Par Philippe Bilger.

Quand une société ne sait plus se défendre efficacement, elle s’abandonne à une peur de tous les instants. Un État incapable d’arrêter, de poursuivre et de châtier les criminels honore démesurément ses victimes et passe son temps à être compassionnel au lieu de combattre.
De la compassion pour les victimes aux indemnités
Je ne veux offenser personne. J’aurais été victime à Nice ou ailleurs, j’aurais aimé qu’on vînt se pencher sur moi, me plaindre, me promettre des indemnités et au fond me féliciter parce que j’avais souffert et affronté le pire. Alors que je n’aurais fait que subir, même avec courage, de terrifiantes tragédies. Et que cela m’aurait donné seulement le droit d’être appelé victime, de bénéficier de droits, de garanties et d’obtenir une juste réparation. Rien de plus, rien de moins.
Le destin atroce me serait tombé dessus à cause de la malfaisance de quelques tueurs. Je ne serais pas venu à sa rencontre.
De la compassion pour les victimes à la béatification
J’ai appris qu’un processus de béatification allait être engagé pour le père Jacques Hamel assassiné le 26 juillet 2016 à Saint-Étienne-du-Rouvray. Cet homme a été exécuté avec une cruauté inouïe et son comportement, lors de cette épreuve finale, a été admirable. Auparavant, dans sa vie de prêtre, il avait, de l’avis de tous ceux qui le connaissaient et l’aimaient, fait preuve de qualités rares de disponibilité, de solidarité et de piété. Tout cela est indéniable mais on sent bien que c’est le crime qui va le constituer un jour comme bienheureux. Victime, il sera décrété tel non pas tant grâce à lui qu’à cause de ce qu’on lui aura fait endurer.
Un hommage national est rendu aujourd’hui 19 septembre aux victimes de tous les attentats.
Les victimes doivent-elles avoir un statut ?
Je ne sais pas si on est allé au bout d’une initiative à la fois pleine de bonne volonté mais grotesque qui aurait consisté à remettre à certaines victimes une sorte de distinction, comme une médaille.
Nicolas Sarkozy, à Nice, face à des familles de victimes, a insisté sur “la reconnaissance” que leur devait “la Nation française” et est allé jusqu’à souhaiter que “le statut de victimes soit élargi aux victimes qui ont subi un traumatisme psychologique et pas uniquement physique”, avec bien sûr des indemnités adaptées (Le Figaro).
Je ne doute pas un seul instant de la sincérité intime de ces politiques qui ont été touchés, comme nous tous, par les dévastations islamistes gratuites ayant tellement massacré et laissé des survivants atteints peut-être pour la vie.
La glorification des victimes : une démagogie
Mais la démagogie ou l’impuissance ne commencent-elles pas quand on magnifie la victime en tant que telle, au-delà de ce qu’elle a souffert, seulement parce qu’elle a été, un jour, malgré elle, victime et que ce statut est à ce point symbolique que non seulement il convient de le mentionner de manière lancinante mais, plus encore, de l’appliquer à d’autres qui seront eux-mêmes étiquetés victimes alors qu’ils l’étaient déjà dans leur chair et leur tête ?
Les traumatisés psychologiques n’auront plus seulement droit à ce dont ils pourraient bénéficier grâce à la dégradation de leur état mais on leur promet de les enfermer dans la catégorie noble et éprouvante des victimes.
On passe de plus en plus de la victime réelle à la condition de victime, de la victime heurtée de plein fouet par le crime ou le hasard à la qualité de victime, presque à la vertu de victime.
Cette obsession de cultiver, d’honorer, de rappeler les morts et les douleurs, de compatir, d’étiqueter, de se tourner vers le passé des tragédies plutôt que vers le présent de la résistance est clairement la manifestation d’une autorité de l’État et même d’une Église qui ne savent plus quoi faire face, pour l’instant, à un ennemi trop fort.
Une société de victimes est la dramatique conséquence de la vaine recherche des coupables. On se laisse aller sur une pente qui n’exige de nos responsables politiques que des mots, des cérémonies et du cœur.
