Par Guillaume Richard-Sadowski.
Un article de Trop Libre

C’est avec une certaine force tranquille que la loi organique sur les règles de l’élection présidentielle a été adoptée par l’Assemblée nationale le 5 avril 2016. Présentée par Bruno Le Roux et Jean-Jacques Urvoas, elle rend applicable les principes relatifs aux parrainages et au temps de parole pour les prochaines élections présidentielles. Retour sur la loi organique en quatre temps pour résumer ses raisons et ses impacts.
La défiance se rebiffe
Aujourd’hui, la défiance populaire à l’égard des personnalités politiques et des partis traditionnels ne cesse de gagner du terrain après chaque élection. Selon un sondage du 27 avril 2016 effectué par Ipsos, 72% des personnalités politiques sont perçues comme étant corrompues (+10 en trois ans) et 89% d’entre elles se préoccuperaient seulement de leurs intérêts personnels (+7 en trois ans). Cet alarmant constat se traduit par une frustration citoyenne ; les citoyens ne se sentant plus représentés, cela a une double conséquence électorale : la pérennité de l’abstentionnisme et le succès du vote blanc. Malgré les alternances entre gauche et droite, on peut s’apercevoir que beaucoup d’électeurs souhaitent sortir de ce choix électoral sans passer par le vote Front National, provoquant l’éclosion de mouvements populaires qui se donnent l’objectif de représenter le renouvellement de la classe politique et des idées.
Le citoyen s’éveille
Selon l’étude Ipsos du 2 mars 2016, 81% des sondés déclarent ne pas avoir confiance dans l’évolution de la situation économique et sociale du pays. Il est intéressant de révéler d’ailleurs que les Français se font d’abord confiance à eux-mêmes : 52% des personnes interrogées estiment faire confiance aux citoyens, bien plus qu’aux intellectuels (27%), qu’aux  entreprises (21%), qu’à l’État (12%) ou qu’à l’Union européenne (10%). La tendance chez l’électeur est à la participation citoyenne dans le processus de décision politique. Ce phénomène fait éclore énormément mouvements d’initiative populaire avec des intentions très hétéroclites, mais qui restent unanimes vis-à -vis de cette idée de renouveler les idées et la classe politique.
Grâce à internet, cette tendance citoyenne a créé au fil des années une forme de nouvelle opinion qui s’informe et se désinforme loin des regards des partis politiques. L’émergence de cette nouvelle opinion du net amplifie le rejet des partis traditionnels au profit de mouvements populaires qui se structurent en micros partis qui souhaitent vraisemblablement présenter un candidat pour l’élection présidentielle. On peut alors voir émerger des partis populaires issus de la société civile comme Générations citoyens (candidat citoyen), Nouvelle Donne (Pierre Larrouturou et Nathalie Cayet), Objectif France (Rafik Smati), Nous Citoyens (Denis Payre), Société Civile 2017 (Michel Guénaire) et des partis souverainistes comme Solidarité et Progrès (Jacques Cheminade) et l’Union Populaire Républicaine (François Asselineau).
La problématique se pose dans la mesure où ces mouvements ont une représentativité inférieure à 1% mais n’ont aucune visibilité dans les médias mainstream. La grande majorité des Français ne connait pas ces mouvements et encore moins leurs idées.
Les règles se transforment
Au-delà des conditions de parrainage, l’adoption de cette loi s’avère lourde de conséquences pour l’ensemble de ces petits candidats qui peinent à se faire connaître auprès de l’opinion publique globale. Jusqu’à présent le principe d’égalité appliqué par le CSA prévalait sur le principe d’équité. Le temps de parole était donc réparti de façon égalitaire entre chaque candidat. Les nouvelles règles prévues par cette loi organique prévoient de répartir le temps de parole par rapport à la représentativité de chaque candidat en partant du principe que pour être candidat à l’élection, il faut pouvoir représenter quelque chose.
Le temps de parole sera utilisé au bénéfice des candidats ayant déjà une assise en termes de notoriété. Lors des élections régionales de 2015, on peut constater que l’UDI, EELV, Les Républicains, le Parti Socialiste, le Front de Gauche et le Front National ont eu plus de 90% du temps de parole et n’ont pourtant réuni que 42% des électeurs si l’on prend en compte le taux d’abstention. Comme le souligne le politologue Dominique Reynié, « la tendance est à la destitution des élites gouvernementales. » et pourtant cette nouvelle règle tend à renforcer leur visibilité au détriment du renouvellement des idées et celui des représentants.
Le tripartisme s’impose
Au final, ces micros partis politiques auront énormément de difficultés à s’immiscer dans le jeu des partis gouvernementaux (PS, EELV, UDI, LR). Cette loi organique a la particularité de protéger l’intérêt essentiel de l’élection présidentielle en évitant d’avoir des candidatures trop nombreuses, voire folkloriques. Cependant, elle risque de réduire inexorablement la visibilité des petits et/ou nouveaux candidats, laissant le monopole du discours alternatif au Front National, voire au Front de Gauche.
—
Jusqu’à ce que la télévision devienne un média minoritaire.
Peut-on savoir pourquoi vous ne citez à aucun moment Debout La France, qui est passé loin devant les partis populaires et les partis souverainistes que vous citez, à toutes les élections.
Debout La France est constitué essentiellement de personnes de la société civile, se démarquant en cela des grandes formations politiques. Il est aujourd’hui le 5° parti de France et a pratiquement égalisé EELV et le FDG aux dernières Régionales en nombre d’électeurs. Il va pourtant subir de plein fouet les nouvelles règles anti démocratiques de verrouillage de l’élection présidentielle, présentées par le PS, mais votées gra^ce aux voix des députés LR sans lesquelles la loi organique ne passait pas, vous ne le dites pas non plus.
Un travail journalistique abouti devrait, lorsqu’il parle du paysage politique français, ne pas éviter de citer Debout La France.
Petits candidats aussi démagos que les gros.