ce qu’on nous vend, ce que souligne d’ailleurs cet article avec le protectionnisme « intelligent » ou « solidaire ». Mais les manipulations peuvent venir de tous les côtés.

  • Dès la première première phrase de l’article, on a droit à une maladresse, ou à de la malhonnêteté.

    « Le protectionnisme du programme de Trump, de Marine Le Pen ou de Jean-Luc Mélenchon, même s’il s’habille de formes différentes, reste en fait toujours le même. »

    Premièrement, à quoi sert 90% de l’article, si les protectionnismes proposés par les trois candidats sont les mêmes ? Deuxièmement, ici, dans l’absolu, la forme est l’appellation « protectionnisme », et le fond peut tenir en cette question : « Comment protège-t-il, de quoi, et de quelle manière est-il mis en place ? ». Votre phrase ambiguë tend à faire du fond, la forme. Vous vous servez du fait qu’on utilise couramment le mot « forme » pour parler du « contenu » d’une loi, mesure, le terme « habille », donnant encore plus de superficialité à cette « forme » – qui est en fait le fond.

    Non seulement votre « forme » « habille » le fond, mais vous y opposez une pseudo similarité à un autre niveau (sous entendu : « votre » fond). En le lisant inattentivement, on comprendra que le fond des différentes propositions est le même, alors qu’il s’agit précisément de la forme, le simple mot : « protectionnisme ». Maladresse, ou subtile malhonnêteté. Enfin quand même ! Réécrite avec des termes plus génériques votre phrase donne :

    « Le protectionnisme du programme de Trump, de Marine Le Pen ou de Jean-Luc Mélenchon, même s’il s’agit de politiques différentes, reste en fait toujours le même. »

    Et là, ça pique les yeux. Ça sent le parti pris à plein nez. A tort ? Vous récidivez dans le paragraphe suivant. A ce stade on se dit : ils vont nous expliquer en quoi les causes, ou les conséquences de ces choix politiques sont identiques, ce qui en soit, ne rendrait pas moins bête la phrase d’accroche de départ. Le simple fait qu’elles aient des causes ou des conséquences distinctes, interdit toute unification. Mais même pas. On a droit à un article « à charge » sur le protectionnisme, qui, peu importe sa forme, son objectif, reste du Protectionnisme, et lui, c’est un beau salaud, parce qu’il exclu intrinsèquement le « Libre échange », qui lui est un mec bien, c’est bien connu. Brillante analyse. Vous déclinez donc vous-mêmes les différentes vues du protectionnisme des trois candidats, et confirmez que votre première phrase est incorrecte.

    Encore une fois je vous cite : En filigrane, on devine que le secteur économique est stratégique parce qu’il est national. Le protectionnisme est davantage patriote qu’il n’est ciblé, puisqu’il s’agit très souvent de la protection d’industries vieillissantes et peu innovantes, uniquement parce qu’elles sont françaises. Là encore, le patriotisme est un faux nez. »
    Quelques lignes plus bas : « À moyen terme, le protectionnisme nationaliste mène invariablement à une désindustrialisation accélérée. »
    Faudrait savoir, le protectionnisme maintient les industries vieilles et pourries, ou conduit à la désindustrialisation ? Parce que lui coller les deux, c’est un peu gros.

    « Jean-Luc Mélenchon se trompe : la solidarité ne peut pas résulter d’une politique qui considère la solution nationale comme la meilleure. »
    Meilleure pour qui, en quoi ? Qui dit que la solution nationale est la meilleure à part vous ? Elle n’est pas forcément meilleure pour les consommateurs que nous sommes au premier abord (en terme de qualité et de prix), si c’est ce que vous sous-entendez, ce qui pour autant ne signifie pas qu’elle ne l’est jamais (qualité, prix), d’autant que cela peut créer des emplois et donc permettre de mieux/plus consommer. En revanche, en tant que citoyen, elle est toujours mieux. Sur le plan écologique, la priorité aux produits nationaux diminue les transports de marchandises. D’un point de vue politique, cela déterre la bonne vieille idée d’intérêt national, au sens du peuple, et non pas au sens des quelques entreprises du CAC qui se font plaisir en Afrique et au Moyen/ Proche-Orient. Cette dernière n’a jamais été ensevelie. Enfin, d’un point de vue géopolitique, il permet stratégiquement de bâtir des alliances assumées et explicites avec d’autres États que le nôtre, en cela de remplacer les alliances fratricides bâties à l’insu de la volonté des peuples, par des alliances « à protéger » dans l’intérêt du peuple. Voilà qui met à mal la notion remâchée de repli sur soi.

