Certains poussent déjà des cris d’orfraie à l’idée d’augmenter la durée légale du travail. L’augmentation de la durée du travail, arguent-ils, augmente le chômage et réduit la qualité de vie.
Imaginons que la quantité totale de travail disponible représente 5 600 millions d’heures. Chaque personne travaille 40 semaines dans l’année. À 35 heures par semaine, il y a 4 millions d’emplois disponibles. À 40 heures par semaine, il y a 3,5 millions d’emplois disponibles. Une augmentation de la durée légale du travail de 5 heures par semaine ferait, selon ce raisonnement, un demi million de chômeurs.
C’est vrai à condition que le travail soit une quantité fixe. Pour le meilleur et pour le pire, ce n’est historiquement pas vrai.
Pour le pire, parce que nos ancêtres travaillaient moins. Les chasseurs-cueilleurs avaient, quelques heures par jour, des activités plutôt agréables – la chasse, la pêche, la cueillette – dans un environnement épanouissant où les sens sont en éveil. Le travail est né avec l’agriculture, en même temps que la croissance économique et la propriété.
Il serait bien difficile de revenir en arrière, et sans doute pas souhaitable. Qui voudrait ou pourrait réellement se passer des bienfaits de la science et de l’industrie ? Tout le monde devrait être paysan, et renouer avec les plaisirs subtils du labour à la main, du transport de sa récolte en charrette, des aléas climatiques. Si nous pouvons aujourd’hui choisir une vocation et tenter notre chance à des centaines, voire des milliers de kilomètres de chez nous, c’est parce que nos ancêtres ont longtemps accepté les augmentations du temps de travail.
Et ce n’était pas facile. En nous libérant de contraintes énergétiques, nous avons dépassé notre nature, et nous nous en sommes d’autant éloignés. Nous avons illuminé la nuit, et pris l’habitude de travailler autant l’été que l’hiver, qu’il pleuve, vente ou neige. Nous nous sommes aussi libérés des contraintes géographiques : on peut consommer et produire à peu près la même chose partout. Mais il est des contraintes dont on ne peut se débarrasser aussi facilement.
Pour pallier l’augmentation de la quantité de travail, nous avons développé des outils censés améliorer notre productivité, et des solutions pour nous débarrasser de tâches que nous ne voulions plus réaliser nous-mêmes. Mais aucun des deux n’a complètement tenu ses promesses.
Depuis les années 1980, la révolution numérique, les autoroutes de l’information, le multimédia et l’ordinateur personnel devaient mener à des augmentations de productivité qui n’ont finalement pas été si substantielles. Les ordinateurs ont aussi créé de la lourdeur et de la complexité : on ne va plus à l’essentiel. Pourquoi être sélectif quand on peut tout mesurer, quantifier, analyser, paramétrer ?
Il en va de même du travail. Pourquoi aller au plus efficace quand on a les moyens d’être dispendieux ? Les subventions visant à préserver l’emploi ne font que ça. Les politiques de relance par la dépense publique visent à se rapprocher du plein-emploi. Et les mesures protectionnistes contre les délocalisations ou la concurrence internationale reviennent à imposer aux locaux de payer plus cher pour la même chose, en sponsorisant la production locale.
Malheureusement, ces incitations pour les uns sont des surcoûts pour les autres. Elles nuisent à la compétitivité du reste de l’économie. À long terme, cette compétitivité peut amplifier ou amoindrir l’impact des gains de productivité – des efforts que nous faisons tous pour faire plus et mieux, si possible avec moins.
La division du travail est aujourd’hui mondiale. Mais avant de créer une chaîne de valeur globale, elle a touché des pays, des régions, des communautés. Puisque la productivité agricole a augmenté, moins d’agriculteurs ont pu nourrir davantage de gens, qui se sont mis à faire autre chose, et à le faire mieux en se spécialisant. En sous-traitant, en externalisant, et en déléguant.
Dans des domaines aussi primordiaux et instinctifs que la famille, la vie se finit pour beaucoup dans une maison de retraite, où l’on fréquente davantage le personnel soignant que ses proches. Elle commence à la maternité, entourée de spécialistes, et rapidement on quitte la maison pour la nounou, la crèche, l’école, les loisirs organisés, les camps de vacances.
Mais il existe des rôles qui se sous-traitent mal. Le rôle de parent, le rôle de compagnon, le rôle d’ami. Et des choses que la productivité et la compétitivité, pas plus que l’augmentation du temps de travail, n’achètent pas – les loisirs, le repos, la sérénité, le bonheur. Le temps est précieux, et tout n’est pas produit ou consommé.