Pour moins parler des victimes, il faudrait agir, mieux, plus durement, sans états d’âme. Il y a des causes qui imposent un temps que l’État n’ait pas d’âme !
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Je ne vois pas la nouveauté dans la prise en compte du traumatisme psychologique, à part l’habituel sarko bashing de l’auteur.
Pour le cas du père Hamel il s’agit d’une pratique courante dans l’Église catholique, qui consiste à béatifier ses martyrs. On ne peut pas dire qu’il y a quoi que ce soit de nouveau sous le soleil.
Pratique qui concrétise le fait que le père Hamel a donné sa vie, non pas tant au moment de son martyr, mais au moment de sa réponse à l’appel qu’il a reçu, et qu’il a été au bout de son engagement. Ce n’est donc pas en tant que victime qu’il est béatifié, mais comme chrétien ayant fait preuve de qualités héroïques.
Il faut croire que oui, du moins chez les socialistes.
Les victimes doivent être glorifiées, pour faire oublier à la population que l’Etat est responsable et avant de la sécurité des citoyens.
Ensuite pour permettre à un président de pacotille, plus préoccupé de sa luxuriante chevelure que du bien-être de ses concitoyens, de jouer au crosse-mort national en affichant une compassion de façade, lui qui méprise tant les sans-dents.
Président Chrysanthème? ça lui va assez bien, lui qui se préoccupe tant de la trace qu’il laissera dans l’histoire.
Par contre, vous noterez le silence sur les trois hommes qui, à Nice, ont essayé d’arrêter le camion fou. L’un a payé son courage de sa vie. Mais c’est vrai que reconnaître cela aurait peut-être accrédité le fat qu’il n’y avait pas beaucoup de policiers sur la Promenade des Anglais…
Combattre efficacement les causes plutôt qu’honorer les conséquences serait plus responsable de la part de ceux qui soit disant nous gouvernent
Loin de moi l’idée de mettre en doute la réalité de la souffrance des victimes ou de mettre en cause le fait par la collectivité de les épauler et soutenir.
Mais le pathétique le partage au scandaleux quand nos responsables politiques pour refuser de reconnaître l’échec patent de leur gestion en sont réduit à distribuer ce qui ne leur appartient pas. Ce n’est pas cher l’argent des autres quand on pense s’absoudre de ses propres responsabilités.
Entre un velléitaire accès Churchillien de notre Premier Ministre et l’institutionnalisation rampante du statut victimaire on assiste sans s’en rendre compte à un glissement progressif des plus dangereux.
Le discours politique transforme l’inacceptable en fatalisme.
On ne gère pas l’inacceptable. On n’organise pas l’administration de ses conséquences. On ne prévoit pas la reconnaissance par l’institution des inévitables malheurs que produisent des politiques erronées ou inefficaces.
On fait son boulot de politique: on cherche des solutions, on change ce qui ne marche pas, on revient sur les présumés fondamentaux qui se sont avérés douteux.
Bref: on ne communique pas sur ce qui est fait pour les victimes. On le fait.
Par contre on communique et on cherche les moyens efficaces de ne plus reproduire les conditions qui ont présidées à l’avènement des actes considérés.
Donner un statut aux victimes comme réponse politique quand on annonce qu’il faut s’habituer à en compter d’autres, c’est considérer que le terrorisme est naturel dans notre société. Un peu comme la grêle ou les tremblements de terre. C’est aussi bien évidemment l’institutionnaliser.
Se pose alors la question que nombre de français ont en tête: est-ce bien là une réponse acceptable? Que signifie un tel abandon?
J’ai toujours pas compris pourquoi un mort pouvait mériter une indemnité , plus qu’un autre.
La mort frappe aveuglement… Maladie provoquée par les comportements individiduels, par l’inaction publique, par une fragilité imparable… Mort au travail… Mort des inconséquences judiciaires…
Elles laissent pourtant les familles , toutes, dans l’inconsolable deuil, dans la panade financière aussi souvent.
Je n’ai pas compris comment les proches des victimes pouvaient se complaire dans une opération de communication purement politicienne, dans une basse manipulation de l’opinion publique, a des fins personnelles, ou pour imposer des lois encore plus liberticides que récusaient les victimes elles memes.