    Plus bas, celle-là m’a bien fait marré : « Elle ne peut se concevoir que si les systèmes de normes se rencontrent et apprennent à se connaître pour laisser passer les flux commerciaux. »

    On parle pas assez de la parade nuptiale des systèmes de normes, vous avez raison. Cependant, si vous croyez sérieusement que « les systèmes de normes se rencontrent et apprennent à se connaître pour laisser passer les flux commerciaux. », vous avez tort. Les systèmes de normes se confrontent et les moins exigeants sapent les autres, jusqu’à ce qu’un nivellement soit opéré par le bas, compétitivité oblige. On peut le voir en Europe, et à l’échelle mondiale.

    A vous de conclure que, selon votre première hypothèse, qu’il s’agit du même protectionnisme, parce que le protectionnisme ne marche pas. En dehors des considérations quant à son efficacité, cela ne vérifie en rien votre hypothèse de départ.

    Plutôt que d’employer le champ lexical le plus convenu pour parler d’un sujet, (refermé sur soi, repli sur soi, nationaliste, populisme, etc..), avec tout ce qu’il comprend de sous-entendu et de parti pris, essayez, au contraire, de vous en extraire de temps en temps. Parce qu’à tous écrire de la même manière, nous finissons par tous penser de même façon. En tant qu’universitaires, vous n’êtes pas sans savoir que la pensée est conditionnée par les mots qui l’organisent.

    Cordialement.

  • Si les accords de libre échange étaient négociés démocratiquement, les populations ne manqueraient pas d’ajouter des critères sociaux et environnementaux. C’est uniquement car les accords du type TAFTA se font dans la pénombre et hors de tout contrôle démocratique que resurgissent les vieux démons protectionnistes.

    Oui, un accord de libre échange doit pouvoir contraindre les États signataires: les contraindre à respecter l’environnement, à respecter les êtres humains, à renoncer au travail des enfants, etc. De tels accords de libre échange seraient volontiers acceptés de tous.

    Aujourd’hui, les traités du type TAFTA se contentent de vouloir imposer la libre circulation des marchandises et des capitaux, font l’impasse sur la libre circulation des êtres humains, et renoncent à l’instauration de normes commerciales, environnementales et sociales.

    L’échec se trouvent donc du côté de ceux qui négocient ces traités sans faire participer leur population.

    • Respecter l’environnement, les critères sociaux ou les êtres humains sont des pétitions de principe inopérantes et dépourvues de sens intelligible. En revanche, le respect de la vie, de la liberté individuelle et de la propriété privée, selon le principe de non agression, sont parfaitement fonctionnels. L’échec se trouve du côté de ceux qui nient ces évidences, peu importe s’ils négocient ou pas des traités.

      Négocier démocratiquement un accord de libre échange, cela s’appelle le marché libre. Sans surprise, la pseudo démocratie élective et représentative n’arrive pas à la cheville du marché libre pour aboutir au libre-échange. Le marché libre est non seulement la régulation mais également la forme la plus aboutie de la démocratie et de la justice sociale, celle où chacun vote en permanence, plusieurs fois par jour, à propos de n’importe quel sujet, conformément à ses capacités et ses besoins.