La vie est un équilibre dont chacun définit les limites. Le temps est une ressource rare, que chacun doit pouvoir employer comme il l’entend. En travaillant, ou en faisant autre chose.
35 heures, 40 heures ou 48 heures, c’est souvent trop, trop peu, et rarement assez flexible. Il n’y a pas de raison d’imposer une durée légale au travail : les situations et préférences sont trop diverses. Si je veux travailler plus pour financer un projet qui me tient à cœur, ou moins pour m’occuper de mes enfants, a-t-on le droit de décider pour moi ? Ni un parlementaire, ni un salarié de ma « branche », ni un collègue ne connaissent mieux mes besoins et mes priorités que moi.
L’enjeu d’adapter le travail aux réalités d’aujourd’hui ne s’arrête pas à la suppression de sa durée légale. La flexibilité des formes de travail s’accommode mal d’une réglementation complexe et d’un modèle social rigide. Les professions libérales, les artisans, les indépendants, les entrepreneurs sont aujourd’hui défavorisés, et les nouvelles activités collaboratives ont du mal à émerger.
Le principal obstacle au changement n’est pas la résistance des citoyens concernés, mais celle des syndicats et groupes de pression. La bataille du travail dominical l’a récemment illustré : les employés concernés étaient pour la plupart favorables au travail dominical, l’entreprise aussi ; mais ce sont les syndicats qui ont obtenu gain de cause. Tous avaient un avis, comme s’il pouvait être pertinent. Laissez donc les gens travailler comme ils l’entendent, et allez faire votre travail.
La quantité de travail idéale pour chaque individu est celle pour laquelle une heure de travail supplémentaire ne génère pas un pouvoir d’achat supplémentaire valant plus que la perte d’une heure de loisirs. Réduire la durée du travail pour les populations les plus productives en espérant que les moins productifs (beaucoup plus répandus dans la population des chômeurs) pourront ainsi trouver du travail est une erreur grossière. Les cas d’inadaptation extrême ne trouveront de toutes façons personne prêt à les prendre et la substitution de productifs par des un peu moins productifs fera forcément décroitre la production à distribuer. Il n’y a pas d’autre solution au problème que de relever le niveau de formation des chômeurs.
Pouvoir d’achat et temps de travail sont intimement liés ,moins de travail égal moins de pouvoir d’achat.faire 35h de travail au même salaire que 39h implique une baisse du pouvoir d’achat réel …..par contre, augmenter le temps de travail pour un même salaire ,extraordinaire, cela augmente le pouvoir d’achat.pour moi c’est tellement évident que je ne perdrais pas mon temps a vous le demontrer.
40h payés 35 génèrent plus de pouvoir d’achat réel? Pour qui ? le travailleur, le chomeur, le patron, le contribuable? La société?
Dsl mais votre commentaire n’ a aucun sens quand à la durée du travail la seul qui vaille c’est celle librement negociée entre l’entreprise et les salariés….
Relevé le temps de travail et perdre les heures supplémentaires est une baisse du pouvoir d achat… travailler plus pour gagner moins…
Par contre si on augment la durée du travail en augmentant le taux horaire du travail alors là pourquoi pas mais je pense pas que ce soit dans ce sens…
Alors pourquoi pas ne pas indexer le taux horaire sur l’inflation des prix aussi, cela serait beaucoup plus juste, chaque année les prix augmentent de plus de 2% en moyenne pourtant le salaire lui ne suis pas cette indexation!!!
La quantité de travail fournie par chaque individu dépend directement de la consommation voulue ou espérée du travail des autres.
Dans un système totalement égalitaire ou chacun pourrait consommer strictement l’équivalent de son propre travail fourni (sous réserve de son utilité), quel serait alors la quantité de travail à fournir ?
On peut percevoir la réponse en mesurant selon le code du travail actuel la quantité de travail journalière fournie dans une vie entière:
En travaillant 1600 h/an (loi des 35 h) pendant 40 ans pour une espérence de vie de 80 ans et en déduisant les périodes non productives (maladie, formation, ..), on arrive à environ 2 heures par jour.
Avec une taxation supérieure à 50%, il reste moins d’une heure par jour de consommation du travail des autres pour assurer nourriture, logement, loisirs …
Comment imaginer un instant que cela puisse être suffisant alors même que la consommation augmente dès la naissance et jusqu’à la fin de vie.
Il me paraît clair que l’équilibre consommation/travail n’est pas atteint et que le système perdure grace ou à cause de l’endettement, du travail supérieur à 35 h d’une partie des actifs et du faible prix des produits importés.
