Par Vladimir Vodarevski.

La politique budgétaire revient au goût du jour. Elle est réclamée pour prendre le relais de la politique monétaire à bout de souffle. Pourtant, n’applique-t-on pas déjà une politique budgétaire ? Et celle-ci n’a-t-elle pas montré son inefficacité tout au long de l’histoire ?
Le FMI a suggéré que les politiques budgétaires prennent le relais de la politique monétaire. La Commission Européenne a provoqué le courroux du ministre des Finances allemand, Wolfgang Shäuble, en proposant que l’Allemagne relance l’Europe par la dépense publique. Donald Trump propose une politique de grands travaux. Theresa May dénonce les effets inégalitaires de la politique monétaire, et veut la remplacer par une politique budgétaire. Et l’OCDE s’y met aussi.
Notons que le Premier ministre du Royaume-Uni n’a pas tort en dénonçant les effets inégalitaires de la politique de taux bas. Celle-ci favorise la finance et les possesseurs de patrimoine.
Des politiques budgétaires déjà appliquées
Cependant, la politique budgétaire n’est-elle pas déjà appliquée ? Le budget de la France est déficitaire, comme celui du Royaume-Uni, de l’Espagne, de l’Italie. Ce qui signifie que ces pays injectent de l’argent dans leurs économies.
Par ailleurs, la politique de la BCE est justement de favoriser cette politique budgétaire. En maintenant les taux d’intérêt bas, et en rachetant la dette des pays de la zone euro, elle encourage la dépense publique. Ce dont ne se prive pas la France.
Quels sont les résultats de cette politique ? La réponse est claire : nuls. Le Royaume-Uni, comme la France, a un déficit budgétaire élevé, mais une croissance supérieure, et un chômage inférieur. On peut donc penser qu’il y a quelque chose d’autre que la relance budgétaire qui explique cette différence, quelque chose qui est appliqué au Royaume-Uni mais pas en France. C’est la logique même.
Pas de lien entre relance budgétaire et croissance
Et que dire de l’Allemagne, qui connaît une croissance plus forte que la France, malgré une démographie moins favorable ? Et sans déficit budgétaire. En toute logique, en toute rigueur scientifique, on doit en conclure que la croissance ne dépend pas de la relance budgétaire.
L’histoire ne nous dit-elle pas le contraire ? La légende veut que le keynésianisme, c’est-à-dire la relance budgétaire, a vaincu la crise de 1929 aux USA. Au moment du déclenchement de la crise, le président américain Hoover n’aurait rien fait. Et c’est son successeur, Franklin Roosevelt, qui aurait relancé l’économie par un politique budgétaire.
Mais cette histoire est fausse. Le président Hoover était très interventionniste, et avait enclenché la relance budgétaire (voir ici), ainsi que d’autres politiques, comme le protectionnisme. L’économie américaine ne s’est vraiment relevée qu’après la guerre, alors même que le gouvernement diminuait la dépense publique, qui avait explosé avec la guerre, et rétablissait une certaine stabilité monétaire avec les accords de Bretton Woods.
Une autre leçon de la crise a été la lutte contre le protectionnisme, qui avait aggravé celle-ci. Ce furent les accords du Gatt. Et le monde occidental connut une période de prospérité, sans déficit budgétaire. (Voir ici)
Ajoutons que, dans les années 1970, tous les pays ont pratiqué une politique de relance. Qui n’a pas donné les résultats attendus, encore une fois.
L’Allemagne accusée
La France a en fait connu une récidive en matière de relance budgétaire, en 1981, après celle de 1974. Elle était cette fois le seul pays en Europe, les autres ne voulant pas commettre deux fois la même erreur. L’échec de cette relance a alors été mis sur le compte des autres pays européens, qui auraient profité de la relance française, alors qu’ils auraient eux aussi dû commettre la même erreur.
Aujourd’hui, c’est l’Allemagne qui est sollicitée. Elle est accusée de manque de solidarité, en raison de ses excédents commerciaux. Comme elle est à l’équilibre budgétaire, on lui demande une relance pour soutenir… toute l’Europe. Bien sûr, elle recevrait l’aide… des Pays-Bas.
L’Allemagne connait une croissance, mais pas extraordinaire, du fait de sa démographie. C’est une économie puissante, mais imaginer qu’elle pourrait tirer toute l’Europe est aberrant. D’ailleurs, elle soutient l’Europe par sa croissance. Mais si la France ne profite pas de la vigueur du marché allemand actuellement, pourquoi en profiterait-elle si l’Allemagne augmente ses dépenses ? C’est le serpent qui se mord la queue : pour profiter de la croissance allemande, avec ou sans relance, la France doit améliorer sa compétitivité. (Voir par ailleurs ici.)
Par ailleurs, cette antienne de la relance budgétaire est une vision bien simpliste de l’économie. Une relance budgétaire ne pourrait-elle pas consister en une baisse de la dépense publique, couplée à une baisse des prélèvements ? Pour l’exercice 2015-2016, les prélèvements sur l’économie s’élèvent à environ 38 % au Royaume-Uni, environ 44 % en Allemagne en 2014, sachant que le budget est quasiment à l’équilibre (voir les statistiques de l’OCDE, ici et ici), et à environ 53 % en France (pour le total des prélèvements, et pas seulement ceux qui sont qualifiés d’obligatoires. Par exemple, la redevance audiovisuelle n’est pas considérée comme un prélèvement obligatoire. On fait ici la différence entre les dépenses et le déficit.)
En conclusion, cette demande d’une relance budgétaire n’a aucun sens. Elle va à l’encontre de ce que nous apprennent les faits et l’histoire économiques. Elle relève d’une notion simpliste selon laquelle, si les affaires sont mauvaises, c’est que l’argent manque. Ce qui a déjà été réfuté par Jean-Baptiste Say au XIXe siècle.
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