  • La question n’est pas du tout le protectionnisme. Au contraire, la question est simplement de respecter les clauses essentielles régissant le libre-échange mondial, telles qu’inscrites dans les traités du GATT (prédécesseur de l’OMC, dans le domaine du commerce) et du FMI (dans le domaine lié des taux de change). Ces clauses sont en effet violées depuis 45 ans de façon parfaitement illégale au regard du droit international.

  • La question n’est pas du tout le protectionnisme. Au contraire, la question est simplement de respecter les clauses essentielles régissant le libre-échange mondial, telles qu’inscrites dans les traités du GATT (prédécesseur de l’OMC, dans le domaine du commerce) et du FMI (dans le domaine lié des taux de change). Ces clauses sont en effet violées depuis 45 ans de façon parfaitement illégale au regard du droit international.

    Le préambule du GATT (prédécesseur de l’OMC) indique ainsi clairement (https://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/gatt47.pdf) :

    « [Les Gouvernements des pays signataires,]

    Reconnaissant que leurs rapports dans le domaine commercial et économique doivent être orientés vers le relèvement des niveaux de vie, la réalisation du plein emploi et d’un niveau élevé et toujours croissant du revenu réel et de la demande effective, la pleine utilisation des ressources mondiales et l’accroissement de la production et des échanges de produits,

    Désireux de contribuer à la réalisation de ces objets par la conclusion d’accords visant SUR UNE BASE DE RÉCIPROCITÉ ET D’AVANTAGES MUTUELS, à la réduction substantielle des tarifs douaniers et des autres obstacles au commerce et à l’élimination des discriminations en matière de commerce international,

    Sont, par l’entremise de leurs représentants, convenus ce qui suit : … »

    Il n’y a strictement aucun doute que « sur une base de réciprocité et d’avantages mutuels » signifie des parités de change fixées à des niveaux équilibrant les balances commerciales croisées car les statuts du FMI – l’institution jumelle du GATT dans le domaine des taux de change indissociables du commercial international – stipule clairement dans son article 1 (https://www.imf.org/external/french/pubs/ft/aa/aa.pdf) :

    « Les buts du Fonds Monétaire International sont les suivants :

    i) Promouvoir la coopération monétaire internationale au moyen d’une institution permanente fournissant un mécanisme de consultation et de collaboration en ce qui concerne les problèmes monétaires internationaux.

    ii) Faciliter l’expansion et l’accroissement harmonieux [la version anglaise dit « balanced » ce qui se traduit plutôt par « équilibré »] du commerce international et contribuer ainsi à l’instauration et au maintien de niveaux élevé d’emplois et de revenu réel et au développement des ressources productives de tous les États membres, objectifs premiers de la politique économique.

    iii) Promouvoir la stabilité des changes, maintenir entre les États membres des régimes de changes ordonnés et éviter les depreciations concurrentielle des changes.

    iv) Aider à établir un système multilatéral de règlement de transactions courantes entre les États membres et à éliminer les restrictions de change qui entravent le développement du commerce international.

    v) Donner confiance aux États membres en mettant les ressources générales du Fonds temporairement à leur disposition moyennant des garanties adéquates, leur fournissant ainsi la possibilité de corriger les déséquilibres de leur balances des paiements SANS RECOURIR A DES MESURES PREJUDICIABLES A LA PROSPÉRITÉ NATIONALE OU INTERNATIONALE.

    vi) CONFORMÉMENT A CE QUI PRÉCÈDE, ABRÉGER LA DURÉE ET RÉDUIRE L’AMPLEUR DES DÉSÉQUILIBRES DES BALANCES DES PAIEMENTS DES ÉTATS MEMBRES.
    DANS TOUTES SES POLITIQUES ET DÉCISIONS, LE FONDS S’INSPIRE DES BUTS ÉNONCÉS DANS LE PRESENT ARTICLE. »

    Il est à noter que lorsque les Accords de Bretton Woods ont volé en éclat de facto en 1971 et de jure en 1976 avec les Accords de la Jamaïque, ni le préambule du GATT ni les statuts du FMI n’ont été amendés. Ces textes régissent toujours le libre-échange mondial et les flux monétaires associés au jour d’aujourd’hui.