Le retour à l’équilibre passera inévitablement par une augmentation du temps de travail, par le report de l’age de la retraite, par une entrée plus précoce dans la vie active et par une plus grande part des travaux pour soi-même (bricolage, jardinage, cuisine, troc, …)
Je suis surpris de n’avoir jamais rencontré de réflexions sur cette notion de quantité de travail fournie dans une vie entière.
Sauf votre respect, votre raisonnement date d’un autre âge : les heures de travail ne sont pas équivalentes ni par leur quantité, ni par leur utilité et c’est bien pour cela que seul le marché est capable de les valoriser.
Une heure de travail avec une pelleteuse peut équivaloir 100 heures de travail avec une pelle, une pioche et une brouette.
Et un quart d’heure de travail par jour permet de se nourrir vs plus de 8h il y a 200 ans et ce tout simplement parce qu’il faut moins d’1/4 d’h de travail pour produire cette alimentation vs plus de 8h il y a plus de 200 ans.
Je comprends vos arguments et c’est un fait que j’ai oublié de mettre l’amélioration de la productivité dans la liste des éléments susceptibles de trouver l’équilibre travail/consommation.
Il n’en demeure pas moins que dans la période actuelle, les attentes de consommation ne me paraissent pas pouvoir être satisfaites avec 1 h de travail par jour.
Il y a 200 ans la quantité journalière de travail sur une vie était sensiblement supérieure du fait principalement d’une espérance de vie beaucoup plus courte et d’une entrée dans la vie active plus précoce.
Même avec une pelleteuse 2.0, j’aimerais « sam player » que vous m’expliquiez comment vous pouvez consommer nourriture, logement, voiture, ciné, restaurant, habillement, vacances, cadeaux de Noel, coiffeur, psy, journaux, sports, nourrice, personne à domicile, danseuse ……. avec 1 heure de travail par jour.
Le temps de travail légal n’est qu’un temps de présence. Cela permet tous les abus possibles à la fois du côté de l’employeur que de l’employé : harcèlement à la productivité ou tournage de pouces. Au final, une bonne partie des heures travaillées se transforme en surveillance, reporting, pauses, syndicalisme, cache-cache avec les gardes-chiourmes … Ne cherchez pas ou disparait la productivité !
Il y a un problème de modèle de ce qu’est la relation de travail. Et tant que l’on n’aborde pas cette question, tout le monde est perdant et le cadre légal devient une absurdité.
Vous devriez écouter Larry Page, le patron de Google.
Dans les 10 à 15 ans, l’IA et la robotique vont faire disparaître 40% des emplois existant. C’est plus que jamais dans l’Histoire de l’humanité, et le modèle Schumpeterien ne prend pas en compte ce cas.
Larry Page, qui n’est pas un communiste, le dit clairement: il faut réduire le temps de travail.
Le temps de travail se réduira de lui même quand ceux qui détiennent les compétences clefs (il en faut pour faire marcher les robots) et qui ont des atouts pour capter une part importante de la production (i.e. négocier leur salaire) décideront qu’ils préfèrent travailler moins. Ceux qui n’ont pas de compétences clefs devront soit se former, soit accepter les petits boulots non robotisables soit accepter de vivre misérablement.
Le temps de travail ne se décrète pas, il s’ajuste spontanément en fonction du contexte : temps de travail important quand c’est indispensable pour manger, temps plus réduit quand le loisir est plus important que de pouvoir acquérir quelques gadgets superflus qui ne valent pas un effort supplémentaire.
Contrarier les évolutions naturelles ne peut que conduire à une faible croissance. Même avec des robots, il restera des goulets d’étranglement pour la production. Faire travailler moins les ressources rares que l’on ne sait pas produire assez vite (formation déficiente) revient à brider la croissance de la production.
@Lazarus
Travailler 30h ou50 n’a aucune importance pour le salarié, il a le temps mais pour l’entreprise ,c’est une autre histoire, moins le coût du travail sera élevé plus elle produira a petit prix et augmentera sa clientèle…de salariés exploites….ce qui correspond a une augmentation du pouvoir d’achat cqfd
@isga
Larry a bcp d’humour mais ne sait pas compter. pour 7 milliards d’individus il faudrait des milliards de robots…..qui les paie et où trouve t on la matière première pour les construire ??
« Les chasseurs-cueilleurs avaient, quelques heures par jour, des activités plutôt agréables – la chasse, la pêche, la cueillette – dans un environnement épanouissant où les sens sont en éveil. »
C’est de l’humour pince-sans-rire ou vous êtes réellement idiot ?
Bien sûr que c’est de l’humour…
Vous croyez sincèrement que quelqu’un pourrait sérieusement avancer pareille chose ?