Par Johan Rivalland
Sorti en 1997, Bienvenue à Gattaca a reçu plusieurs prix mais ne semble pas avoir eu un aussi grand retentissement qu’il aurait sans doute mérité. Retour sur une production de qualité qui pose des questions de fond sur le rôle et l’impact de la science dans nos sociétés.
Jusqu’où ira la science ?
Telle est la question que permet de poser Bienvenue à Gattaca, excellent film d’anticipation (qui se déroule « dans un futur proche », ainsi qu’il est précisé en préambule).
Un film qui rappellera un peu l’univers de romans tels que Le meilleur des mondes d’Aldous Huxley, dans une moindre mesure Les fils de l’homme de P.D James, ou de divers films de science fiction ayant rapport à la surveillance généralisée, à l’image de Minority Report, à la pré-détermination, à l’instar de Le passeur, au temps de vie espéré, comme Time out (du même réalisateur et scénariste) ou Renaissances, ou encore d’autres univers futuristes proches et relativement réalistes, comme dans certains épisodes de Black Mirror, voire la terrifiante série Utopia, quant à elle sans doute un peu trop axée sur les théories du complot.
Le fantasme de l’homme parfait et ses implications
Le thème central, ici : la génétique, et les questions profondément éthiques induites par les contrôles et manipulations auxquelles elle peut donner lieu.
Qu’advient-il lorsqu’on peut prévoir à la naissance quel est votre patrimoine génétique, les probabilités estimées que vous soyez atteint de telle ou telle maladie, les causes probables de votre mort à venir et même votre espérance de vie ? Au-delà du côté éblouissant de la chose, des espoirs que cela ne manque pas de pouvoir susciter et du contrôle que l’on peut envisager sur certaines déterminations, on imagine moins spontanément toutes les conséquences bien plus négatives que cela peut induire, et les dérives ô combien dramatiques auxquelles elles peuvent donner lieu, pouvant aller jusqu’à certaines formes d’eugénisme.
Ce qui est imaginé dans le film n’en est qu’un aperçu. On en conçoit bien d’autres. Et la réalité immédiate nous en offre d’ores et déjà quelques avant-goûts parfois bien lugubres. Quoi qu’il en soit, la force de ce film est de briller par son caractère particulièrement réaliste, bien plus que dans les autres films cités ci-dessus. De vraies questions éthiques, qui se posent face aux biotechnologies et au génie génétique.
Un film puissant, au scénario bien pensé, qui plus est aux superbes images et au jeu d’acteurs impeccable.
- Bienvenue à Gattaca, film de science fiction d’Andrew Niccol (1997), avec Ethan Hawke, Uma Thurman, Jude Law, durée 106 minutes. Sortie française : 19 avril 1998.
C’est un de mes films préféré. Ceci dresse aussi le contexte de mon engouement à cette contribution.
De la science Fiction! Pas vraiment, plutôt de la vraie pure anticipation. Une démarche planté sur la réalité.
Depuis que la publication de la méthode CRISPR CAS9 (documentez vous sur internet, un outil magnifique pour qui veux être enthousiaste), je peux affirmer que le postulat de départ du film où le suivi génétique se ferait au moyen de structures étatiques ou gouvernementales ne peut plus s’envisager.
La barrière de la connaissance n’est plus la pour le permettre, l’accès rendu possible, par cette méthode, à la modification, la correction; la manipulation du génome d’organismes vivants fonctionnels, s’y oppose dorénavant.
L’aube propice à de nouvelles réflexions mêlant, les thèmes abordés par Bienvenue à Gattaca, est immanquablement passée d’une heure.
La question principale qui me turlupine, comme le disait si justement ma mère, est : vers quoi évolueront les pratiques de la modification génomique en dehors des laboratoires où les risques de contamination génomique sont significatifs?
L’accumulation de données génétiques complique la classifications de l’arbre de vie (eucaryote / bactérie/ archée). L’impact de CRISPR CAS9 va irrémédiablement l’organiser en 3 axes et le faire mûrir vers une version définitive. Ce fut le cas entre la transition de la classification de Mendeleïev qui faisait l’erreur d’intégrer sur un aplat les isotopes, à la classification périodique actuelle.
La morale de ce film est surtout que, quand bien même, votre potentiel est extraordinaire cela ne signifie en rien que vous réussirez. Cela se vérifie tous les jours.
90% de la réussite, c’est de la volonté. C’est un film que j’ai toujours apprécié justement pour ce message.
Mais la volonté n’est qu’une partie du potentiel, puisque tout est déterministe.
Un bon film qui a bien mal vieilli visuellement, et sur nombre d’aspect “technologiques” qui semblent aujourd’hui bien ridicules (écrans, identification…) parce que nous en sommes déjà au-delà.
Quant à sa volonté de mettre en garde contre la sélection des embryons, il ne parvient pas à contrer une réplique qu’il met lui-même dans la bouche d’un vendeur de sélection génétique à la carte:
“Votre enfant sera toujours issu de vous-même… Mais avec nous il sera issu du meilleur de vous-même.”
Il reste un bon plaidoyer pour la volonté humaine, indépendamment de toute génétique car cet aspect se base principalement sur son historique propre, sa culture et son éducation.
“il ne parvient pas à contrer une réplique…”
Bien sûr que si !
L’argument commercial est : « Votre enfant sera toujours issu de vous-même… Mais avec nous il sera issu du meilleur de vous-même. »
Or, est-ce que le meilleur d’eux-mêmes (les parents Freeman – le nom de famille n’est évidemment pas innocent au passage) est vraiment Anton ? Le film dit clairement que (grâce à l’exercice de la volonté et de la liberté) c’est plutôt Vincent…
C’est bien que vous l’ayez compris comme cela. Pour moi, le meilleur fils génétiquement parlant est clairement Anton, c’est-à-dire physiquement, et peut-être même intellectuellement. Mais le caractère n’est pas génétiques (en tout cas dans la thèse du film!) et Vincent est plus débrouillard. Une donnée qui n’est pas contrôlable…
Les parents de jumeaux homozygotes savent bien depuis très longtemps que leurs deux fils ou filles n’ont pas du tout le même caractère.
Autrement dit, “Votre enfant sera toujours issu de vous-même… Mais avec nous il sera issu du meilleur de vous-même”, mais ce qu’il aura dans la cervelle dépendra encore de son éducation et des valeurs transmises par ses parents, pas de leurs gamètes.