    Simplement, ces clauses essentielles du libre-échange mondial sont quotidiennement violées depuis 45 ans. Le résultats a été le développement de déséquilibres commerciaux massifs et persistants avec les conséquences néfastes dans les pays développés en termes de baisse du trend de croissance économique réelle, de hausse du trend de sous-emploi, de hausse du trend d’endettement et de pression fiscale, de hausse du trend d’inégalités de revenu et de richesse. Ces conséquences néfastes ont à leur tour, et fort logiquement, des répercussions politiques qui se traduisent par un rejet parfaitement compréhensible des partis politiques établis qui ont si mal compris les conditions d’application du libre-échange mondial pour que celui-ci soit mutuellement bénéfique pour tous.

    Il est totalement inutile de se lamenter de la disparition du libre-échange mondial déséquilibré. Ses conséquences néfastes sont clairement visibles et clairement comprises.

    La seule question intéressante et urgente aujourd’hui est de savoir comment retourner à un libre-échange mondial équilibré de façon ordonnée et pacifique, afin de renouer avec la prospérité et de désendetter sur base relative non récessioniste. Malheureusement, votre article ne dit rien du tout à ce sujet.

  • Quelle tristesse… Comment, Monsieur, en étant professeur de droit public à science Po, pouvez croire que nos élus réguleront le libre échange ? Tout, dans l’histoire du libre échange montre le contraire. Le très brillant philosophe Dominique Bourg explique que l’Etat, qui devrait être un régulateur, se borne à être un facilitateur d’échange. Tout, dans l’histoire du libre échange, montre que ce grand déménagement du monde amène de plus en plus de pauvreté et de plus en plus de déstructuration de la biosphère. Le libre échange, qui eu son sens pour sortir de la guerre, nous amène aujourd’hui à une déstabilisation sociale, économique et environnementale telle qu’il sera, à n’en pas douter, à la source du prochain grand conflit. Comment l’homme de science que vous êtes, intelligent je n’en doute pas, ne voit-il pas ça ? Etes-vous endoctriné à ce point ? Ou êtes vous trop éloigné du terrain ? Car affirmer que « Si on pose la question à tout consommateur de savoir s’il est prêt à payer le maintien des emplois nationaux par une augmentation des prix, sa réponse sera immanquablement négative », c’est clairement que vous n’êtes plus en phase avec la société dans laquelle vous vivez. Si c’est votre façon de voir les choses que vous affirmez dans ces propos, acceptez, Monsieur le professeur, que tous vos contemporains ne sont pas aussi individualistes que vous. J’espère de tout mon cœur que d’autres professeurs enseignent d’autres points de vue à Science Po, et que vos élèves conservent un regard critique sur vos enseignements. Enfin, en tant que professeur, vous avez le devoir de bien connaître ce que vous analysez. Pour bien connaître le programme d’un des candidats fustigés dans votre article, je peux affirmer ici que vos propos sont tout à fait erronés, incomplets, partiels (partiaux ?), et je me tiens à votre disposition pour argumenter mes propos. Respectueusement, Pascal Mayol.

  • Vous dites « Le libre-échange fonctionne s’il est régulé. Et dans ce cas il devient gagnant-gagnant. ». Mais finalement, ce que vous appelé régulation n’est-il pas aussi du protectionnisme ?

  • On note plusieurs erreurs dans cet article. Mais on ne peut reprocher à des juristes, aussi éminents soient-ils, de ne pas maîtriser des notions économiques élémentaires. A chacun son métier : c’est la division du travail.