La glorification est pour moi une insulte envers les familles…
Je respecte leur choix d’y participer. Et je souhaite que cela les aide à reconstruire un avenir.
Le “statut” de victime n’est que le dernier avatar du socialisme. Après le statut de fonctionnaire, le statut d’ouvrier, le statut de chômeur… chacun aura un jour son petit tampon administratif certifié par l’Etat. Ce ne sont plus les droits et les libertés qui comptent, mais le “statut” de chacun en fonction de sa petite position durement gagnée (ou pas). Tout cela au nom de l’égalité.
C’est ça : on avait le statut d’intermittent du spectacle, défini par le fait que les personnes concernées passent le plus clair de leur temps à ne pas travailler. On va finir par avoir le statut d’intermittent de la vie, de la santé, de l’intelligence.
L’idiocratie est en marche.
Et elle avance vite !
Evidemment, il n’est question que des victimes d’attentats. Les autres ne comptent pas. Y aura-ti-il un “statut de victime” pour les victimes de viols ? J’en doute. Pour parler de la communauté asiatique récemment affectée, les victimes de vols avec agressions auron-elles la faveur du statut ? Je pense à une jeune femme de cette communauté “tombée dans les mains d’hommes dans un parking”, lesquels ont demandé un report d’audience à cause de la pression médiatique, “bénéficiera”-t-elle de ce statut ?
C’est de la poudre aux yeux. L’Etat “fait quelque chose” parce que les attentats ont été médiatisés. Le reste des crimes en France n’émeut pas la classe politique.
http://www.msn.com/fr-fr/actualite/national/%C2%ABrescap%C3%A9-du-bataclan-je-ne-vois-pas-en-quoi-je-m%C3%A9rite-une-m%C3%A9daille%C2%BB/vp-AAiyZnK
Ce rescapé donne son avis quant à se voir donner une médaille. Il qualifie ce “geste” de “désespérant” et la médaille de “gadget”. (“Cette médaille, c’est juste désespérant de voir à quel point on peut être rapide pour faire certaines choses qui sont complètement accessoires, et lent sur les sujets de fond.”) Il dit que les victimes n’ont pas besoin d’une médaille, mais d’une “aide permanente”.
Les victimes attendent en général un minimum de Justice (bon, on est en France, hein) et de pouvoir se reconstruire, pas un bout de métal, et encore moins que le Fisc vienne réclamer aux parents l’I.R de leurs enfants défunts. (http://www.midilibre.fr/2016/05/11/attentats-du-13-novembre-des-impots-malgre-le-deuil,1330578.php)
Ah oui, en plus, en France, la victime est coupable, et le coupable est victime, ce n’est pas sa faute mais celle de la société. Pour reprendre l’exemple des agressions sur les asiatiques “ils ont de l’argent”, les victimes de viols c’est parce qu’elles sont “habillées de façon provocante” ou “quelles cherchent”, ou encore parce que les magazines montrent des maisons, des voitures, des biens en général, hors de portée du commun des mortels. Bref, c’est la faute à la société de consommation en général. Heureusement, je n’ai entendu personne dire que c’était la faute des clients des terrasses ou du Bataclan. (Heu… En fait si. Steven Anderson, un prêcheur américain a dit que les fans des Eagles of Death Metal étaient morts de leur propre faute en allant admirer des représentants sataniques, et que nous, français, méritions notre funeste sort du fait de notre légèreté moralo-religieuse. Son prêche ici : https://www.youtube.com/watch?v=UbXZ9VoDp7M, avec sa leur de petite folie légèrement latente dans les yeux.)
Si dans la DDHC et la loi qu’il a fallu faire il y a quelques années, est dit en gros “innocent jusqu’à preuve du contraire”, les victimes doivent prouver qu’elles ne sont effectivement ni responsables ni à l’origine de ce qui leur est arrivé.
Et comme dit dans certains commentaires : “Quand on porte plainte, on a l’impression qu’on les em…de !”
Bref il y a des progrès à faire.
Les média choisissent effectivement leurs victimes : du terrorisme, avec de préférence le visage émouvant plutôt qu’en colère.
Une victime doit avoir le visage de la victime !