    1. Le marché (extension de l’expression libre-échange employée dans l’article) n’a pas besoin d’être régulé. Le marché est la régulation. Si un minimum de réglementation favorise la bonne tenue des marchés, trop de réglementation politique empêche la régulation économique d’apporter ses bienfaits. La régulation économique permet l’émergence de la véritable justice sociale, à savoir la prospérité des compétents et la faillite des incompétents. Au contraire du marché, la politique nécessite d’être régulée et c’est précisément le marché qui apporte cette régulation, par le déficit, puis l’endettement et enfin le défaut des Etats collectivistes obèses. Les accords de libre-échange sont aujourd’hui une nécessité parce qu’il existe dans nos contrées un excès flagrant de politique et un manque tout aussi flagrant de marché. Une nation libre, ouverte et prospère, qui réduit la politique au strict nécessaire régalien en laissant libre cours au marché, n’a pas besoin d’accords de libre-échange. Cette nation est structurellement libre, par nature. Quiconque veut échanger librement le peut, à condition de respecter la vie, la liberté et la propriété privée d’autrui.

    2. Il est impossible que la Chine devienne le pôle mondial du libre-échange, du moins tant que la politique n’aura pas été régulée dans ce pays (par le marché). En Chine, tous les prix sont faux, artificiellement déterminés ou du moins contrôlés par la dictature rouge. Les prix faux sont le versant économique de l’absence de liberté politique. Sans liberté politique, il ne peut pas exister de vrais prix (et inversement). Même si Trump parvient à ériger une nouvelle prohibition économique, il n’existe aucune chance que la Chine remplace les Etats-Unis à un horizon prévisible, à moins que ces derniers renoncent eux-mêmes aux vrais prix. Sous l’effet des politiques monétaires désastreuses de la Fed, c’est malheureusement l’impasse dans laquelle les EU semblent vouloir s’enfermer. Obama et toute sa clique socialo-keynésienne en sont directement responsables, certainement pas Trump. Si Trump ferme son pays un peu plus, la Chine ne remplacera pas les EU. Simplement, il n’y aura plus de libre-échange nulle part et la pauvreté s’installera partout.

    3. Ceci dit, les EU forment le seul pays au monde économiquement complet et cohérent, c’est-à-dire la seule nation potentiellement autonome. Les EU sont un monde à part entière logé au sein du Monde. Pour cette raison, les EU peuvent se permettre de se fermer au reste du Monde sans devoir subir les conséquences néfastes bien connues des politiques protectionnistes, qui se terminent toujours de la même manière, dans le sang et les larmes, avec la sempiternelle question des faibles d’esprit « mais comment en est-on arrivé là ? »

    4. Pour la même raison qu’en Chine, l’Europe politique telle qu’elle est construite va disparaître. On ne peut bâtir une institution solide sur le sable des faux prix. Or, la monnaie unique est un château de sable économique. Non parce qu’elle serait commune, comme le prétendent les pseudo-économistes défendant la théorie farfelue de la zone monétaire optimale, mais bien parce que cette monnaie est unique. L’absence de concurrence monétaire, donc l’absence de vrais prix monétaires, va détruire l’Europe tout aussi sûrement que les précédentes guerres mondiales l’ont ravagée. Si on souhaite sauver l’Europe, il convient sans tarder de mettre la BCE en concurrence.

    L’économie, c’est simple. Après s’être acharné à essayer tout ce qui ne fonctionnait pas, le temps est venu pour nos pays de quitter le XXe siècle collectiviste, avec ses théories barbares qui ont fait des millions de morts, pour essayer la seule solution fonctionnelle, la liberté, c’est-à-dire entrer enfin dans le XXIe siècle libre et prospère.

  • joli catéchisme libéral habituel avec toutes les caricatures récurrentes sur ce que peut être du protectionnisme intelligent (certes ça n veut rien dire) ou plutôt solidaire. les EU font du protectionnisme depuis toujours (ils sont moins bêtes que nos élites), ça leur permet d’être la première puissance économique mondiale tout en espérant bien sûr des marchés sans protectionnisme autour d’eux pour encore plus en profiter.
    laisser croire que seul Trump l’opportuniste envisage du protectionnisme à haute dose, c’est un joli leurre car tous les gouvernements US le font ou l’ont fait, l’horizon indépassable de notre avenir n’étant surement pas le libéralisme écervelé en place depuis 20 ans.

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